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Dedh Ishqiya

Traduction : Un romantique et demi

LanguesHindi, Ourdou
GenreComédie
Dir. PhotoSetu
ActeursMadhuri Dixit, Naseeruddin Shah, Arshad Warsi, Huma Qureshi, Vijay Raaz, Salman Shahid, Manoj Pahwa
Dir. MusicalVishal Bhardwaj, Begum Akhtar
ParolierGulzar
ChanteursRahat Fateh Ali Khan, Rekha Bharadwaj, Master Saleem, Pandit Birju Maharaj, Shahid Mallya, Jazim Sharma, Jamal Akbar
ProducteursVishal Bhardwaj, Raman Maroo
Durée148 mn

Bande originale

Dil Ka Mizaaj Ishqiya
Hamari Atariya
Zabaan Jale Hai
Jagaave Saari Raina
Kya Hoga

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Fiche IMDB
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La critique de Fantastikindia

Par Mel - le 4 novembre 2014

Note :
(8.5/10)

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Ça ne va pas fort pour Babban (Arshad Warsi). Il est debout dans sa tombe, le pantalon sur les chaussures, sous la menace du pistolet d’un Mushtak Bhai hilare. Dans une dernière tentative pour rester en vie, il raconte son histoire. Avec son oncle Khalu (Naseeruddin Shah), ils avaient mijoté un gros coup : voler pour le compte du don un magnifique collier serti de pierres précieuses. L’entreprise fut couronnée de succès et ils ont pu s’enfuir avec le butin. Malheureusement, les forces de l’ordre se sont mises à leurs trousses, vidant sur eux tout ce que leurs chargeurs contenaient de balles. Ils ont dû se séparer pour échapper à la maréchaussée. Khalu est parti de son côté avec le bijou, mais il semble qu’un dernier coup de feu policier ait eu raison du vieux voleur.

Voilà donc le collier envolé, et Babban seul à rendre des comptes. Mushtak Bhai veut jouer au chat et à la souris. Il a sa proie à portée de dents. Il aiguise ses griffes avec délectation. Il se pourlèche les babines. Comment le tuer ? Mais la souris a plus d’un tour dans son sac, et elle court vite ! Babban se carapate… comme toujours. Quelques mois plus tard, alors qu’il dort dans un hôtel de passe miteux, une voix familière le réveille. C’est Khalu interviewé à la télévision. Il se fait passer pour le nawab de Chandpur qui va participer au concours de poésie organisée par Begum Para (Madhuri Dixit) en mémoire de son défunt mari, le nawab de Majidabad. Son dernier souhait était que celui qu’elle déclarerait vainqueur l’épouse, devenant ainsi à son tour nawab de Majidabad…

Abhishek Chaubey, qui avait réalisé le premier opus Ishqiya, nous invite à une suite faisant la part à belle à la parole. Le film est constellé de courts dialogues très écrits qui peuvent aller jusqu’à prendre le pas sur l’image. Il s’ouvre ainsi sur un écran noir d’une minute pendant laquelle Arshad Warsi raconte une blague charmante. Dans un genre radicalement différent, Khallu participe à un mushaira, une joute poétique où les invités rivalisent de talent oratoire. Cela peut effrayer un peu celui qui ne comprend pas l’ourdu. Cependant, de façon très surprenante, on se prend au jeu. La rime vient rapidement à l’oreille et les métaphores sont remarquablement rendues par les sous-titres (en anglais malheureusement). Les intonations magnifiques de Naseeruddin Shah font le reste.

Mais qu’on ne s’y trompe pas, Dedh Ishqiya n’est pas limité à un art suranné. C’est un film de notre temps où le dialogue fait dire à un Babban frimeur : « iphone2 ? Combien a-t-il coûté ? Quand l’iphone5 sera disponible, plus personne n’en voudra, même pour rien. L’iPhone5 est meilleur. Il fait des photos en 8 Mpixels. » L’image n’est pas en reste, allant jusqu’à inclure des plans qui trouveraient parfaitement leur place dans un western italien. Mais à l’inverse, il nous plonge aussi dans l’esthétique musulmane raffinée du nord-est de l’Inde. Naseeruddin Shah illustre à merveille ce grand écart en alternant le nawab très élégant qui chante plus qu’il ne parle, et la gentille fripouille un peu trouillarde qui porte un débardeur crasseux.

