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Maan Gaye Mughall-E-Azam


Bande originale

Pyar Kiya To Darna Kya
Marmari Bahein
Ek To Sharaab Kam
Ishqaiyaan
Marmari Bahein - Remix
Ek To Sharaab Kam - 1
Ishqaiyaan - Remix

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La critique de Fantastikindia

Par Jordan White - le 17 septembre 2008

Note :
(7/10)

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Une petite troupe de comédiens de théâtre se retrouve mêlée à une mission d’Etat qui engage la sécurité du pays. Une petite ville près de Goa est en effet sous la menace d’actions terroristes menées par un groupuscule. Dépêché sur place, Arjun (Rahul Bose) se fait passer pour un amoureux éconduit et décide de mettre la main sur le mystérieux Hadli Hassan (Kay Kay menon) chanteur, lui même agent double qui agit dans l’ombre et est éconduit par Shabnam.

Un remake d’un classique (Mughal-E-Azam - que je n’aime pas trop d’ailleurs au passage) du ciné hindi de 1960 ? Refait de nos jours ? En couleurs ? Quel intérêt ? Voici quelques-unes des questions qu’ont pu se poser les fans du film original et les détracteurs de Mallika Shewarat et des acteurs du film. Plus simplement même les réfractaires du genre remake en lui-même, qui peut donner des petites merveilles (Psycho de Van Sant, pour ma part) comme des films inégaux voire ratés (Wicker Man en 2007). Maan Gaye Mughall-E-Azam n’est pas un remake stricto sensu. Dans la forme, si on enlève les costumes, le film "dénudé" est une parodie qui pourrait ressembler aux comédies classiques basées sur les quiproquos. Les situations propices à de mauvaises interprétations sont légions, notamment dans la seconde partie, tournant d’ailleurs en dérision les principes de bases édictés dans la première partie.

Le film de 2008 est plus une relecture moderne, s’éloignant peu à peu de son modèle d’il y a quarante-huit ans, pour construire sa propre identité visuelle et constituer une expérience visuelle stimulante, originale voire franchement impressionnante par moments. Le mariage réussi des décors de pensée moghole (architecture, design intérieur, etc) avec la musique soufie teintée ici de qawalis, fait penser à Jodhaa Akbar d’Ashutosh Gowariker, réalisé avec plus de moyens certes mais dont l’idée de gigantisme est reprise ici sur une durée bien plus courte. Les sourates rappellent la poésie arabe. Les néons et les lumières explosives mettent en évidence les clubs contemporains, avec pistes de danses éclairées façon disco. Bref, Maan Gaye Mughall-E-Azam est le film des anachronismes, ou "comment marier le bariolé et le fantasque". Un fantasque présent sur tous les plans : visuel, narratif et sonore.

Il faut un bon quart d’heure pour entrer dans le film. Je crains que nombre de spectateurs se mettent à jouer de la télécommande en allant aux scènes qu’ils désirent le plus regarder au détriment des (longues) séquences dialoguées. La description du théâtre local à Saint Louis, lieu de rendez-vous quotidiens, qui semble être la principale activité artistique de cette petite ville, m’a rappelé au bon souvenir d’Aaja Nachle, dans lequel Madhuri Dixit faisait participer les habitants à son grand projet de démocratisation de l’art. Un art ici essentiellement scénique auquel vient s’ajouter l’art du chant et de la danse. Les premières représentations du film dans le film (une troupe d’acteurs jouant une pièce ratée puis revenant au classique Mughal e Azam) semblent un peu figées. Les acteurs montrent néanmoins que ce qui les intéresse, c’est reprendre la pièce suivante, laissée en stand-by. Ces minutes font peur : le ton est à la parodie à base de pouet pouet et de sons stridents dans le doublage des gags.

Ce qui pourrait sembler plutôt drôle ne l’est plus à force de vouloir le surligner. Plus généralement, le film ne se sépare jamais de cet habillage sonore un peu lourd. Cette introduction montre aussi à quel point le théâtre classique indien reprend ses figures mythiques et légendaires en mettant l’accent sur les figures divines idolatrées pour en tirer des histoires d’amour. Tout comme Hamlet et Othello sont encore régulièrement joués pour leur intemporalité, l’histoire religieuse du pays permet à des auteurs d’aller puiser dans des contes qui semblent dramaturgiquement inépuisables. La thématique du film n’est pas tant celle de l’art de jouer que celle d’un pays miné par le terrorisme mettant l’amour au coeur d’une mission légaliste et étatique a fortiori. Tout du moins pensée ainsi. Ce qu’il faut d’ailleurs en retenir c’est peut-être ce que Mallika en chantera : Aaj Mood Hai Ishqaiyaan (Aujourd’hui je suis d’humeur d’aimer). Celle aussi de la gageure de faire rejouer sans cesse la même pièce à des acteurs amateurs et dans quel contexte, ici en l’occurrence celui d’une situation de crise.

L’entrée en jeu de Mallika Sherawat permet à Maan Gaye Mughall-E-Azam de trouver un second souffle alors que le film n’a commencé que depuis un quart d’heure. Sa présence voire son magnétisme font tenir le film sur ses seules épaules. Plus sexy que jamais, elle joue parfaitement d’un sex appeal qui ne la fait jamais sombrer dans la vulgarité. Son jeu tout en séduction apporte une fraîcheur immédiate. De plus la belle sait mettre en valeur sa part d’autodérision. Elle rigole d’elle-même sans se ridiculiser. Rahul Bose paraît moins distant que dans ses autres films mais on sent à nouveau chez lui une régulation, comme s’il se posait des limites, comme s’il avait peur d’en faire trop. Du coup je le trouve toujours un peu trop raide, trop dans la réserve.

Paresh Rawal est très bon, Kay Kay Menon assez délicieux en chanteur au double jeu. Revers pervers du spectacle, bien réel à l’écran : une certaine répétition ; ce qui était pourtant déjà clair se répète dans une deuxième partie plus faiblarde qui laisse penser que deux heures auraient été suffisantes. Le soin apporté au visuel, la petite folie du script, parviennnent cependant à titiller le spectateur, d’autant que le film se montre original à plus d’une reprise dans sa façon de montrer les enjeux de la mission attribuée. Les chorégraphies sont très bien faites, on sent un vrai investissement et Ishqaiyaan est la plus emballante des quatre. Mallika m’a rappelé l’immmense Zeenat Aman dans son costume blanc deux pièces lorsqu’elle joue dans Satyam Shivam Sundaram. Il y a des comparaisons moins flatteuses.

Maan Gaye Mughall-E-Azam est en fait une comédie qui est tout ce que l’on n’attendait pas d’elle : dialogues en cascades, musiques bien mises en avant, thématique très actuelle, vernis faussement clinquant. Un film de dialoguiste, de décorateur et de directeur photo qui lorgne tantôt du côté de l’abstraction, dans lequel le réalisme n’a plus lieu d’être, avant d’être rattrapé par les évènements. Un film réalisé avec un certain talent.

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