Fronde dans le cinéma indien : pourquoi rendent-ils tous leurs prix ?
Publié vendredi 20 novembre 2015
Dernière modification vendredi 20 novembre 2015
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Automne 2015, les murs de la Sahitya Akademi [1] ne tiendront bientôt plus, ceux du Film and Television Institute of India (FTII) sont sur le point de s’effondrer, les conservateurs, affolés, sont déjà en train de trembler, leurs étagères s’écrouleront bientôt sous le poids des prix et des récompenses empilés, retournés, réexpédiés, rendus, renvoyés par leurs (ex)propriétaires en colère, engagés dans une protestation qui prend, jour après jour, de l’ampleur.
Mais que se passe-t-il en Inde ?
Depuis quelques mois un vacarme silencieux, une agitation lente, se propage dans tout le pays. Hommes et femmes de lettres, suivis de scientifiques, d’historiens et – à présent – du monde du cinéma, ont entrepris de dénoncer le climat d’intolérance qui règne dans le pays. Regroupés contre l’autoritarisme, les fondamentalismes et les violences religieuses, ils mènent une contestation – certes disparate et non unifiée – dont les racines et les enjeux sont cependant bien plus complexes qu’une simple fronde d’intellectuels et d’artistes.
Shah Rukh Khan en personne, interrogé le jour de son anniversaire, a dénoncé l’intolérance qui afflige le pays, s’attirant ainsi les foudres du secrétaire général du BJP [2], Kailash Vijayvargiya [3], mais ralliant derrière lui, par la même occasion, quelques noms du cinéma. SRK ne faisait que déclarer, avec la simplicité qui le caractérise, "there is nothing worse than religious intolerance and it would take India to the Dark Ages" ("il n’y a rien de pire que l’intolérance religieuse et cela ferait retourner l’Inde au Moyen Age").
C’est, à première vue, l’accumulation de meurtres en cascade sur l’ensemble sur territoire qui a mis en mouvement la contestation, conduisant intellectuels et artistes à rendre les récompenses obtenues dans leur carrière, dans un geste qu’ils veulent militant et chargé de sens politique.
Car on ne compte plus les actes de violence à caractère religieux ou signés d’un fondamentalisme intolérant : Des églises et des écoles vandalisées à New Delhi ; un homme musulman, soupçonné d’avoir tué et mangé de la vache, lynché à mort dans l’Uttar Pradesh [4] ; dans le Jammu-et-Cachemire un camion attaqué à la bombe suite à des rumeurs sur sa cargaison ; un député provocateur organisant une « beef party [sic] » molesté et arrêté ; sans parler des campagnes de Ghar Wapsi [5]…
A noter aussi que ces vagues de protestation s’inscrivent dans une écœurement généralisé de la population face à l’inaction des autorités, notamment dans les nombreux cas de viols. Le pays tout entier a été et continue d’être secoué par ces atrocités quotidiennes, la population s’est mobilisée comme jamais elle ne l’avait fait auparavant et pourtant rien de semble bouger au pays de Gandhi…
Cette liste non-exhaustive d’actes odieux est révélatrice d’une violence et d’une peur insidieuses qui gangrènent le vivre-ensemble de la société indienne, et dans laquelle les agressions se sont particulièrement accrues contre les intellectuels pourfendant les fondamentalismes. En février Govind Pansare, membre éminent du CPI (Parti communiste d’Inde) est mort de ses blessures suite à un attentat, et plus récemment l’intellectuel M. Kalburgi a été froidement assassiné chez lui.
De plus en plus d’artistes et de « rationalistes » [6] sont victimes de violences verbales, d’agressions et de menaces proférés, entre autres, par une droite fondamentaliste adepte de l’hindutva [7], une « hindouité » radicale. Ce sont donc les libertés d’expression, d’opinion et de création artistique –piliers démocratiques – ainsi que le sécularisme, la « laïcité à l’indienne », qui se trouvent sérieusement menacés.
Asphyxiés par cette atmosphère d’intimidation et de (auto)censure, intellectuels et artistes ont poussé un cri d’alarme en rendant symboliquement leurs prix et récompenses… une pratique éprouvée dans leur profession et faisant partie de leur répertoire d’action : L’activiste et écrivaine Arundhati Roy avait déjà refusé en 2006 un prix attribué par la Sahitya Akademi, elle vient de rendre aussi son award du meilleur scénario [8] pour mettre en lumière l’obscur silence et la « malnutrition intellectuelle » des élites indiennes, incapables, selon elle, de penser avec sérieux à la gravité de la tolérance et au climat d’horreur et de violence.
