Bilan de la distribution de films indiens en France en 2013 2/2
Publié vendredi 12 décembre 2014
Dernière modification dimanche 23 novembre 2014
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Dans cette seconde partie de notre bilan de la distribution de films indiens en France en 2013, nous allons nous intéresser à différents facteurs pouvant expliquer les résultats du box-office que nous vous avons présenté en première partie.
Merci à Gandhi Tata pour ses conseils, notamment pour les parties concernant les genres et les sorties en dvd.
Parmi les 53 films distribués en 2013 (ré-incluons un moment The Lunchbox), seules trois langues indiennes étaient représentées : le hindi, le tamoul et le pendjabi. C’est le cinéma tamoul qui est le plus représenté en France avec les trois quarts des films. Notons à cette occasion que la communauté tamoule est la composante indienne la plus représentée en France, devant la communauté Sikh. Ce qui explique d’une part la prédominance du cinéma tamoul et d’autre part la présence de films en pendjabi. Alors que les films hindis ont tous été projetés en vostfr et sont donc accessibles à l’ensemble du public français, les deux films pendjabis n’étaient qu’en vosta. Pour les films tamouls, nous retrouvons tous les cas de figure : la VO, la VOSTA et la VOSTF.
Mais que le film soit distribué en VOSTA ou en VO, cela n’a pas une grande influence sur le nombre d’entrées, la moyenne est sensiblement la même. Cela peut s’expliquer par le fait que ces films sont plutôt destinés à un public communautaire dont la maîtrise de la langue indienne (pendjabi ou tamoule) est suffisante pour se passer de sous-titres français.
En revanche, les films sous-titrés en français attirent un public beaucoup plus nombreux. D’une part, le film peut être vu par un public sans origines indiennes. D’autre part, les films sous-titrés en français sont ceux qui présentent pour le distributeur le plus gros potentiel en terme d’entrées, raison pour laquelle il a investi dans les sous-titres.
Ainsi, un film avec en tête d’affiche un acteur comme Surya dans Singam 2, ou avec un réalisateur comme Mani Ratnam pour Kadal, va être sous-titré en français, contrairement à un film comme Moondru Per Moondru Kadhal qui n’a pas un casting très connu.
En moyenne, les films hindis font plus d’entrées que les films tamouls. Cela s’explique en partie par le fait que tous les films hindis ont été sous-titrés en français et nous avons vu plus haut que cela allait avec un nombre d’entrées plus important. Cependant il faut noter que certains films tamouls ne sortent que pour quelques séances seulement (et font donc moins d’entrées) ce qui a tendance à faire chuter la moyenne du nombre d’entrées par film.
Comme je le disais en introduction, avec 53 films indiens distribués dans l’hexagone en 2013, cela fait en moyenne un film par semaine. Pourtant, la répartition des sorties est moins homogène que cela, comme le montre le graphique. Mis à part un pic de sept films en mai, on observe qu’il y a globalement plus de sorties en fin d’année. Cette différence est particulièrement remarquable pour les films hindis. Ainsi, plus de la moitié des films hindis (si on rajoute The Lunchbox que le graphique ne prend pas en compte pour ne pas altérer la moyenne des entrées) ont été distribués en France pendant le dernier trimestre. Cela prend en compte le calendrier indien des sorties puisque les sorties françaises sont souvent en simultané.
Si on remarque également une période creuse en été (juin, juillet, août) avec seulement huit films sur toute la période, le mois d’août marque un pic important dans le nombre d’entrées. En effet, les vacances n’ont pas empêché le public de se déplacer pour aller voir deux grosses sorties : Thalaiva et Chennai Express [1]. Mais en moyenne, les films de la deuxième moitié de l’année ont ramené plus de monde en salle. De janvier à juin, on est presque toujours sous la barre des 1000 entrées par film (février passe juste au-dessus), alors qu’à partir de juillet, on est bien au-dessus (en moyenne, à 3500 entrées par film).
L’attribution d’un genre à un film indien est délicate car souvent il en regroupe plusieurs (le terme comédie romantique en est aussi une illustration). Nous avons toutefois tenté de dégager le genre prédominant de chacun des films distribués en France afin de pouvoir établir des statistiques sur les préférences du public français.
