Fanaa
Traduction : Destruction
Langues | Hindi, Ourdou |
Genre | Mélodrame / Romance |
Dir. Photo | Ravi K. Chandran |
Acteurs | Aamir Khan, Kajol, Tabu, Shiney Ahuja, Rishi Kapoor, Satish Shah, Kiron Kher, Sharat Saxena |
Dir. Musical | Jatin-Lalit |
Parolier | Prasoon Joshi |
Chanteurs | Kailash Kher, Sunidhi Chauhan, Sonu Nigam, Shaan, Aamir Khan, Mahalakshmi Iyer, Babul Supriyo, Master Akshay Bhagwat |
Producteurs | Aditya Chopra, Yash Chopra |
Durée | 169 mn |
Zooni (Kajol) est aveugle mais elle veut vivre comme les autres, chanter, danser, visiter Delhi… aimer et être aimée.
Rehan (Aamir Khan) est l’élu de son cœur, même s’il prétend que tout sentiment lui est étranger, même s’il ne veut pas s’engager, même si, après lui avoir donné de belles preuves d’amour, il disparaît.
Elle le croit mort, victime de l’attentat dont il est en fait l’auteur. Sept ans plus tard, ils se retrouvent face à face…
Fanaa est avant tout une histoire d’amour, un amour plus fort que le handicap, un amour qui transgresse les interdits. Fanaa signifie annihilation, destruction, le sous-titre est « destroyed in love », tout cela fait craindre un scénario banal, le vilain terroriste qui abuse de la naïveté de la pauvre aveugle dont il détruit la vie. Eh bien, non… La force du film réside dans ce paradoxe. Même si la vie n’est rose pour personne dans Fanaa, la destruction n’est pas là où on l’attend, elle est plus subtile et pas aussi néfaste que le mot français le laisse penser. Pour les soufis (ésotéristes musulmans), Fanaa consiste à éliminer l’ego pour se rapprocher de Dieu. Cela semble un peu loin du film, pourtant le refrain qui revient le plus souvent est « Subhan Allah », qui veut dire à la fois « Dieu soit loué » et « quelle merveille ».
A vrai dire, cette subtilité constitue l’atout principal du scénario, qui par ailleurs manque un peu de consistance. Ceux qui apprécient les films sur le terrorisme peuvent passer leur chemin, ici le terrorisme n’est qu’un prétexte lourdement exploité, faisant un amalgame assez dérangeant avec les attentats réels d’Al Qaïda, une utilisation plutôt déplacée dans ce film où ce thème est traité de façon superficielle, façon James Bond. Certes, cela donne lieu à une belle scène d’action pleine de mitraillettes. Mais Rehan pourrait aussi bien être agent secret, gangster ou militaire, cela ne changerait rien à l’histoire elle-même. Le terrorisme ajoute à la charge dramatique et permet de condamner la « mission » de Rehan, ce qui à mon sens alourdit inutilement le film. D’autant plus que le personnage incarné par Aamir Khan n’a rien du machiavélisme d’Ajay Devgan dans Khakee, rien de la détermination désespérée de Manisha Koirala dans Dil Se, on est loin aussi de l’organisation tentaculaire de Sarfarosh ou de Mission Kashmir, et encore plus loin de l’ambiance oppressante de Yahaan. Le seul élément intéressant dans ce contexte reste la présence inattendue de Tabu en chef de brigade anti-terroriste.
Cela dit, si le terrorisme est assimilable à un décor, Kunal Kohli le réalisateur l’a sans doute fait exprès, car un terrorisme trop réaliste, trop présent, aurait desservi le thème principal de Fanaa, destroyed in love : l’autre phrase qui revient le plus souvent est « Tere ishq mein meri jaan fanaa ho jaye » (« que ma vie s’anéantisse dans ton amour »).
