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Dhan Dhana Dhan Goal


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La critique de Fantastikindia

Par Lalita - le 9 juin 2008

Note :
(3.5/10)

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En cette période d’Euro 2008 de football, profitons-en pour parler d’un des rares films indiens évoquant ce sport si peu populaire en Inde : Dhan Dhana Dhan Goal, ou le nationalisme pour les nuls.

Dhan Dhana Dhan Goal parle de la crise identitaire d’un jeune joueur de football appelé Sunny (John Abraham). Né en Angleterre de parents indiens, il rêve d’évoluer dans un grand club. Il est cependant confronté au racisme d’une part et d’autre part au rejet de la communauté indienne de South Hall, le quartier londonien où il vit.
Personne ne comprend en effet pourquoi ce David Beckham en devenir, ce Zidane chevelu avec la pointe de vitesse d’un Messi et la vélocité d’un Etoo’o, ne veut pas jouer au South Hall Football Club, un club amateur qui n’a pas gagné UN match depuis 25 ans et dont l’existence est menacée. Son propre père lui reproche même de vouloir intégrer des clubs de "blancs" où il pourrait ne pas être accepté, au lieu de jouer au sein d’une équipe exclusivement composée d’Indiens, de Pakistanais et de Bangladeshis (donc tous originaires de la Grande Inde pré-partition).

Sunny finit par intégrer le club par dépit après s’être fait renvoyer de son équipe. Il le fait sans pour autant comprendre l’aura particulière qui transforme le South Hall Football Club en un substitut d’équipe nationale pour la communauté indienne du quartier. La preuve avec un discours enflammé du capitaine Shaan (un bon Arshad Warsi) sur l’accès à l’indépendance des Indiens, sans une claque, après des siècles de servitude, quand le colon anglais a eu, lui, recours aux armes pour les tenir en joug ! Un élan patriotique relayé par le coach (Boman Irani dans une prestation correcte) qui fait comprendre à Sunny qu’il lui faut jouer « avec les siens » !

C’est donc après un subtil lavage de cerveau à coups de « traîtres » ou de « t’es devenu un vrai blanc », des pressions de son père, de sa copine (une Bipasha Basu transparente) et de ses co-équipiers (dont la moitié a le « one pack » bedonnant d’un buveur de bière émérite), que Sunny a une révélation. "Je suis indien, et rien d’autre" dit-il. Ce qui implique de ne jouer qu’avec l’équipe de South Hall, et de défendre ses couleurs face à ces méchants anglais. Passons sur la figure clichée et récurrente du blanc raciste et beauf, qui menace ce bout d’Inde importé (représenté par le club dont une entreprise anglaise veut racheter le terrain pour en faire un centre commercial).

Dhan Dhana Dhan Goal est donc un film assez étrange. Malgré son allure sympathique (prestation correcte des acteurs, bonne réalisation, chansons agréables), il met surtout dos à dos (de manière non intentionnelle) les racistes et leurs victimes. Par réaction, celles-ci font finalement preuve d’autant d’ouverture d’esprit dans leur façon de considérer l’Autre. Exit les valeurs du sport sur le rassemblement des peuples et des cultures. Il n’en reste rien sauf le "serrons-nous les coudes face à l’ennemi extérieur". On oublie donc le geste symbolique qui montre le respect que l’on a de l’adversaire lorsque ces hommes forts aux muscles saillants, brillants grâce à une fine pellicule de sueur ruisselante sur leurs torses virils, s’échangent leur maillot (oui mesdames et messieurs, c’est beau et c’est noble le foot !).

Plus sérieusement… il faut du temps pour effacer les blessures d’un passé aussi chargé que celui entre l’Inde et l’Angleterre. Il en faut aussi apparemment à certains réalisateurs indiens pour apprendre à expliquer, sans toujours y plaquer bêtement leur propre chauvinisme, les problèmes qui en découlent pour les populations immigrées. Surtout ceux d’une jeune génération paumée, partagée entre deux cultures qu’on a du mal à imaginer faire preuve du patriotisme outrancier exposé ici. Preuve de cette confusion, l’une des rares scènes intelligentes du film qui montre Sunny se disputer avec son père : il lui reproche très justement d’en avoir fait un citoyen britannique pour une vingtaine d’année plus tard lui demander de rejeter cette partie de lui (sans parler du fait de brader son avenir sportif pour jouer dans une équipe pourrie !).

La différence de point de vue entre les réalisateurs indiens et les réalisateurs NRI ou d’origine indienne est d’ailleurs frappante. L’histoire de Dhan Dhana Dhan Goal ressemble à celle de Joue-la comme Beckham, dans lequel une jeune fille veut jouer au football mais se retrouve confrontée aux réticences de son entourage. Pourtant, là où Gurinder Chadha (réalisatrice anglaise d’origine indienne) plaide l’ouverture et le métissage, Vivek Agnihotri plébiscite un communautarisme extrême pour combattre le racisme et surtout régler ses comptes avec l’ancienne puissance coloniale. Voir s’exporter le domaine de la lutte sur les terres anglaises rend le propos du film encore plus surréaliste ! Mais rien n’arrête le réalisateur car cette Inde presque envahie, cernée de toute part, ("pirée, pourquoi y’a tellement bicoup d’Anglais dans les tribunes ?") ne rompt pas dans une confrontation finale qui ressemble plus à un match entre les blues de Chelsea et les Reds de Liverpool (en raison de la couleur des maillots, et non de la qualité des joueurs ou de la réalisation mollassone des matchs).

Le plus étonnant reste encore que l’on doit cette histoire à Anurag Kashyap, scénariste talentueux et auteur entre autres des dialogues de Water (film nommé aux Oscars), Satya, Yuva, Guru, Mixed Doubles, Deewaar, et du scénario de l’excellent Black Friday (quoique… à partir du moment où on compte aussi dans sa filmographie un film intitulé Shakalaka Boom Boom, tout devient possible !).

En conclusion : Dhan Dhana Dhan Goal est à déconseiller malgré le sex-appeal d’un John Abraham aux cheveux courts.

Source image : www.utvmotionpictures.com

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