Pour elle et ses collègues il n’est pas seulement question de pointer du doigt tous ces crimes atroces, mais de dénoncer également la responsabilité du gouvernement de Narendra Modi, ainsi que de la nébuleuse idéologique gravitant autour de son parti, le BJP, dont les prises de position, martiales et radicales, favorisent les tensions communautaires et religieuses.
C’est pourquoi les cinéastes, tout en dénonçant l’intolérance, se sont aussi manifestés contre le nouveau président du FTII, Gajendra Chauhan, dont la désignation (politique) ferait courir un risque sur l’autonomie et les orientations de l’institution. D’après eux tout porte à croire à un parachutage de G. Chauhan organisé par le Ministry of I&B [9], mais surtout télécommandé par la NDA, l’Alliance démocratique nationale, la coalition de droite au pouvoir et dont le BJP est le principal parti.
Ainsi, la contestation dans le secteur du cinéma a d’abord pris la forme d’une grève des étudiants du FTII – de 139 jours ! – exigeant le départ du nouveau président, mettant en doute ses compétences artistiques et cinématographiques, et révélant ses liens avec le BJP. Par la suite ce sont les réalisateurs et les scénaristes qui ont pris le relais voyant dans cette désignation une menace contre la culture cinématographique et académique.
Pire ! Le gouvernement, dont le Ministry of I&B organise la 46e édition de l’International Film Festival of India (IFFI), craint à présent que toute cette polémique ne perturbe la tenue du festival. En effet, des fédérations de producteurs, distributeurs et exploitants – notamment la FFI et la FWICE [10] – ont évoqué son boycott, dénonçant l’attitude autoritaire, voire despotique, du gouvernement à leur égard lors de la précédente édition. Ces fédérations n’ont pas hésité à manifester leur soutien à la grève des étudiants ainsi que leur solidarité morale avec tous ceux qui ont rendu leur prix littéraires et/ou cinématographiques.
Au-delà de tout corporatisme le monde du cinéma et du spectacle se mobilise donc. Et bien que ses revendications n’aient pas encore pris forme et manquent d’articulation, elles ont l’intérêt d’exposer une situation devenue inquiétante… sans que l’on sache encore la tournure que prendra l’affaire dans les semaines à venir.
Entre temps l’acteur Anupam Kher [11] a été reçu avec une délégation d’artistes par le chef du gouvernement indien, Narendra Modi, suite aux protestations. En Europe, et soulevant le silence et la responsabilité du Premier ministre dans la « violence d’extrême droite », le groupe Awaaz-UK [12] projetait les mots « Modi not welcome » sur Westminster, anticipant ainsi l’arrivée imminente du Premier ministre indien au Royaume-Uni [13].
Or, ces violences politico-religieuses en Inde ne sont pas le fruit d’une génération spontanée.
Au contraire, elles se sont progressivement accrues dans le cadre d’une stratégie de polarisation ethno-religieuse de la société indienne, promue par le BJP, dans un contexte marqué, aussi, par la centralisation technocratique du pouvoir autour de N. Modi [14]. En ce sens son accession au pouvoir en 2014 marquait un tournant dans la vie politique de l’Inde : Il libérait la parole réactionnaire et conservatrice ; sa coalition remportait la majorité absolue à la Lok Sabha – la Chambre basse du Parlement – ; mais sa victoire laissait aussi présager d’une « ethnicisation » des conflits sociaux, elle était annonciatrice de l’entrée du pays dans le club – pas très prisé – « des démocraties ethniques et autoritaires » [15].
Modi, vendeur de thé devenu pracharak, « cadre-prêcheur » de la RSS [16], s’est transformé dans les années 2000 en héraut/héros des hindous fondamentalistes avec un discours très violent à l’égard de la minorité musulmane. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce qu’il ait nommé au poste – étrange et nouveau – de Minister of State for Culture and Tourism and Civil Aviation, Mahesh Sharma, membre du BJP et vieux compagnon de la RSS, dont l’intention manifeste est la conduite d’une entreprise de « purification » de la société indienne. Sa politique « culturelle » se traduisant dans une nouvelle « esthétique religieuse » nationaliste, comme en témoigne la promotion de l’interdiction de la viande et la politisation des vaches [17].
