La certification des films indiens
Publié jeudi 4 novembre 2010
Dernière modification mardi 20 juillet 2010
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SOMMAIRE
Tous ceux qui ont déjà vu un film indien ont pu remarquer le certificat qui figure au début de chaque film. Mais savez-vous ce qu’il représente et comment le lire ? Voici quelques éléments sur ce certificat, sur l’organisme qui le délivre et sur la certification des films de façon plus générale.
Les chiffres de fréquentation du cinéma en Inde sont astronomiques. 13 millions de spectateurs vont au cinéma chaque jour. L’équivalent de la population de l’Inde entière y passe tous les deux mois. Bref, des chiffres à faire rêver. Le revers de la médaille c’est qu’avec de tels chiffres, ce qui est diffusé au cinéma peut avoir très vite un impact fort sur la population. C’est pour tenter de mettre des règles et d’éviter des débordements qu’il est très tôt apparu nécessaire de mettre en place une organisation de contrôle et de certification. Le premier texte qui traite du sujet est le Cinematograph Act de 1918.
Aujourd’hui, tous les films qui sont diffusés publiquement en Inde doivent avoir été certifiés.
Pour se faire une idée de l’activité des instances de certification, voici quelques chiffres tirés du dernier rapport de l’organisme certificateur. Ils concernent l’année 2009 et couvrent les films indiens (une grande majorité) et étrangers.
Le Central Board of Film Certification
Le Cinematograph Act de 1952, qui succède à celui de 1918, fixe les règles en matière de présentation cinématographique. Il institue le Central Board of Film Censors, le CBFC. En 1983 le mot "censure" disparaît et il prend son nom actuel de Central Board of Film Certification. Il est placé sous l’autorité du gouvernement et plus particulièrement du ministère de l’information et de la radiodiffusion (Ministry of Information and Broadcasting). Le rôle du CBFC est de faire respecter les règles du Cinematograph Act. Il s’appuie pour cela sur trois documents : le Cinematograph Act (1952), les règles de certification (1983) et les guides d’application (1991).
Pour en donner la tonalité, en voici deux extraits :
"Un film ne doit pas être certifié pour une diffusion publique si… le film ou une partie du film est contraire aux intérêts de souveraineté ou d’intégrité de l’Inde, à la sécurité des états, aux relations amicales avec les Etats étrangers, à l’ordre public, à la décence, à la moralité…" ;
"Les symboles et emblèmes nationaux ne doivent pas être montrés excepté en accord avec le Emblems and Names Act de 1950".
Le CBFC est compétent pour examiner les films produits en Inde ou importés ainsi que les films vidéo et les bandes-annonces. Par contre il n’est pas compétent pour se prononcer sur les films produits pour Doordarshan, un réseau de diffusion télévisée qui possède son propre organisme de censure.
La composition du CBFC
Le président (chairperson) et les membres sont nommés pour 3 ans maximum. Il peut y avoir entre 12 et 25 membres, désignés par le gouvernement central et choisis pour représenter tous les composants de la société : cinéma, enseignement, justice, sciences, etc. Le siège du CBFC est situé à Mumbai. A l’origine il y avait 3 bureaux régionaux (Mumbai, Chennai et Calcutta). Aujourd’hui, il y en a 9 : Mumbai, Bangalore, Chennai, Cuttak, New Delhi, Guwahati, Hyderabad, Calcutta et Thiruvananathapuram. Les bureaux régionaux sont dirigés par un Officier Régional.
Depuis 2004, la présidente du CBFC est Sharmila Tagore. Son prédécesseur, Anupam Kher n’est resté qu’un an. L’attitude du CBFC au sujet des films traitant des émeutes du Gujarat de 2002 a déclenché de vives réactions et le gouvernement lui a demandé de démissionner. Mais il a refusé en disant qu’il préférait être licencié et son souhait a donc été exaucé.
Le CBFC s’appuie sur deux comités : l’Examining Committee et le Revising Committee. L’Examining Committee, le plus sollicité, voit tous les films et prend les décisions de classement en première instance. En cas de désaccord ou de contestation du demandeur, le second comité, le Revising Committee, prend le relais.