Nous avons donc comptabilisé neuf genres différents parmi les films distribués en France en 2013. Sans surprise, avec presque les trois quarts des films projetés en France, ce sont les films tamouls qui présentent la plus grande variété de styles, les neuf genres y sont représentés. Les 11 films hindis (comptons un instant The Lunchbox) se répartissent dans cinq catégories : science-fiction, romance, drame, comédie et action.
En proportion, ce sont les comédies qui sont le plus représentées, dans chacune des trois langues [2]. Derrière la comédie, vient l’action. Puis c’est la romance pour les films hindis, et le thriller et le drame pour les films tamouls. Nous sommes donc loin du cliché « bollywoodien » des Français qui sont obsédés par l’idée que le cinéma indien se résume à des romans à l’eau de rose adaptés par Andrew Lloyd Webber, roi de la comédie musicale de Broadway, puisque la romance ne représente que 11% des films distribués en France.
Étudions maintenant le rapport entre le nombre de films représentatifs d’un genre et les entrées réalisées.
Sur le nombre d’entrées cumulées, les films d’action se placent donc en tête à plus de 40% des entrées réalisées en 2013, suivis par les comédies (plus de 20%) et le drame et la romance (chacun avec 10% environ). Les autres genres se partagent les miettes du box-office français des films indiens. A présent, on s’intéresse à la moyenne des entrées réalisées par les films de chacun des genres. Là, la part des films d’action baisse (un film d’action ne fait en moyenne que 25% des entrées [3]), et c’est encore plus flagrant pour les comédies (environs 10%). Si le drame se maintient et la romance augmente un peu, on repère surtout l’accroissement que prennent les films de science-fiction (on est presque à 20%), et dans une moindre mesure, les films historiques.
Avec seulement deux films pendjabis pour 2013, il n’est pas possible de tirer la moindre tendance. La seule chose à retenir c’est que Sadda Haq, film historique, a davantage attiré le public que Baiji in Problem, comédie. L’année 2014 ayant été plus riche en films pendjabis, cela nous éclairera sur la distribution des films pendjabis en France.
Sur les films tamouls, on remarque que les films d’action attirent deux fois plus de monde que la moyenne avec plus de 3000 entrées en moyenne sur 10 films, contre 1500 entrées en moyenne par film pour l’ensemble des films tamouls. On se retrouve dans la situation inverse pour les comédies. Bien qu’ayant été distribuées en nombre, 13 en un an, celles-ci font deux fois moins d’entrées que la moyenne (environ 800 entrées seulement par film). Les comédies tamoules qui tirent leur épingle du jeu sont celles avec des acteurs plus connus comme Karthi : Biriyani et All in All Azhaguraja ont chacun fait plus de 2000 entrées et sont les deux comédies tamoules ayant le mieux marché. Au moins en France, Karthi ne connait pas la crise. La romance tamoule se porte bien (presque à égalité avec la romance hindie), mais c’est presque entièrement dû au joli succès de Raja Rani.
Les entrées moyennes des films hindis sont fortement marquées par un nombre de films relativement peu élevé : 10 films seulement (11 avec The Lunchbox que nous ne comptons pas pour établir des moyennes d’entrées) ; et par deux films ayant fait chacun plus de 10 000 entrées (Chennai Express et Dhoom 3, une comédie et un film d’action). Il est donc plus difficile d’obtenir des moyennes significatives que pour les 40 films tamouls. On remarque alors sans surprise que les films d’action et les comédies arrivent en tête des genres.
