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Raajneeti

Traduction : De la Politique

Bande originale

Bheegi Si Bhaagi Si
Mora Piya
Ishq Barse
Dhan Dhan Dharti
Mora Piya (Trance Mix)
Ishq Barse (The Bombay Bounce Club Mix)
Dhan Dhan Dharti (Call of the Soul)
Mora Piya (Twilight Mix)

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La critique de Fantastikindia

Par Laurent - le 24 août 2010

Note :
(7.5/10)

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Veerendra Pratap Singh (Manoj Bajpai) et Prithvi Pratap Singh (Arjun Rampal) sont cousins et héritiers d’un puissant parti politique. Lorsque Prithvi en prend la tête, Veerendra s’associe au leader populaire Sooraj (Ajay Devgan) pour comploter contre Prithvi et l’évincer du parti. Tout ceci est cependant très loin des préoccupations de Samar (Ranbir Kapoor), frère cadet de Prithvi, un intellectuel qui étudie à l’étranger et ne s’intéresse pas aux affaires de la famille… A la suite d’un événement exceptionnel, pourtant, Samar va brutalement prendre conscience des rivalités en cours : il décide alors de se lancer dans la politique et, sous l’égide de Brij Gopal (Nana Patekar), membre à la fois de la famille et du parti, il va réunir des fonds dans le but de créer un nouveau parti…

Quatre ans et demi après l’excellent film de gangsters Apaharan, le cinéaste Prakash Jha nous propose un film sur la politique, ou plutôt sur des hommes politiques avec Raajneeti, un milieu qui, s’il faut en croire les longs-métrages hindis sur le sujet, est assez proche de celui de la pègre ; et, si ses personnages sont ici un peu plus policés, on retrouve dans cette nouvelle réalisation une ambiance qui n’est pas foncièrement différente de son film précédent, entre autres raisons parce qu’on y croise à nouveau Ajay Devgan et Nana Patekar. Ajoutons à cela que, pour cette histoire de rivalité fratricide pour obtenir le pouvoir, le scénariste a reconnu s’être librement inspiré du Mahâbhârata : Krishna, Karna, Arjuna, Bheema et Duryodhan y sont ainsi interprétés respectivement par Nana Patekar, Ajay Devgan, Ranbir Kapoor, Arjun Rampal et Manoj Bajpai.

A première vue, on pourrait trouver que l’excellente distribution n’est pas exploitée aussi bien qu’elle aurait pu l’être ; en effet, plusieurs des plus grands comédiens du cinéma hindi qui y figurent semblent laissés en retrait, que ce soit Naseeruddin Shah, dont le rôle se limite à un gros caméo initial, ou bien l’excellent Nana Patekar, cantonné dans un second rôle, facile pour lui, d’adjuvant de Ranbir Kapoor, tendance vieux renard cynique faussement débonnaire… Par exemple lorsque, dans une scène-clé, il lui fait cette vive recommandation : Come on, finish him ("Vas-y, achève-le"), qui peut donner l’impression que la réflexion sur le pouvoir est simplement traitée par le biais du film de genre. Si l’on y regarde de plus près, pourtant, on remarque à quel point le Mahâbhârata, particulièrement l’épisode de la Bhagavad-G ?t ?, imprègne les personnages et l’histoire, notamment dans ce passage : le champ de bataille sur lequel Ranbir (le prince Arjuna) va devoir affronter sa famille alors qu’il n’était pas venu pour ça, et qui va se transformer en carnage, sous l’oeil et les conseils de Nana Patekar (Krishna, avatar terrestre de Vishnou), est bien celui de l’épopée connue de tous les Indiens. Sous cet angle, le second rôle de Nana Patekar prend alors une véritable épaisseur et devient le pivot du film.