Dans le cas du cinéma c’est dans cette atmosphère, de plus en plus tendue et polarisée, que l’exploitation de certains films a connu des difficultés notoires : Ram-Leela de Sanjay Leela Bhansali– exécré par des militants de la Rashtravadi Shiv Sena [18] qui ont ostensiblement brûlé les affiches – a d’abord été interdit de diffusion ; et a dû par deux fois changer son titre : le contenu de la bobine heurtait certains hindous par ses scènes « offensantes », et son titre pouvait porter à « confusion » des spectateurs désirant voir une œuvre religieuse. Tout cela alors que la campagne électorale musclée d’avril-mai 2014 battait son plein… et qui vit la NDA, menée par le BJP de Modi, emporter la majorité à la Lok Sabha !
De même PK s’est attiré les foudres de la VHP car il ne représentait pas les divinités hindoues sous leur meilleur jour. Les militants du Bajrang Dal vandalisèrent et fermèrent alors un certain nombre de salles de cinéma… en particulier dans les régions gagnées par le BJP en 2014. En outre, l’acteur principal, Aamir Khan, musulman libéral très engagé, s’était déjà acquis l’animosité durable du BJP après avoir critiqué ouvertement N. Modi pour le traitement infligé aux populations déplacées par le barrage de Sardar Sarovar dans le Gujarat.
Acquis aux privatisations et à la réduction du rôle de l’Etat, Modi est une sorte de populiste
high-tech [19], un homme politique rusé qui a pu tirer un certain bénéfice des violences religieuses pendant les périodes électorales… Or, avec cette façon de faire de la politique c’est aussi le régime de laïcité indien – le secularisme – et son principe de tolérance, dont parlait Shah Rukh Khan plus haut, qui se dégradent notablement [20]. Et ce d’autant plus que les élections d’octobre-novembre 2015 dans le Bihar – à ce point difficiles que Modi s’y est personnellement impliqué – représentent un enjeu considérable pour le BJP. Ce dernier est soucieux de laver l’affront du « Parti de l’homme ordinaire », vainqueur à New Delhi en février 2015 ; et surtout de partir à la conquête de la Rajya Sabha, la Chambre haute du Parlement, encore dans l’opposition.
Aux dernières nouvelles le BJP aurait connu un sacré revers dans le Bihar. Les élections auraient été remportées par le Rashtriya Janata Dal (Parti national du peuple), membre de l’UPA United Progressive Alliance (« Alliance progressiste unie »), coalition menée par le Parti du Congrès.
[1] La Sahitya Akademi est sans doute la plus prestigieuse institution littéraire du pays. Bâtie par Nehru sur le modèle de l’Académie française elle est fréquemment critiquée par son élitisme et un certain manque de transparence.
[2] BJP : Bharatiya Janata Party, « le parti du peuple indien », droite nationaliste hindoue, actuellement au pouvoir.
[3] Kailash Vijayvargiya a mis en doute le patriotisme de « l’agent infiltré » SRK, et l’a invité à « retourner » [sic] au Pakistan. Le leader du même parti s’est empressé de condamner les propos du secrétaire général et d’ajouter que celui-ci ne parlait en aucun cas au nom du BJP.
[4] L’abattage et l’export de boeuf est interdit dans cet état tout comme il l’est dans l’état de Maharashtra. La viande de boeuf est très appréciée des communautés musulmanes car elle coûte trois fois moins cher que le mouton. Cette loi du "beef ban" a suscité de nombreuses craintes car la plupart des éleveurs de vache pour la consommation sont musulmans. Il perdent donc ici et leur travail et le moyen de nourrir leurs familles. Ils sont de plus traqués et dénoncés contre des sanctions lourdes : 10 000 roupies d’amende et 5 ans de prison pour possession ou vente de viande de bœuf. Paradoxalement, l’Inde est le premier pays exportateur de bœuf au monde…
[5] Ghar Wapsi signifie "Retour à la maison" et désigne une série de conversions religieuses orchestrées par des organisations comme le Vishva Hindu Parishad et la Rashtriya Swayamsevak Sangh et dont le but est de convertir des non-hindous à l’hindouisme en leur offrant parfois certains avantages. Selon eux, ces reconversions sont une manière de renouer avec les racines indiennes qu’ils pensent être profondément ancrées dans l’hindutva. Ces mesures ont été prises en réalité pour contrer les nombreuses conversions de dalits (ou intouchables) aux religions chrétiennes et musulmanes, car souhaitant échapper au terrible destin que promettait leur naissance. Le BJP n’encourage pas le ghar wapsi, même s’il le tolère, et travaille sur une loi anti-conversion.