L’Advisory Panel
Les bureaux régionaux sont assistés par les Advisory Panels (régionaux, eux aussi), une structure dont les membres sont nommés pour deux ans (reconductibles). Leur choix doit également refléter les différents composants de la société indienne.
Le File Certification Appellate Tribunal (FCAT)
En cas de contestation d’une décision finale du CBFC, il existe une dernière instance, le File Certification Appellate Tribunal (FCAT), uniquement chargée de traiter les conflits engendrés par les décisions du CBFC et qui se trouve à New Delhi. Elle est totalement indépendante du CBFC.
Les films doivent suivre un parcours très formalisé pour être certifiés. Au terme de ce parcours, ils peuvent être diffusés en public.
Le classement
La certification aboutit à affecter un film dans une classe. A l’origine, il n’existait que deux classes de certification : "U" (sans restriction) et "A" (réservé aux adultes). Deux nouvelles catégories ont été ajoutées en juin 1983. Maintenant, tous les films sont certifiés dans l’une des 4 classes suivantes :
C’est le demandeur qui indique dans quelle classe il veut voir son film certifié mais le CBFC peut faire un autre choix.
Le processus de certification
Ce processus a été défini en 1983 et concerne les différents types de films : courts et longs métrages, celluloïd ou vidéo.
Après la certification
Il est possible de procéder à des correction mineures. Les modifications doivent être déclarées au CBFC avec les détails et de nouvelles copies. Exceptionnellement, un film peut changer de titre après la certification sous réserve de l’accord de l’Officier Régional et à la condition expresse qu’il n’ait jamais été diffusé en public. Par contre, il n’est pas possible de changer la classification d’un film (passage de "A" à "U" par exemple) après sa certification tant qu’il est sur le même support. La classification ne peut être revue que lors d’un changement de support comme le passage en vidéo. Mais c’est assez rare.
Les cinémas sont tenus d’afficher de manière apparente le certificat du CBFC.
Ce n’est pas le gouvernement central ni le CBFC qui sont chargés de faire appliquer et de surveiller les décisions du comité. Cette activité est du ressort des états et des administrations territoriales.
Mais la surveillance est aussi proposée à tous les citoyens. Le CBFC a édité une "Charte du citoyen" (Citizen Charter) qui permet à n’importe qui de faire ses remarques et de remonter au président du CBFC des infractions qu’il a pu constater. Un spectateur qui aurait le sentiment que des scènes ne doivent pas figurer dans le film peut consulter dans le cinéma la liste des modifications demandées par le CBFC. S’il constate des écarts ou qu’il estime que le film viole certaines règles de certification, il peut prévenir la police. Celle-ci peut commencer une enquête et, si elle estime qu’il y a effectivement violation des règles, elle peut saisir la copie du film pour l’envoyer au CBFC. L’Officier Régional du CBFC, accompagné d’un magistrat, compare la copie saisie avec celle qui a été déposée au moment de la certification pour détecter les différences. Cette procédure a une certaine utilité car il arrive régulièrement que des scènes, coupées à la demande du comité, se retrouvent dans les copies en circulation, voire que des films sans certificat soient diffusés.
Les peines pour infraction sont régies par le Cinematography Act et peuvent aller jusqu’à 3 ans de prison et 100.000 roupies (1 lakh), et 20.000 roupies supplémentaires par jour de diffusion en infraction.
Les membres du CBFC, de l’Advisory Panel et du FCAT peuvent inspecter les cinémas à l’improviste. L’exploitant est tenu de leur fournir une place (gratuite !) dans la meilleure catégorie.
Le document
Le certificat est toujours projeté au début du film. Ce que l’on voit n’est que le recto d’un document recto verso. Aujourd’hui, les textes sont généralement écrits en anglais et en hindi. Il est d’ailleurs assez facile de voir qu’on a affaire à un document papier car, très souvent, les mentions inutiles sont grossièrement barrées au feutre et les textes et noms sont tapés à la machine.
