Singham
Traduction : Lion
Langue | Hindi |
Genre | Film d’action |
Dir. Photo | Dudley |
Acteurs | Prakash Raj, Ajay Devgan, Kajal Aggarwal |
Dir. Musical | Ajay-Atul |
Parolier | Swanand Kirkire |
Chanteurs | Shreya Ghoshal, Sukhwinder Singh, Richa Sharma, Kunal Ganjawala, Ajay Gogavale |
Producteur | Reliance |
Durée | 142 mn |
Rakesh Kadam, inspecteur de police à Goa, est convaincu de corruption et voué aux gémonies. Désespéré de voir son honneur bafoué, il se suicide assis à son bureau dans le commissariat qu’il dirigeait. Le policier intègre venait d’être piégé par Jaikant Shikre (Prakash Raj), un don cruel qui vit d’enlèvements et d’extorsions. Megha Kadam, convaincue de l’innocence de son mari, réclame justice, sans grand espoir si ce n’est celui d’une intervention divine.
Justement, à quelques dizaines de kilomètres de là, dans le petit village de Shivgarh, Bajirao Singham (Ajay Devgan) est également inspecteur de police. Depuis qu’il en dirige le petit commissariat, personne n’a jamais été arrêté ni même aucune procédure judiciaire engagée. C’est que Singham s’occupe personnellement de tout : il rend la justice et fait exécuter les peines lui-même. Il est adulé dans son propre village où chaque habitant est son voisin, son ami ou un membre de sa famille. Cela n’empêche pas la jeune et jolie Kavya Bhosle (Kajal Aggarwal) de faire une cour assidue au lion de Shivgarh…
Raconter plus avant l’histoire pose un problème car elle ne commence réellement qu’au bout de trois quarts d’heure avec le face-à-face tendu entre Jaikant Shikre et Singham. Les premiers temps du film sont paresseusement consacrés à l’exposition de Singham, au début de la romance avec Kavya et quelques moments à vocation comique avec un gros de service. Pour tout dire, le comique ne l’est pas, il n’est que lourd et gras. Il est probable que le personnage de Kavya était destiné à humaniser le lion. Souvent dans les films d’action à Bollywood les personnages féminins manquent d’intérêt, mais ici elle est nuisible.
Rohit Shetty, pour aller au bout de la logique, aurait dû l’éliminer elle aussi et éviter ainsi tous les moments où elle apparaît, qui ne sont que des temps morts dans un film qui a autrement plus à raconter. Car Singham est le remake hindi du film tamoule Singam sorti en 2010 avec Surya dans le rôle-titre. Au contraire des deux autres remakes sortis aussi en 2011, Kempe Gowda en kannada et Shotru en bengali qui ne sont que des copies médiocres d’un original déjà plutôt moyen, Singham introduit des différences scénaristiques significatives qui le placent à un niveau très supérieur. Par exemple, l’ouverture avec l’inspecteur Kadam ou son final extraordinaire sont uniques à cette version. Singham ne manie pas le pistolet comme un psychopathe, Jaikant Shikre n’envoie pas Kavya à l’hôpital, et plusieurs personnages ont été supprimés ou transformés.
Singham n’est pas un masala d’action traditionnel comme peuvent l’être Wanted, Dabangg ni même Rowdy Rathore. Pour commencer, l’humanité de Bajirao Singham est mise en doute dès les premiers instants. Il est présenté émergeant des eaux à moitié nu dans ce qui ressemble à une cérémonie religieuse nocturne. Homme, demi-dieu, super-héros ? On ne sait pas, mais Ajay Devgan a à la fois la présence physique et le charisme du personnage.
Ensuite, si Singham se bat bien comme un lion en envoyant valdinguer les plus gros d’une simple pichenette, la raison de ces combats diffère radicalement de ce qu’il est habituel de voir. « Normalement » le héros se défend lorsqu’il est attaqué par une bande de brutes. Singham lui, il est à l’initiative : il attaque les molosses et se bat pour les punir. C’est un justicier, un Juge Dredd sans armure et avec une pétrolette sans gadget en guise de moto.
