Ghajini
Langue | Hindi |
Genres | Film d’action, Masala |
Dir. Photo | Ravi K. Chandran |
Acteurs | Aamir Khan, Asin, Jiah Khan, Pradeep Rawat, Tinnu Anand |
Dir. Musical | A. R. Rahman |
Parolier | Prasoon Joshi |
Chanteurs | Shreya Ghoshal, Sonu Nigam, Benny Dayal, Suzanne D’Mello, Pravin Mani, Kartik, Javed Khan, Kavita Baliga |
Producteurs | Madhu Mantena Varma, Tagore Madhu |
Durée | 180 mn |
Avertissement préalable aux allergiques absolus à la moindre image violente… ne prenez même pas le peine de poser un oeil sur Ghajini.
Pour les autres, n’écoutez pas toujours toutes les critiques que vous pourrez lire (pas même la mienne !) et n’hésitez pas à vous faire votre propre opinion.
Peut-être ne savez-vous pas encore que ce Ghajini est un remake d’un film tamoul de 2005, également intitulé Ghajini, qui a fait un joli carton au box-office dans les états du sud de l’Inde. Déjà à l’époque, tout le monde criait au scandale en affirmant que c’était un remake du film américain Memento. La plupart des gens qui soutiennent cela mordicus n’ont jamais vu le film, je ne vois pas d’autre explication. S’il est absolument indéniable que Murugadoss s’est largement inspiré de Memento au moment d’écrire son scénario, il n’a repris que le problème de mémoire à court terme du héros, le fait qu’il veuille venger la mort de sa femme et qu’il utilise le tatouage et les photos instantanées comme supports de sa mémoire défaillante.
Cela fait peut-être beaucoup, mais l’originalité de la narration de Memento ainsi que son histoire ne se retrouvent pas dans Ghajini. Ce n’est que pure supposition, mais j’ai vraiment l’impression que Murugadoss s’est inspiré d’un film-culte mais compliqué, pour offrir au public, régional puis national, un bon film de divertissement qu’il serait susceptible d’apprécier.
Ces dernières années, depuis Lagaan en fait, Aamir Khan a habitué le public à ne travailler que sur des productions sérieuses, à tendance intellectuelle même. Mais depuis quelques mois, l’acteur n’a eu de cesse de prévenir dans chacune de ses interviews que ce Ghajini sera bien différent, qu’il n’a d’autre prétention que de faire un pur film de divertissement. J’ajouterais que c’est un film comme l’industrie du nord n’en a pas produit depuis des années, un masala dans la plus pure tradition, qui fait encore les beaux jours du cinéma tamoul et surtout telugu. L’une des forces de l’acteur est de sans cesse se remettre en question et d’oser aborder plusieurs styles, sans se demander si son public va le suivre ou pas. Un véritable acteur en somme.
Ghajini se décompose en deux parties distinctes. La vengeance implacable d’un homme qui chasse celui qui a sauvagement assassiné sa bien-aimée et l’histoire romantique entre Kalpana, jeune actrice de seconde zone qui a du mal à se faire un nom, et Sanjay Singhania, PDG d’une énorme compagnie de téléphonie. La seconde est empreinte de beaucoup de tendresse, de finesse et d’une dose d’humour fort appréciable dans le contexte lourd du film. Il ne faut surtout pas rater cette scène directement inspirée du Fabuleux Destin d’Amélie Poulain dans laquelle Kalpana aide un aveugle à atteindre l’arrêt de bus en lui décrivant tout ce qui se passe dans la rue.
Afin d’avoir une chance de marcher un minimum en Inde, les films doivent absolument être estampillés "U" (pour Universal), or, avec la débauche de violence qui caractérise le film, il aurait mérité un "A" (Adult). Murugadoss a concédé la censure de quelques scènes pour obtenir un "U/A", soit "pour tout public, enfants accompagnés d’un adulte"… Cependant ce n’est clairement pas un film à regarder en famille, les enfants ne sont pas prêts à comprendre et ne verraient en Sanjay qu’une machine de guerre qui tue tout le monde sur son passage. C’est tout de même un peu plus subtil que ça, et la tendresse de l’histoire d’amour nous permet de ressentir une réelle empathie pour Sanjay. De fait, on ne condamne plus du tout ses actes, on l’accompagne même dans sa quête désespérée.
Dans la version tamoule, c’est l’acteur Surya qui tenait le rôle principal, et c’est lui qui a encouragé Aamir à accepter de tourner le remake. Asin est présente dans les deux versions et Jiah Khan reprend le rôle de l’étudiante en médecine insupportable. Elle n’a que très peu de présence à l’écran, et son rôle est important mais très limité.
Le couple Asin/Aamir, malgré la différence d’âge certaine, rend très bien à l’écran. Si le début du film est une copie plan par plan et au mot près de la version tamoule, Aamir et Murugadoss ont retravaillé ensemble la fin pour la rendre plus convaincante et ont su remanier quelques détails gênants de la première version. Ainsi, le film est un masala bien dosé au rythme soutenu, totalement jouissif, avec des scènes de combat impressionnantes. Adieu les effets à la Matrix, les corps-à-corps sont plutôt brefs, secs et nerveux. Pas de grands dialogues du gentil avant d’abattre les méchants, pas d’effets spéciaux incroyables, ce qui rend la violence plus "réaliste" ici et pourrait gêner plus d’un spectateur…
Aamir Khan étonne encore une fois en endossant un rôle plutôt à contre-sens. Le 8-pack moulé dans des t-shirts saillants, l’acteur confirme que c’est un bourreau de travail pouvant jouer tout ce qu’il veut. Il ajoute une dimension désespérée à son personnage, et le spectateur est pris dans le cycle de la vengeance avec lui.
Pradeep Rawat reprend son rôle de méchant, ici prénommé Ghajini (dans la version tamoule, "Ghajini" n’est que le titre du film, faisant référence à un roi moghol qui a tenté plusieurs fois d’envahir l’Inde, et qui n’a jamais renoncé). Il a une "vraie gueule" comme on dit, et rend justice à ce rôle ingrat.
Asin, grâce à son personnage un peu déluré, a conquis la planète Bollywood, qui apprécie sa beauté et sa fraîcheur… si vous ne la connaissez pas encore, vous risquez fort de tomber sous le charme !
La musique d’A.R. Rahman n’a pas plu à tout le monde à sa sortie, sûrement parce qu’elle accompagne merveilleusement les images, il faut la réécouter après avoir vu le film. Si le clip d’Aye Bachchu est vraiment réussi et beau, il n’en est pas moins mal amené dans la narration, et tombe comme un cheveu sur la soupe. Vous aurez tout de même le plaisir d’entendre Aamir parler une phrase de français au milieu de la chanson Bekha ! Mais l’une des scènes les plus émouvantes est filmée sur fond de Kaise Mujhe et vous fera définitivement tomber sous le charme de cette chanson, et de l’histoire d’amour de ce film. Car c’est bien là le thème principal, en filigrane, l’amour de Sanjay pour Kalpana, qui rend les dernières scènes fabuleuses, n’ayons pas peur des mots.
Ghajini bat tous les records en ce moment. C’est le film qui a fait le plus gros démarrage de l’histoire du cinéma indien, passant ainsi devant Singh is Kinng. Il a également réussi à engranger autant de bénéfices en quelques semaines que Sholay en trente ans… Et l’histoire n’est pas encore tout à fait écrite…