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Ishaqzaade

Traduction : Enfants de l'Amour

Bande originale

Ishaqzaade
Chokra Jawaan
Pareshaan
Jhallah Wallah
Aafaton Ke Parinde
Pareshaan (Remix)
Jhallah Wallah (Remix)

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La critique de Fantastikindia

Par Mel - le 11 octobre 2012

Note :
(7.5/10)

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Parma Chauhan (Arjun Kapoor) et Zoya Qureshi (Perineeti Chopra) se détestent depuis l’enfance. Ils perpétuent ainsi la tradition familiale qui veut que les deux clans s’affrontent pour le contrôle de la petite ville fictive d’Almore en Uttar Pradesh. Les élections approchent et les deux patriarches, Surya Chauhan l’hindou et Aftaab Qureshi le musulman, s’opposent une fois de plus pour le poste de MLA (Member of the Legislative Assembly, le député de l’état).

Parma est un bon à rien, un peu voyou, qui cherche désespérément à aider son grand-père en utilisant les méthodes peu orthodoxes de ses hommes de main, au grand désarroi de sa mère. Zoya a un peu plus les pieds sur terre. Elle se rêve MLA comme son père, mais c’est en cachette qu’elle achète un pistolet, l’accessoire indispensable de tous les membres des deux tribus.

Une réception est organisée chez les Qureshi à l’occasion du début de la campagne électorale. Chand (Gauahar Khan) la danseuse vedette de la ville, prostituée à ces heures, est bien évidemment le clou de la soirée. Mais elle est attendue au même moment chez les Chauhan pour participer à la fête d’anniversaire de Surya. Pour sauver la situation, Parma mène une bande de gros-bras chez les Qureshi afin d’enlever Chand et ses musiciens. Le coup audacieux réussi mais l’affront renforce encore un peu plus la haine entre les deux familles…

Raconter plus avant l’histoire dévoilerait le formidable retournement de situation qui se produit juste avant l’entracte. Car si Ishaqzaade est bien une variation autour de Roméo et Juliette, les amants sont loin d’être innocents ; et c’est presque par chance qu’il ne s’entretuent pas dès le début du film. Ils perpétuent les codes sociaux de leur clan jusqu’à ce que la mère de Parma, veuve et reléguée dans sa propre famille, exhorte Zoya : "Essaye de transformer cet animal en être humain".

Ces deux amants ont parfois des airs de Bonnie and Clyde d’Arthur Penn, très loin de la de la référence indienne que constitue Qayamat Se Qayamat Tak. L’amour n’est pas immédiat, au contraire même, et ce sont leurs familles qui scellent réellement leur destin commun. L’absence de coup de foudre, et le fait qu’ils en viennent au lit très facilement, écartent Ishaqzaade des canons habituels de Bollywood. C’est en revanche une tragédie assez classique, avec une unité d’action, de lieu et de temps (l’intrigue se déroule en quelques semaines tout au plus) ainsi qu’une une histoire forte et simple à vocation universelle.

L’opposition des deux familles est très claire même si rien n’est dit d’un lourd passif que l’on devine. La religion, toujours évoquée dans le film comme pomme de discorde, n’est finalement qu’un signe distinctif d’appartenance. Les deux clans luttent pour le pouvoir et au fond, les deux patriarches se respectent et se comprennent. Le film prend bien garde à ne pas présenter l’hindou ou le musulman sous un meilleur jour. Ils sont tous les deux également abjects dans leur rage à préserver leur honneur, ce qui n’est en réalité qu’un prétexte pour conserver leur pouvoir. Plus encore qu’en présentant un couple mixte amoureux, c’est mettant à nu leurs motivations profondes et en exposant l’absurdité de leur antagonisme clanique qu’Ishaqzaade délivre un message fort de tolérance interreligieuse.

