Bollywood, l’art de l’affiche
Publié samedi 10 septembre 2022
Dernière modification samedi 10 septembre 2022
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Les affiches de films, peintes et souvent très colorées, furent l’une des composantes du cinéma indien, jusqu’aux années 80, voire 90. Et c’est cet objet qui est abordé dans ce livre qui lui est entièrement consacré. On voit là le travail du collectionneur, qui enrichit sa collection de pièces rares et trie l’ensemble en catégories soigneusement élaborées. Edo Bouman, qui dirige à Amsterdam la maison de disque Bombay Connection Records, est ce collectionneur qui ne s’est pas arrêté aux affiches de films, mais présente aussi, au détour de deux ou trois pages volées, quelques pochettes de bandes originales.
Le livre, originellement publié en anglais en 2010 a été traduit en français la même année. On notera que l’auteur, Rajesh Devraj, a également été le scénariste de quelques films indiens. On lui doit, entre autres, l’histoire de Quick Gun Murugan et d’Arjun, le prince guerrier.
Ce que raconte l’auteur est passionnant : il retrace l’histoire de l’affiche (peinte) de film. On commence par les artistes, leur formation et leurs conditions de vie. Puis c’est l’historique des affiches, leurs formats, les habitudes publicitaires, en s’arrêtant parfois sur le cinéma de série B. Et enfin, on termine par l’extinction de cet art populaire.
De la difficulté d’être original dans l’affiche d’un multi-starter comme Waqt, du pourquoi des visages verts, des adaptations régionales des affiches avec par exemple Delhi qui ne voyait que par l’hémoglobine et la chair exposée des femmes, on apprend tout au long de ce voyage initiatique au pays de Bollywood. Pays que l’on découvre aussi patrie de Zorro, Tarzan et Superman dans des versions "indianisées" des originaux, dont Nadia l’intrépide était l’une des plus populaires représentantes.
Si le livre fascine par son propos riche et documenté sur les affiches de films, on aurait pu se passer de certains jugements de valeurs concernant le cinéma en lui-même. Par exemple : "le genre bollywoodien le plus délicieusement nul est le cinéma masala", sans oublier le mot "kitsch" qui revient trop fréquemment.
Cependant, le plus grand regret que l’on peut avoir concerne la place des illustrations dans l’ouvrage, d’autant plus que celui-ci est édité par Taschen, pourtant réputé dans ce domaine. Ce n’est bien sûr pas la qualité qui pèche, mais la mise en page et la sélection des images. Pour illustrer son propos, l’auteur fait très souvent allusion à des affiches bien particulières qu’il prend soin de citer, mais aucun renvoi n’est proposé dans le texte et le lecteur doit chercher sur la double page en cours si l’illustration s’y trouve, à moins que ce ne soit une ou deux pages avant… ou après. Tout cela pour découvrir parfois avec surprise, qu’une affiche pourtant décrite sur tout un paragraphe comme étant importante dans l’évolution de la production de l’époque ou de l’artiste, n’a pas été reproduite. On peut se demander s’il s’agit vraiment d’un manque de place car d’autres affiches reproduites, bien que sympathiques à regarder, ne sont jamais citées. C’est une vraie déception de ce côté-là.
L’ouvrage offre également des annexes que le lecteur pourra apprécier pour compléter ou aller plus loin dans le propos. Il y a une bibliographie aiguillant le lecteur vers d’autres œuvres ou articles sur le sujet, et sur le cinéma indien de manière générale. Les références en français sont, on s’en doutait, très peu nombreuses (moins d’une demi-douzaine), mais ceux que l’anglais ne rebute pas, auront de quoi assouvir leur soif de savoir. On trouve aussi une chronologie du cinéma indien qui s’arrête en 1998, date à laquelle "Le cinéma devient officiellement un secteur industriel et peut ainsi faire des demandes de subventions institutionnelles". Ne s’étendant que sur une double page, il est normal qu’elle ne peigne le cinéma indien qu’à travers quelques grandes dates repères et soit assez succincte. Une place un peu plus importante est réservée aux biographies des principaux artistes que l’on rencontre à travers l’ouvrage.
Ce livre devrait plaire à tous ceux qui désirent en savoir plus sur les grands courants du cinéma indien, le mode de promotion de celui-ci, et à ceux qui aiment les belles images. Attention ! Vous n’êtes pas à l’abri de découvrir au détour d’une affiche, un film que vous n’avez jamais vu et que vous aimeriez connaître.
P.-S. : Pour ceux qui n’en ont jamais assez, il existe un autre livre en anglais sur le sujet : Bollywood Posters de Jerry Pinto et Sheena Sippy, qu’il faudrait que je chronique un jour ou l’autre.
Fiche bibliographique
Titre : Bollywood, l’art de l’affiche
Année de parution : 2010
Auteurs : Rajesh Devraj, Edo Bouman (coll).
Éditeur : Taschen
Nombre de pages : 192 pages
Illustrations issues du site internet de Taschen