Delhi Safari
Langue | Hindi |
Genre | Film d’animation |
Acteurs | Boman Irani, Govinda, Akshaye Khanna, Urmila Matondkar, Suniel Shetty |
Dir. Musical | Shankar-Ehsaan-Loy |
Parolier | Sameer |
Chanteurs | Hamsika Iyer, Shekhar Ravjiani, Raghubir Yadav, Shankar Mahadevan, Raman Mahadevan, Tarannum Mallik, Shivam Mahadevan, Mahalakshmi Iyer, Karsan Sargathia |
Producteurs | Anupama Patil, Kishor Patil |
Durée | 93 mn |
Yuvraj (Swini Khara) est un petit léopard. Il n’est pas encore bien fort, mais ce n’est déjà plus un bébé. Il ne vit plus qu’avec avec sa douce maman, Begum (Urmila Matondkar) depuis que Sultan (Suniel Shetty), son papa, a été tué par les hommes. Après une course éperdue, Sultan avait été abattu d’un méchant coup de fusil en tentant désespérément de sauver son petit Yuvi. C’est que les hommes construisent un immense complexe immobilier dans la jungle, sans se soucier une seconde de tous ses habitants qui n’ont plus qu’à se sauver ailleurs … s’il y a un ailleurs.
La plupart des animaux sont de l’avis de Begum, il faut partir. Bajrangi (Govinda) le singe querelleur veut faire la guerre, mais il faut bien se rendre à l’évidence, c’est un plan qui n’a aucune chance de réussir. Bagga (Boman Irani) l’ours suggère plutôt la négociation, mais comment faire ? Alors que la situation semble désespérée et que tous se préparent à fuir, Yuvi prend au mot Hawa Hawai (Deepak Dobrial), le vieux pigeon-voyageur amnésique. Il se souvient, difficilement, d’un perroquet, Alex (Akshaye Khanna) qui vit chez un producteur de cinéma, à Bombay tout proche. Il connait le langage des hommes parait-il.
S’il était possible de convaincre Alex de parler en leur nom aux chef des hommes à New-Delhi, peut-être comprendraient-ils et les laisseraient-ils en paix dans leur petit coin de paradis. C’est un rêve fou, mais Yuvi sait être convaincant comme l’était son papa. Qu’y a t’il a perdre à essayer ? Puisque tout est déjà perdu…
Delhi Safari est le premier film d’animation numérique indien en 3D. Pour l’occasion, une brochette d’acteurs célèbres ont prêté leur voix. Un réalisateur renommé, Nikhil Advani, à qui l’on doit New-York Masala ou Patiala House, en a dirigé la mise en images. Le film a aussi été distribué aux États-Unis quelques mois après sa sortie indienne. Malheureusement, malgré des efforts de promotion louables tant en Inde qu’aux États-Unis, des critiques élogieuses et des avantages fiscaux importants, ce fut un échec commercial cuisant. Le public a massivement boudé le périple de ces cinq animaux attachants de Bombay à New-Delhi.
Il faut reconnaître que la qualité de l’animation proprement dite ne peut pas concurrencer les succès occidentaux du moment comme Kung-Fu Panda 2 ou le merveilleux Dragons de Dean DeBlois et Chris Sanders. Les personnages se déplacent ici souvent de manière peu naturelle et le rendu de certaines textures comme la fourrure, les plumes ou l’eau, n’est pas au niveau des réalisations actuelles de Pixar ou de Dreamworks. Les décors ne sont pas non plus fouillés comme ceux d’ Arjun, the Warrior Prince, l’autre film d’animation indien important sorti en 2012. Bien que datée et manquant de moyens, la réalisation technique n’est cependant pas catastrophique. Certains personnages comme Alex sont très convaincants et le travail remarquable sur les visages font qu’on oublie rapidement les défauts pour entrer dans l’histoire.