Les révolvers et autres fusils sont omniprésents, ça défouraille à tout-va. Mais au delà du fait que les armes constituent un outil de travail indispensable aux deux clans mafieux, elles sont aussi à l’évidence un signe de virilité. Dans ce monde, un homme doit être armé et le faire savoir. En se procurant un pistolet et en l’utilisant, Zoya transgresse l’ordre établi et montre une volonté d’émancipation. C’est un personnage fort qui n’imagine pas une seconde s’ouvrir les veines comme Madhumathi dans Qayamat Se Qayamat Tak. Elle, elle veut se venger et tuer, à la manière d’un homme. Musulmans et hindous sont renvoyés dos-à-dos, mais seule Zoya arrive à se hisser à égalité avec les hommes ; montrant que le fait d’être une femme est un obstacle bien plus grand que la religion dans la société fondamentalement phallocrate d’Ishaqzaade.

Cependant, comme souvent dans le cinéma indien, les femmes sont à la fois le coté de la raison, voire du bien, et la colonne vertébrale du film. Zoya, parfaitement interprétée par Parineeti Chopra dont c’est le deuxième film, en est le personnage central. La mère de Parma, si douce et si fragile, est extrêmement touchante dans sa tentative désespérée de faire quelque chose de son grand dadais. Gauahar Khan (parfois orthographié Gauhar Khan) joue quant-à elle un rôle de prostituée au grand cœur caractéristique d’Helen au tournant des années 70. Ce n’est pas par hasard si un des personnages de la maison-close fredonne les paroles de Piya Tu Ab To Aaja tiré de Caravan. Elle est formidable aussi bien dans ses numéros de danse que dans ses sourires tristes qui rappellent Belle Watling d’Autant en Emporte le Vent.

A l’inverse, les hommes sont souvent des brutes, à l’image des dizaines de gorilles de chacune des deux familles. Arjun Kapoor est la révélation du film dans le rôle de Parma. Il exsude la virilité et excelle dans ce personnage de salaud je-m’en-foutiste et immature qui comprend doucement puis essaye de s’amender. Les deux chefs de famille sont des don typiques du cinéma indien. Ils jouent de leur position de patriarche jusqu’à la folie criminelle, ce qu’Ishaqzaade dénonce par un texte affiché à la toute fin du film et qui nous ramène brutalement à la réalité indienne ; celle qui fait un millier de morts par an dans les crimes "d’honneur".

Aditya Chopra a écrit une histoire résolument moderne. Habib Faisal, scénariste à succès de Ta Ra Pum Pum à Ladies vs Ricky Bahl, l’a réalisée d’une manière formellement très originale dans la filmographie de Yash Raj Films. Car Ishaqzaade ne nous cache rien de la réalité : les abords de la ville sont poussiéreux, les déchets s’amoncellent dans les ruelles crasseuses, les fils électriques pendouillent, même le bucher a l’air d’être installé dans un terrain vague. Ici pas de chanson chorégraphiée en Suisse ou dans des paysages idylliques, pas de personnage fortuné à l’excès, pas de maison tellement propre qu’on pourrait manger par terre.

La bande son est variée et accompagne remarquablement le film. Les chansons sont toutes très agréables. Aafaton Ke Parindey est un rock brutal avec des guitares électriques saturées jouée au moment des génériques. Sans être totalement géniale, elle reste dans l’oreille et invite à secouer la tête de haut en bas. Les deux chorégraphies de Gauahar Khan sont bien intégrées au film et très plaisantes à l’œil, son sourire y est certainement pour beaucoup. Jhalla Wallah est ravissante et amusante. Chokra Jawaan est quant à elle une chanson faite pour danser typiquement indienne et au contenu explicite. Mais la meilleure chanson du film est sans conteste Pareshan avec son refrain entêtant.

Ishaqzaade est le succès surprise du début de l’année 2012. Malgré l’absence d’acteurs de premier plan, il a drainé à juste raison les foules indiennes aussi bien dans les grands multiplexes urbains que dans les petits cinémas de quartier. C’est un film d’aujourd’hui, énergique et sans temps mort, qui nous montre une jeunesse en train de se libérer du joug de la tradition. Cette tragédie moderne a su éviter l’écueil du mélo gluant et l’histoire d’amour éternelle qui nous est montrée saura émouvoir même les moins sensibles.

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