[6] Il s’agit pour la plupart de scientifiques, de philosophes et d’athées notoires, mais aussi des penseurs sceptiques et de certains démystificateurs militants, membres ou non de l’IRA (Indian Rationalist Association). On pourra consulter le savoureux combat entre Sanal Edamaruku (président de l’IRA) et un gourou tantriste qui devait le tuer en direct à la télé, en récitant des mantras, en moins de trois minutes. S. Edamaruku s’est aussi attiré les foudres de l’Eglise catholique en révélant le secret derrière le miracle du « Jésus qui suinte » à Mumbai.
[7] L’hindutva, idéologie fondamentaliste nationaliste, pourrait se résumer dans le triptyque « hindi, hindu, hindustan » (« une langue, une religion, un pays »). L’aile dure de ce nationalisme hindou réclame trois mesures symboliques :
la construction à Ayodhya (Uttar Pradesh) d’un temple dédié au dieu Ram – dans le Ramjanmabhoomi, le lieu de naissance de Ram – sur le site de la mosquée Babri Masjid détruite par des activistes hindous en 1992 ; l’abolition du statut autonome de l’Etat du Jammu-et-Cachemire ; et l’introduction d’un code civil uniforme qui marginaliserait, de fait et contre le régime séculariste, la charia et d’autres lois coutumières. Pour une présentation et une analyse détaillées des faits de 1992 il est possible de consulter l’article en libre accès de C. Jaffrelot, « Les pièges de l’instrumentalisme… et de la répression : note sur une crise indienne : l’affaire d’Ayodhya (décembre 1992 - janvier 1993) », Cultures & Conflits, n°8, 1993, p. 91-115.
[8] Dans son scénario primé In Which Annie Gives It Those Ones, A. Roy évoquait le quotidien – un tantinet autobiographique – d’Anand, dit Annie, jeune homme passant son temps à rêvasser de soulèvements sociaux loufoques, déjantés et anticonformistes. On peut avoir la conviction, sinon du moins espérer, qu’en rendant son prix ce soit pour elle une manière de continuer ces rêves d’antan contre un (dés)ordre social devenu intolérable.
[9] Ministry of Information and Broadcasting – Ministère de l’information et de la radiodiffusion.
[10] Respectivement Film Federation of India (désigne le film pour les Oscars) et la Federation of Western India Cine Employees.
[11] Ancien membre du Central Board of Film Certification (Office de régulation et de censure du cinéma) ; excellent père de Raj, alias SRK, dans DDLJ ; et dont la femme, l’actrice Kirron Kher, a été élue en 2014 députée du Chandigarh à la Lok Sabha en tant que candidate du BJP.
[12] D’origine persane et utilisé en hindi awaaz veut dire « la voix », ou plutôt la capacité de s’exprimer, de revendiquer. Awaaz.org est un groupe transnational et cybermilitant présent dans plusieurs pays. On notera sur l’image la syllabe sanskrite « Om », stylisée en croix gammée, aux couleurs du Troisième Reich, pour dénoncer l’autoritarisme du régime et rappeler le rôle du Premier ministre lors des violences dans le Gujarat en 2002.
[13] Modi y a passé récemment trois jours. Notons qu’il avait été auparavant « banni » de l’Union européenne après les émeutes dans le Gujarat (2002) alors qu’il était Ministre en chef de cet Etat et qu’il avait brillé par son inaction, tout en créant, par la même occasion, les conditions de représailles anti-musulmanes quasi-militaires – préméditées et coordonnées –. Voir C. Jaffrelot, « Les violences entre hindous et musulmans au Gujarat (Inde) en 2002 : émeutes d’état, pogroms et réaction antijihadiste », Revue Tiers Monde, 2/2003, n° 174, p. 345-367.