Les informations figurant sur le certificat
Le contenu du certificat affiché a varié dans le temps et suivant le lieu. Aujourd’hui on trouve les informations suivantes (exemple de A Wednesday !, un film classé "UA") :
Trois exemples de classement
Voici trois exemples de certificats, tirés de la base de données du CBFC, pour des films aux thèmes différents. Un film tout public (Pyaar Impossible !), un film avec des aspects politiques et religieux (Fanaa), un film pour adultes (Dev. D) qui a été classé "U/A" après les coupures demandées. A noter que les fautes d’orthographe sont d’origine !
Pyaar Impossible ! | |
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Movie Name | PYAAR IMPOSSIBLE |
Movie Language | HINDI PARTLY ENGLISH |
Movie Category | U (Unrestricted Public Exhibition) |
Certified by Regional Office | MUMBAI |
Certificate Date | 29/12/2009 |
Aucune coupure demandée.
Fanaa | |
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Movie Name | FANAA |
Movie Language | HINDI |
Movie Category | U (Unrestricted Public Exhibition) |
Certified by Regional Office | MUMBAI |
Certificate Date | 12/05/2006 |
CutList Details | |
1 | (GEN) Deleted the refernce of Rashtrapati Bhavan while associating with bomb blast wherever it occurs. |
2 | Deleted the visuals of black liquor bottle label. |
3 | Deleted the dialogue "Kabhi kabhi ……… laga" Spoken by Zooni. |
U/R33 Cuts Details | |
1 | Delated visuals between Amir Khan & Kajol in song "Mere Haath Mein…." - XIII &XIV |
2 | Added visuals between Amir Khan and Kajol in the song MERE HAATH MEIN………. - XIII, XIV |
3 | Added a scene of Amir Khan and Rishi Kapoor in jeep. - XV, XVI |
Dev. D | |
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Movie Name | DEV D |
Movie Language | HINDI |
Movie Category | UA (Unrestricted Public Exhibition-But With Parental Guidance) |
Certified by Regional Office | MUMBAI |
Certificate Date | 06/07/2009 |
CutList Details | |
1 | Deleted the visuals of Dev’s smoke coming out of his mouth. |
2 | Deleted the visual of Dev sitting in tub. |
3 | Deleted the visuals of man talking phone to a girl. Bina kapdo………….Gaya hai |
4 | Deleted the visuals of girl getting naked clicking her photo |
5 | Deleted the visuals man and woman kissing "Hath nahi jayega……………Meinbhi da jata |
6 | Deleted the visuals man and woman talking in the car "SEX" |
7 | Deleted the visuals man and woman kissing. |
8 | Deleted the visuals of two men talking and drinking "saali p Ang todab deti Hai" |
9 | Deleted the visuals of two men talking " too jitooth Bol…………I’m shocked" |
10 | Deleted the visuals of woman on top of the man in between the bushes. " kya kar………….hath hata |
… La liste ne comporte que les 10 premières modifications. Il y en a eu 95 demandées en tout pour Dev. D !
Le Cinematograph Act de 1952 ne couvre pas les affiches ou les publicités imprimées pour les films. Leur régulation tombe sous le coup des lois communes et du code pénal indien. Cette situation a souvent posé des problèmes de définition de compétence. L’industrie du film a donc créé en 1990 le Film Publicity Screening Committee dont le quartier général est à Mumbai et qui possède des bureaux à Bangalore, Hyderabad, Madras et Thiruvananthapuram. Ce comité se prononce sur les représentations dégradantes de la femme, la pornographie ou la violence dans le matériel publicitaire écrit.
Le CBFC a lancé un site Internet en janvier 2003 mais celui-ci était toujours inaccessible. Le nouveau site (http://cbfcindia.gov.in/) a été inauguré fin avril 2010. Outre des informations sur le CBFC et les textes réglementaires, il propose une base de données d’un très grand nombre de films - mais pas tous - avec leur classification, les remarques et les coupures faites.
Quelques chiffres tirés du rapport 2009 du CBFC et concernant des longs métrages.
Il existe une instance équivalent au CBFC au Pakistan, le Pakistan Film Censor Board. Elle est basée à Lahore. Elle s’appuie sur le Censorship of Films Act de 1963.
Sources : http://cbfcindia.gov.in/, india.gov.in et indianetzone.com