La construction de Dedh Ishqiya est similaire à celle d’Ishqiya : deux voleurs en fuite se retrouvent emportés dans un univers étranger et une histoire qui les dépasse. Vidya Balan laisse sa place au duo composé de Madhuri Dixit et Huma Qureshi. Leurs desseins sont aussi mystérieux et les gredins tombent une nouvelle fois amoureux. Il y a cependant une grande différence en la personne de Jaan Mohammad, le « méchant » incarné par Vijay Raaz. C’est un imbécile magnifique dont on peut comprendre l’énervement lorsqu’il réalise que les nouveaux venus contrarient ses plans. Sa présence insuffle un tempo qui pouvait faire défaut au premier épisode. Ce n’est pas un personnage central, c’est un catalyseur : sa présence est nécessaire, mais il ne participe pas du résultat.

Au final, le rythme est enlevé sans être trépidant. Les auteurs nous laissent le temps de goûter chaque scène et le film en devient très prenant. Il nous réserve son petit lot de surprises, dévoilées à mesure que les intentions de chacun se font plus claires. Dedh Ishqiya est aussi très drôle sans être hilarant. Les situations comme les textes sont exquis au point qu’on sourit à en en avoir mal aux joues. L’influence de Vishal Bhardwaj est visible dans la réalisation de cette comédie grise, à défaut d’être noire. Il l’a écrite, produite et en a composé la musique. On se retrouve donc en en terrain familier, dans une forme de continuité avec Matru Ki Bijlee Ka Mandola et 7 Khoon Maaf.

Les femmes sont souvent meilleures que les hommes dans le cinéma de Vishal Bhardwaj. Ces derniers ne se privent pas pour brasser beaucoup d’air, montrer leurs muscles en tapant ici et là, parlent fort et font les beaux, mais à la fin, on ne voit qu’elles, et ce sont elles qui mènent le jeu. Elles sont deux dans Dedh Ishqiya. C’est beaucoup trop pour l’ensemble des personnages masculins. Babban et Khalu sont comme pris dans un filet. Jaan Mohammed se débat, mais on se doute bien que c’est en vain. Muniya et Begum Para sont belles, fortes et indépendantes. Elles attirent donc irrésistiblement nos pieds-nickelés qui en deviennent particulièrement touchants, chacun dans leur genre. Mais comme dans Ishqiya, l’amour est forcément impossible. Elles ont tellement plus d’allure que les deux rustres au cœur tendre.

À un moment, Khalu évoque les sept étapes de l’amour chères à Ghalib, et qui constituent l’ossature de plusieurs films dont Dil… Se. On les retrouve ici aussi, même si elles sont un peu distordues. Les auteurs ont cependant beaucoup plus d’un tour dans leur sac. Ils nous préparent une surprise que je ne dévoilerai pas, mais qui nous oblige à reconsidérer l’histoire sous un jour différent avant même que la lumière se rallume. Elle est décrite avec tellement de délicatesse et de sensibilité qu’elle en devient très émouvante.

Dedh Ishqiya présente une particularité très rare : tous les personnages, tous, sont attachants. Ils sont aussi tous impeccablement en place. Naseeruddin Shah est fantastique et nous offre une performance rare. Il est adorable. C’est aussi vrai d’Arshad Warsi qui habite avec délectation son rôle de modeste voyou. Il a pourtant été habitué aux films médiocres, mais il montre ici que c’est en réalité un grand acteur. Que dire de Vijay Raaz ? Il est simplement génial. Cerise sur le gâteau, nous avons droit à un Manoj Pahwa transcendé. Lui qu’on a vu par le passé dans des situations grotesques où on se moquait de son embonpoint, force le respect avec maestria. Même les nombreux hommes de main sont délicieux avec leurs airs idiots. Il ne faut pas oublier non plus Salman Shahid qui joue remarquablement Mushtak Bhai, le beau-frère sadique, même si ce n’est que quelques minutes.

Huma Qureshi a su parfaitement se glisser dans le personnage de Muniya. Elle est belle et extrêmement forte au point que Babban ne lui fait absolument pas peur. Des lourdauds comme ça, elle en croque au petit-déjeuner. Ses moments de fragilité sont rares et n’en sont que plus émouvants. Pour son retour à l’écran, on espérait beaucoup de Madhuri Dixit. Elle est un peu en retrait, mais son personnage la voulait hiératique ; après tout c’est une reine. On a parfois l’impression qu’elle flotte dans l’air au-dessus du bruit et de la fureur. Et elle nous offre par moments ce regard malicieux qui a fait d’elle une immense vedette.

Si l’on excepte la musique qui peut laisser de marbre, Dedh Ishqiya est une réussite à tous points de vue. L’histoire est prenante et d’une grande richesse. Les personnages sont extraordinairement construits. Les dialogues sont savoureux. Les images sont belles. Les acteurs sont formidables. Deux heures et demie de bonheur de spectateur. Que demander de plus ?


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