[14] Voir I. Saint-Mézard, « L’Inde de Narendra Modi. », Politique étrangère, 4/2014, p. 125-136. Signalons, que son ascension est également due à l’inertie du Parti du Congrès, en net recul et souffrant d’une profonde hémorragie électorale, conséquence des affaires de corruption, de son modèle dynastique et de sa politique clientélaire inviable.
[15] C. Jaffrelot et G. Verniers, « L’Inde face à l’épuisement de la démocratie parlementaire ? », Esprit, n° 406, juillet 2014, p. 75-87. Le type de nationalisme promu par le BJP a pour objectif affiché d’ériger la culture de la communauté majoritaire, hindoue, en identité nationale. Ce n’est donc pas un « nationalisme indien » – territorial et séculier comme avait pu le formuler Gandhi –, mais un « nationalisme hindou », marqué par le suprématisme culturel et religieux et impliquant la nécessaire allégeance de toutes les autres communautés à ce projet.
[16] La RSS ou Rashtriya Swayamsevak Sangh (« Association de volontaires nationaux ») fondée en 1925 est une sorte de société secrète, aux méthodes paramilitaires, dont l’objectif vise, musclant la société hindoue physique et moralement, à une transformation de l’Inde. LA RSS est la matrice d’une constellation d’organisations (la Sangh Parivar, « la famille du Sangh ») auxquelles elle fournit la base idéologique. Dans cette nébuleuse on trouve son bras politique, le Bharatiya Janata Party (« Le parti du peuple indien ») ; sa succursale religieuse la Vishva Hindu Parishad (VHP – « Association Hindoue Universelle ») ; le Bajrang Dal (« Groupe de militants ») « jeunesse » et branche paramilitaire du VHP ; la Hindu Jagaran Manch (HJM – « Association pour le Réveil Hindou ») impliquée dans la campagne de « (re)conversions » en 2014-2015 ; le Rashtra Sevika Samiti (« Le comité national de femmes volontaires ») ; le Vanavasi Kalyan Ashram dont l’objectif est l’hindouisation des adivasis (aborigènes d’Inde) ; et même les militants de la Rashtravadi Shiv Sena (« L’armée nationaliste de Shiva »), organisation dont le leader, avec ses d’adhérents, ont rejoint le BJP en 2014.
[17] Cela fait délicieusement écho au lancement – avec plus ou moins de succès – par le « Département de protection de la vache » de la RSS d’une sorte de « cow-cola », une boisson réalisée à base de l’urine de vaches nourries aux herbes ayurvédiques (l’Ayurveda est une médicine traditionnelle, alternative, placée sous l’égide de la connaissance et de Dhanvanrati, avatar de Vishnou). De plus, la RSS a mis en place des Cow Protection Unit sillonnant l’Inde et fournissant une aide, précieuse, sur les questions bovines. L’Etat du Rajasthan, dirigé par le BJP, aurait, même, mis en place un « ministère de la vache » !
[18] A ne pas confondre avec la Shiv Sena, un parti politique nationaliste marathi, allié électoral du BJP, dont la vocation première était la lutte contre l’immigration des Indiens du sud.
[19] En témoigne, de manière anecdotique, la mise au point d’hologrammes 3D lui permettant de tenir des meetings électoraux virtuels dans plusieurs endroits simultanément en 2014.
[20] La « laïcité à l’indienne » n’est pas fondée sur une stricte séparation des Eglises et de l’Etat, mais plutôt sur un rapport bienveillant de l’Etat vis-à-vis des communautés religieuses. C’est un régime singulier qui n’érige pas un mur infranchissable entre l’Etat et les religions ; mais, au contraire, – dans un modèle « multiculturaliste » – la séparation séculariste indienne signifie, en théorie, une « distance de principe » garantissant liberté religieuse, égalité entre des citoyens et protection de toutes les religions. Il s’agit d’une laïcité « positive » assurant aux groupes religieux l’exercice de leur propres « lois civiques » (notamment pour le mariage ou les questions de succession). Depuis 1976 et le 42ème amendement de la Constitution indienne son préambule affirme que l’Etat indien est une république « souveraine, socialiste, laïque et démocratique ». Voir M. Amaladoss, « Inde : quelle laïcité ? », Études, 11/2004, p. 441-452. Pour les questions sur la définition de la laïcité on renverra au livre de J. Baubérot, Les 7 laïcités françaises, Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, 2015.