Des 53 films projetés en salle en 2013, deux ont ensuite été distribués sous forme de dvd. Bien évidemment, The Lunchbox est l’un de ces deux films. La fiche de ce dvd a été réalisée pour Fantastikindia par Alineji. Le second est Krrish 3, commercialisé sous le nom de Defender, sa fiche est également disponible ici. Le choix de Krrish 3 a dérouté certaines personnes, mais cela s’inscrit dans la politique de l’éditeur Condor Entertainment qui avait déjà édité le dvd de Ra-One, sous le nom de Voltage, autre film de super héros indien. L’émission live Direct to dvd d’Allociné en a même fait mention dans son numéro 72 (les commentaires en sont d’ailleurs plutôt positifs). Cette émission est consacrée aux films qui sortent directement en dvd en France sans passer par la case cinéma. Cette pratique est souvent assimilée à un cinéma de piètre qualité qualifié de "nanar". Ainsi, si la sortie d’un film indien en dvd de cette manière reste une bonne nouvelle, cela ne contribue pas à la bonne image du genre.
Afin de toucher un public français plus nombreux, The Lunchbox et Defender présentent, en plus de la VOSTF, une version doublée en français. Mais ces deux cas sont marginaux et la plupart des films indiens distribués en France ne connaissent pas de sortie dvd officielle en France [4].
Sur les 53 films indiens distribués en France en 2013, Fantastikindia en a chroniqué 19. Si les rédacteurs de notre équipe sont parfois allés dans le sens du public, il leur est également arrivé d’apprécier un film qui avait été boudé. C’est le cas notamment de Paradesi qui a fait moins de 500 entrées mais auquel nos rédacteurs ont donné un 9/10, égalant ainsi la note de The Lunchbox.
Alors que peut-on dire de l’année 2013 pour le cinéma indien en France ? Comme c’est la première année où Fantastikindia produit ce genre d’étude, il n’est pas encore possible de voir une évolution dans le temps dans les pratiques du public et des distributeurs vis-à-vis des films indiens en France. Nous verrons les prochaines années comment cela se poursuit.
Ensuite, avec 53 films dans l’année, beaucoup de films ont été présentés et de nombreux genres explorés (deux films de science-fiction qui ont assez bien marché par exemple) mais il faudrait prendre en compte l’étendue géographique de la distribution des films. Nombreux sont les films qui n’ont été distribués qu’en région parisienne.
Le cinéma tamoul est le plus présent en France et cela est dû à une forte communauté fidèle à la salle de cinéma, mais les films hindis marchent mieux en moyenne. Tout comme les films en VOSTF, par rapport aux films en VO et VOSTA. Les films en VOSTF correspondent à ceux des grandes stars, ce sont ceux qui marchent le mieux.
[1] Petite précision cependant, Chennai Express est sorti en août mais sa distribution en France s’est prolongée sur le mois de septembre, ce qui n’est pas visible sur notre graphique.
[2] Cas particulier certes pour le punjabi, puisqu’avec deux films seulement, la comédie totalise 50% des genres représentés.
[3] Sur 100 entrées réparties sur tous les genres de films, un film d’action va en totaliser environ 25.
[4] Impossible en effet de les retrouver dans une enseigne de la grande distribution, par exemple.
Détails techniques
-La présente étude ne prend pas en compte les films n’ayant été projetés que dans le cadre de festivals comme Extravagant India, le FFAST ou l’été indien du Musée Guimet. Sauf si ces films ont ensuite été distribués en salles comme The Lunchbox.
-Pour les films dont l’exploitation a commencé en 2013 et s’est poursuivie en 2014, nous avons utilisé les chiffres sur toute la période d’exploitation (2013 et 2014).
-Il y a des données qui n’ont pas été prises en compte dans cette étude : le nombre de séances, la taille des salles, l’existence de séances en province ou non.
-Les chiffres que nous avons utilisés pour réaliser cette étude sont ceux qui nous ont été communiqués par les distributeurs avant le 31 juillet 2014 (les entrées des films sortis en 2013 mais ayant bénéficié d’autres séances après cette date, comme Mic Mac Masters, ne sont donc pas exhaustives). A l’exception de The Lunchbox pour lequel nous avons pris la fourchette officielle, le cas étant de toute façon à part.
-Si nous avons pu comparer le classement français des films hindis au classement indien, cela ne nous est pas possible pour les films tamouls car nous n’avons pas de chiffres fiables du box-office tamoul.
-Sur les termes utilisés : VOSTF : version originale sous-titrée en français. VOSTA : version originale sous-titrée en anglais. VO : version originale (sous-entendu « sans sous-titres »).