On a tenté de reprocher aux auteurs des emprunts indus aux meilleures réalisations américaines comme Le Roi Lion ou Madagascar. C’est heureusement tout à fait inexact. Si on peut trouver quelques rares ressemblances par moment, ce n’est qu’avec certains plans du Roi Léo d’Osamu Tezuka, que Disney avait honteusement pillé pour son Roi Lion justement. Bien sûr Bagga a des airs de Baloo et on a déjà vu des hyènes rieuses dans plusieurs dessins animés. Mais cela n’en fait pas un plagiat et il n’y a que dans un film indien que l’on peut voir des antilopes dodeliner de la tête de cette façon. Visiblement, les auteurs ont été attentifs à ce type d’accusation, car quand il est fait référence à Mission Impossible par exemple, le gimmick musical est joliment détourné.
Delhi Safari est en réalité une œuvre originale dans son scénario comme dans son traitement. La construction est celle d’un pur film indien, avec entracte et chansons dansées. Comme souvent à Bollywood, les références au cinéma sont nombreuses, dans des registres aussi variés que les polaroids de Ghajini ou Main Tera Tota chanté par Kishore Kumar dans Paap Ki Duniya. Le montage est énergique et l’émotion très présente. Mais ce qui surprend tout d’abord, c’est le plaidoyer extrêmement direct pour la préservation de l’environnement.
Le cinéma d’animation a fréquemment tenu un discours écologiste. C’est le cas par exemple des films de Hayao Miyazaki tels que Princesse Mononoké ou Le Voyage de Chihiro. Mais l’argumentaire est généralement diffus. Ici, de façon extraordinaire, les animaux s’adressent directement aux hommes. Ils leur parlent pour leur reprocher leur comportement. La rhétorique d’Alex comme le sort d’un malheureux tigre sont très efficaces et ne peuvent laisser insensible même les plus réfractaires. Ce parti pris politique détonne justement avec la production habituelle des films d’animation. Sous des airs de film pour enfant, Delhi Safari s’adresse aussi aux adultes en abordant un thème important dans l’Inde d’aujourd’hui.
Le film n’en oublie pas d’être drôle en proposant des moments comiques pour tous les âges. Alex est un personnage qui gagne à être vu et le duo improbable qu’il forme avec le singe Bajrangi est par moments désopilant. L’ours Bagga est un peu moins réussi, mais il offre lui aussi des instants très plaisants. Le vrai héros du film est cependant Youvi l’adorable boule de poils avec ses grands yeux terriblement attendrissants. Begum n’est pas en reste, et son animation moyenne est compensée par l’interprétation magnifique d’Urmila Matondkar.
Swini Khara, qui est la voix de Youvi, réalise quant à elle une performance de tout premier ordre. Malgré ses 13 ans, elle insuffle la vie à ce petit personnage digital en lui offrant toute une palette de sentiments. Sa voix chaude et claire ferait fondre même les pierres. Govinda comme Akshaye Khanna sont également les révélations de Delhi Safari. Ils ne se contentent pas de dire le texte, ils sont le singe acariâtre et le perroquet râleur. La performance de Boman Irani est en revanche un peu en retrait. Peut-être sa voix nasale et trop aigüe n’était-elle pas le meilleur choix pour le grand corps de l’ours.
Pourtant, l’ours danse aussi. Il est de deux des trois chansons chorégraphiées. Elles ne restent pas dans l’oreille sans être pour autant désagréables, mais le problème principal est ailleurs. L’identification des personnages repose en grande partie sur leur voix, or ces chansons utilisent comme toujours des chanteurs professionnels. On se retrouve alors ici avec une forme étrange de playback où le lien avec le personnage est perdu. Une autre difficulté réside dans l’animation des parties dansées. Elle n’est réellement réussie que dans Aao Re Pardesi qui met en avant un groupe de flamants roses particulièrement gracieux. Il est simplement dommage que tout le passage chez les flamants ne semble avoir été conçu que pour introduire la chanson.
Delhi Safari est un film d’animation ambitieux qui amusera et émouvra les petits comme les grands. Si la réalisation de l’animation présente quelques défauts, elle est largement compensée par un jeu remarquable des acteurs. En définitive, le voyage au travers de l’Inde de ces personnages très attachants est bien plus passionnant que des grosses productions américaines techniquement parfaites telles que Rebelle ou Madagascar 3, sorties elles-aussi en 2012.
Ce film familial propose de façon drôle et parfois très touchante un message de respect de la nature, mais aussi sur la valeur de l’amitié et du courage de faire ce que l’on croit juste. On ne peut qu’adhérer. Halla Bol !