Bienvenue donc aux amateurs (trices) de films romantiques ! Fanaa en est un pur joyau ! Kunal Kohli nous avait déjà régalés de rencontres savoureuses dans Hum Tum, mais là il se surpasse dans la direction d’acteurs, évidemment servi par le talent de Kajol et d’Aamir Khan. Chaque scène entre Zooni et Rehan est un vrai moment d’émotion, sans jamais en faire trop. Les dialogues, la mise en scène, les expressions des acteurs, leur élocution même, tout concourt de façon harmonieuse à nous faire entrer dans l’intimité de ce couple à la fois déchiré et attachant. On oublie alors Kajol et Aamir, on voit une femme et un homme qui s’aiment, dans un contexte qui voudrait détruire leur amour.
Aamir Khan est particulièrement émouvant, et prouve une fois de plus l’étendue de la palette de son jeu. On retrouve bien sûr Kajol avec un immense plaisir, on comprend que ce rôle ait pu lui donner envie de revenir sur les plateaux. Et pour ceux qui craindraient le regard vide, aveugle, de cette actrice si pétillante, qu’ils se rassurent, la chirurgie a fait des progrès fulgurants…
On apprécie de retrouver aussi Kiron Kher et Rishi Kapoor dans le rôle des chaleureux parents de Zooni. On se demande un peu pourquoi, une fois de plus, Rishi Kapoor ne peut pas apparaître dans une scène sans s’avaler trois whiskies. C’est dans ses contrats peut-être ? Parce que cela n’apporte rien au film.
L’image est soignée dans Fanaa, on aurait aimé voir davantage Delhi, qui reste un peu à l’état de carte postale. La plus grande partie du film est tournée en Pologne (censée être le Cachemire), dans des paysages de montagne enneigée qui illustrent bien l’isolement des personnages. Mais on sent Kunal Kohli plus à l’aise dans les scènes d’intérieur, les huis-clos, que dans les rues encombrées ou dans l’immensité neigeuse…
La musique est très présente, elle est efficacement utilisée en fond, mais reste discrète. Les chansons se succèdent de façon un peu rapprochée pendant la première partie, on les apprécie mieux dans la seconde partie où elle s’intègrent bien dans l’histoire. On retiendra surtout Des Rangila qui nous offre une belle chorégraphie de groupe avec une Kajol virevoltante, Chand Sifarish lancinante, presque entêtante, Mere Haath Mein qui nous tirerait facilement quelques larmes, et Chanda Chamke une adorable comptine à la fois drôle et tendre.
Les paroles de Prasoon Joshi sont recherchées, poétiques. Globalement, sans être inoubliable, la musique de Jatin et Lalit contribue largement à l’ambiance du film, elle est agréable et reste en tête bien après avoir vu le film. Pour leur dernière création commune, les compositeurs ont soigné leur partition, sans pour autant retrouver la créativité et l’impact de Dilwale Dulhania Le Jayenge, Kuch Kuch Hota Hai, Kabhi Khushi Kabhie Gham, ou Khamoshi - the Musical.
Fanaa fait partie de ces films à voir et revoir, pour le jeu des acteurs, pour cette intimité qui se crée entre les personnages, et pour son atmosphère à la fois douce et amère.
Pour complément d’information : Fanaa n’a pas été diffusé au Gujarat, non à cause du film lui-même, mais parce qu’Aamir Khan a publiquement défendu la cause des habitants de Narmada, chassés de leurs terres sans contrepartie à cause de la construction d’un barrage. Des menaces ont été lancées vers les salles qui montreraient le film, les exploitants ont préféré renoncer. Le gouvernement est soupçonné d’avoir ainsi manipulé certains groupes pour faire pression sur Aamir Khan, le faire revenir sur ses paroles et s’en excuser - sans succès : comme on pouvait s’y attendre, l’acteur est resté sur ses positions, expliquant qu’il ne s’opposait pas au barrage lui-même qui doit résoudre le problème critique de l’eau dans cette région, mais qu’il n’admettait pas que ces pauvres gens soient abandonnés à leur sort. Il a été soutenu dans sa démarche par Yash et Aditya Chopra qui ont produit Fanaa, malgré les pertes que cette absence de distribution a infligé au film.