Les stars restantes se partagent la vedette, aucune ne se détachant, de prime abord, comme le véritable protagoniste, ce qui ralentit d’autant plus l’identification éventuelle du spectateur à un personnage ; Arjun Rampal et Ajay Devgan sont appréciables dans leurs rôles, ils ne sont pas toujours naturels (surtout le bel Arjun, pas très convaincant lors de ses sautes d’humeur), mais à peu près convenables dans les nombreux passages emphatiques à la musique appuyée, et servent plutôt la mécanique scénaristique que constitue essentiellement le film.
Petit à petit, c’est en fait le jeune Ranbir Kapoor qui apparaît comme le personnage central, mais son attitude extrêmement calme, qui se manifeste par une diction douce et appliquée, ne le rend pas vraiment crédible en homme politique impitoyable avide de vengeance ; l’acteur n’est pas mauvais, son jeu lunaire serait même juste si l’on prenait en compte des critères de masala commercial (il est notamment très bien dans ses scènes mélodramatiques avec ses partenaires féminines), mais on est ici dans une oeuvre proche de l’esprit terre-à-terre du film de gangsters, un genre relativement réaliste où l’on préfère les comédiens plus authentiques, qui sentent le vécu.
Cependant, si l’on se replace, là encore, dans l’optique de la Bhagavad-G ?t ?, il faut admettre que cette interprétation de l’acteur est certainement voulue par le réalisateur : Ranbir, intellectuel cultivé, comprend immédiatement que son destin n’est pas vraiment entre ses mains et qu’il doit accomplir son devoir de mort, sans passion… Une passion qui habite au contraire le très bon Manoj Bajpai, qui nous propose la prestation la plus marquante de cet ensemble de vedettes, nous surprenant avec son rôle de composition de bourgeois aigri et rancunier.

Pendant la majeure partie du film, on croit ainsi assister à une grande pièce de théâtre filmée, à la dramaturgie extrêmement travaillée, certes, mais qui maintient une distance avec le spectateur ; on a donc tout le loisir de remarquer que ce film "de politiciens" ne dépasse guère les conventions habituelles du genre à Bollywood : jeux de pouvoir et manipulations entre les nombreux personnages, pratiques des hommes politiques locaux indiens apparentées au gangstérisme, femmes passives qui, bien qu’étant les plus sincères et les plus lucides, sont les premières victimes des caprices des hommes, sorte de triangle amoureux qui s’installe autour de Ranbir Kapoor avec les personnages de Katrina Kaif et de sa fiancée irlandaise…

Heureusement, le dernier tiers du métrage est plus passionnant, enchaînant les coups de théâtre (notamment grâce aux personnages féminins qui se révèlent utiles au sein du scénario, celui de la peu convaincante Katrina Kaif étant clairement inspiré de Sonia Gandhi) et les règlements de comptes, ce qui donne lieu à une belle séquence d’action finale. On sent bien d’ailleurs que, malgré le titre pompeux qu’il a choisi, Prakash Jha n’a pas la prétention de faire du cinéma d’auteur, et c’est justement grâce à son côté "film de studio soigné" que son film tient plutôt en haleine de bout en bout, ne se refusant pas des ingrédients du cinéma commercial conventionnel comme les éléments déjà mentionnés (dilemme romantique du héros, abus de musique extra-diégétique), ainsi que plusieurs brèves scènes de meurtres particulièrement sanglantes… En revanche, et de façon judicieuse, les passages chantés et dansés sont quasiment inexistants (Jha nous refait le coup du "fragment de clip" d’Apaharan, qui comportait une demi-chanson visiblement tronquée).

Si Raajneeti, avec sa réflexion convenue sur la fatalité des luttes de pouvoir où "la fin justifie les moyens", n’est ni la géniale adaptation du Mahâbhârata, ni le film-dossier sur les affaires publiques indiennes qu’on espérait, s’il n’égale pas le plus passionné Apaharan ni même, pour rester dans le même genre, un film prenant comme Satta de Bhandarkar, il n’en reste pas moins un très beau film romanesque sur fond de politique, avec des acteurs dans l’ensemble assez froids mais charismatiques, ainsi qu’un scénario et une mise en scène comparables à ceux des grands artisans hollywoodiens actuels comme Ridley Scott. Sans doute l’un des meilleurs films hindis de l’année, Raajneeti, bien qu’il manque un peu de corps, a tout de même du souffle et de l’ampleur, et vaut largement le coup d’œil.

Merci à Madhurifan pour ses quelques menus éclaircissements sur le Mahâbhârata.

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