Hommage à l’Inde
Publié vendredi 5 août 2016
Dernière modification vendredi 12 août 2016
Article lu 625 fois
Par
Olivier Föllmi, photographe aux origines latines et germaniques, se passionne très tôt pour l’Inde et l’Himalaya. L’attraction est telle qu’il décide d’y résider durant vingt ans. Avec son épouse, il entreprend de nombreuses aventures, dont les images qu’il capture font le tour du monde. Ensemble, ils adoptent quatre enfants de culture tibétaine et fondent l’association HOPE, dédiée à l’éducation et l’entraide villageoise.
Depuis 2003, c’est accompagné de ses assistants qu’il parcourt le monde afin d’immortaliser des moments de vie et le portrait des peuples qu’ils rencontrent. Auteur photographe de nombreux livres (Hommage à l’Orient, Hommage à l’Afrique, À hauteur d’enfants ou, encore, Origines), Olivier Föllmi signe avec Hommage à l’Inde sa vingt et unième œuvre. Ses clichés ont été exposés en plein air à New Delhi, Bombay et Calcutta.
« J’ai été happé par l’Inde depuis l’âge de vingt ans. De son balcon himalayen où j’ai vécu des années, j’étais aux premières loges pour m’initier à l’âme indienne, au cœur de l’homme et de ses aspirations… La relation qui unit les peuples de l’Inde avec leurs dieux, l’intimité qui les relie à l’univers au quotidien me fascinait. J’ai donc longuement parcouru ce pays à fleur d’âme à la rencontre des villageois, des renonçants et des lieux saints comme autant de voyages initiatiques. L’Inde m’a servi de repère et je n’ai cessé d’y retourner comme le disciple retourne vers son maître. L’Inde est au cœur de ma vie et je lui dois mes quatre enfants, issus de ses flancs himalayens. Les deux mains jointes à la hauteur de mon cœur, je m’incline donc devant ceux et celles qui ont fait et perpétuent son âme. »
Les premières pages s’ouvrent sur de très beaux textes de Radhika Jha, écrivaine indienne connue pour ses œuvres L’Odeur et L’Éléphant et la Maruti. Entre récits personnels et analyse des travaux du photographe, l’auteure introduit et clôt parfaitement l’escapade indienne qui nous est proposée ici. Ses propos sont joliment illustrés par l’écriture visuelle de Benoît Nacci, directeur artistique aux éditions La Martinière ; usant notamment d’iconographies dont la beauté est en totale adéquation avec le reste de l’ouvrage.
En feuilletant rapidement les pages de ce beau livre, on ne saisit pas forcément les différents thèmes abordés à travers ces clichés. Chacun d’entre eux mérite une attention particulière, une imprégnation, afin d’en cueillir la richesse. Ainsi, vous pourrez y contempler des photographies mettant en lumière les cultes, la méditation, le corps, la beauté et l’élégance des femmes au travail, des portraits du quotidien ou bien plus simplement des paysages à couper le souffle.
En me lisant, vous pourriez avoir l’impression que les hommes sont exclus de l’ouvrage. Que nenni ! N’ayez crainte ! La gent masculine y est bien représentée !
Olivier Föllmi ne manque pas de rendre hommage, aussi, aux personnes sans qui ce voyage n’aurait pu être partagé avec le plus grand nombre. Anna Sirsath et Nawang Tashi, ses assistants et compagnons de route, Benoît Nacci, Radhika Jha et Alain Rodari, son guide ; tous ont contribué à cette rencontre entre l’Inde et le lecteur.
J’ai été particulièrement touchée par la profondeur des regards, auxquels nous confronte le photographe. Certains rieurs, d’autres emplis d’une émotion indescriptible… venant cueillir une partie abyssale en nous. Il n’est pas question de sentiment d’« étrangeté » ou de cet « autre » dont tout nous éloigne. Au contraire. On se sent, plus que jamais, proche de ces hommes, de ces femmes, de ces enfants ; qui nous captivent et nous happent. Chaque page est comme une main tendue, vous invitant à contempler un coucher de soleil, vous mêler à la foule sur les bords du Gange ou assister les femmes dans leur travail. Tous ces instants de vie capturés et ces pages foisonnant de couleurs, m’ont fait me sentir complice et familière d’une terre que je n’ai pourtant jamais eu l’occasion de fouler.
C’est sur les mots de R. Jha, que je ne peux que vous inviter à vous perdre, l’espace d’un instant, dans cette Inde vue par Olivier Föllmi.
« Être en Inde, c’est comprendre que la vie est un paradoxe. C’est être obligé de poser la question de l’existence. Être en Inde c’est choisir, par moments, d’être sourd et aveugle — tout en sachant que vous ne parviendrez jamais tout à fait à l’être. Être en Inde, c’est se sentir seul, se sentir humain. Apprendre à accepter l’innattendu [sic], pas à le combattre. Être en Inde, c’est savoir que le temps est subjectif, sauf s’il s’agit de naissances, de morts ou de mariages. Être en Inde, c’est ne connaître jamais l’ennui, mais souvent le désespoir. Être en Inde, c’est apprendre à rire du bonheur et du malheur, apprendre à espérer. C’est savoir que tout change et que rien ne se perd, sauf les souvenirs. Être en Inde, c’est faire partie d’une tradition vivante. C’est être moderne mais traditionnel aussi. Être en Inde, c’est voir l’éternité en l’espace d’une seconde. Mais en quoi l’Inde peut-elle contribuer au reste du monde ? C’est là une autre question. Et la poser, c’est déjà pousser la porte d’un univers qui ressemblerait à celui d’Olivier Föllmi. »