Dès la scène d’ouverture, on comprend que Singham est le défenseur du Bien et des petits contre les puissants. Il est prêt à payer de sa poche et de sa personne pour faire valoir le Droit et l’Honneur. Dans un univers totalement corrompu, il est seul à se dresser contre tous ceux qui violent la Justice, quelle que soit leur position. Sa droiture virile l’oppose frontalement à un Jaikant Shikre pervers qui soumet tous ceux qui osent lui tenir tête. Toutes les victimes humbles et modestes voient en Singham le héros qui va les sauver, c’est le messie.
Mais c’est un messie vulnérable qui doute, qui se met en danger et n’utilise ses poings de mammouth qu’en dernier recours. Cela fait de lui un personnage extrêmement attachant. Au contraire d’un Salman Khan hiératique et indestructible, Ajay Devgan a composé un personnage plus fin et plus humain qu’on pourrait le penser au premier abord. Dans le même temps, il est physiquement remarquable et porte le « marcel » presque mieux qu’un Bruce Willis des années 80. Surtout, il n’a pas besoin des effets spéciaux ridicules des versions kannada et bengali pour mettre en valeur sa musculature travaillée.
Prakash Raj, qui jouait déjà le méchant dans le Singam d’origine a recomposé ici un personnage beaucoup plus vicieux, colérique, malin et dangereux ; le parfait contrepoint du nouveau Singham. Les personnages secondaires sont exactement là où il le réalisateur a voulu les placer : dans le registre grotesque pour un des policiers de Shivgarh par exemple, dans la mièvrerie pour Kajal Aggarwal, mais aussi dans le ton triste et désabusé d’Ashok Saraf qui joue un vieux policier à six mois de la retraite.
Ce remake est fondamentalement dissymétrique avec une seconde partie bien plus forte que la première. Le mélange les genres dans la première heure est très étonnant. Le film passe sans hésiter et en quelques instants du plus mauvais au meilleur, du plus ennuyeux au plus prenant. Le pire se trouvait déjà dans la version initiale et on devine que les auteurs ont cherché à le réduire autant que possible, mais sans y parvenir complètement. Le scénario a été resserré et réorienté pour le faire gagner en intensité. C’est un objectif qu’on peut trouver largement atteint, même si il faut prendre son mal en patience par moments. Heureusement, une fois la rencontre entre les deux adversaires effectuée, Singham atteint une toute autre dimension. Le spectateur se souviendra longtemps des scènes d’action à couper le souffle comme la descente de voiture en marche, de la tension importante au moment de l’élection de Jaikant Shikre, mais peut-être plus encore de son dénouement totalement inattendu.
Rohit Shetty, pour son septième film, a cherché et réussi une nouvelle fois à mettre en valeur Ajay Devgan, son compère de toujours et le héros de tous ses films depuis qu’il était tout jeune assistant sur Phool Aur Kaante en 1991. Singham est la preuve qu’Ajay peut incarner un héros ultra-viril de façon crédible et que Rohit Shetty est capable de maîtriser formidablement la caméra dans un film d’action. Mais dès qu’il s’écarte un peu du sujet de l’affrontement des deux mâles, on le sent nettement moins à l’aise, comme par exemple dans la représentation des chansons.
Elles ne sont heureusement qu’au nombre de trois. La chanson titre, Singham, chorégraphiée pour présenter Singham, est très rythmée, entraînante et se laisse voir avec plaisir et intérêt. Elle contient le gimmick entêtant qui est répété à l’envi tout au long du film. Hélas les deux autres, Saathiya et Maula Re n’ont rien à faire dans le film. Il s’agit de chansons douces conçues pour mettre en valeur Kajal Aggarwal. Elles ne sont pas désagréables à l’oreille mais leur chorégraphie datée et les sourires niais des deux protagonistes cause un sentiment irrépressible d’impatience mêlé de frustration : au lieu de faire les jolis cœurs en dansant, rendez-nous Bajirao Singham !
Ajay Devgan, qu’on connait surtout dans nos contrées pour être Monsieur Kajol, est entré avec Singham dans le club fermé des films qui ont réalisé le milliard de roupies de recette nette en salles. S’il n’est arrivé que cinquième au boxoffice 2011, il est clairement plus abouti et intéressant que les quatre qui l’ont précédé dans le classement.
Passé 50 minutes un peu poussives et même parfois médiocres, il passe la surmultipliée et nous colle à notre fauteuil dans un affrontement viril du Bien contre le Mal. Les scènes d’action de ce divertissement magistral sont à couper le souffle, tout comme son final inimaginable. Mind-blowing !