Umrao Jaan (1981)
Langue | Ourdou |
Genre | Classique |
Dir. Photo | Pravin Bhatt |
Acteurs | Naseeruddin Shah, Rekha, Satish Shah, Raj Babbar, Farooque Shaikh |
Dir. Musical | Khayyam |
Paroliers | Amir Khusro, Shahryar |
Chanteurs | Asha Bhosle, Jagjit Kaur, Mustafa Khan, Runa Prasad, Shahida Khan, Ustad Ghulam, Talat Aziz |
Producteur | Muzaffar Ali |
Durée | 145 mn |
Agée d’une douzaine d’années, Amiran est enlevée à sa famille et vendue à une maison de courtisanes. Elle essaie bien de se sauver, mais sans succès, et bientôt les membres de cette communauté qui vit en huis clos, deviennent un sorte de seconde famille, notamment le maître de musique, et le jeune "homme à tout faire" (Naseeruddin Shah). Elle apprend à danser, à écrire et à chanter des poèmes.
Devenue Umrao Jaan (Rekha), dès sa première représentation elle est remarquée par le jeune et beau prince local (Farooq Shaikh). Ils tombent amoureux, sa vie lui est dédiée. Mais les princes n’épousent pas les courtisanes. Il en épouse une autre, elle décide alors de s’enfuir, à n’importe quel prix, croyant pouvoir ainsi fuir son destin. Nouvelle illusion.
Ce qui frappe en premier lieu dans Umrao Jaan, c’est la grâce de Rekha. Qu’elle parle, qu’elle chante, qu’elle danse, le moindre de ses mouvements, de ses regards, de ses intonations, hypnotise littéralement. Heureusement d’ailleurs, sinon on s’ennuierait ferme.
La force d’Umrao Jaan est sa candeur, son innocence ; tel le lotus au-dessus de la boue, elle vit dans une sorte de mirage, comme si dans sa tête elle était restée cette petite fille de 12 ans qui rêvait de son fiancé en jouant avec son petit frère. Pourtant la bulle éclate un jour, elle doit se rendre à l’évidence, et le réveil est brutal. Elle réalise que les bandits qui l’ont enlevée lui ont volé sa vie, celle qu’elle aurait dû avoir, épouse respectée et dévouée, mère aimante. Même si elle a l’âge de ces jeunes femmes, elle est de l’autre côté du miroir, à jamais.
Pourtant le film présente la vie de courtisane de façon presque idyllique. Umrao Jaan est non seulement éduquée, mais aussi choyée, consolée, entourée… tant qu’elle joue le jeu. Il n’est pas question de prostitution ou presque, à la différence de la version de 2006 ou de Pakeezah, qui traitent le sujet de façon bien plus directe. Mais justement ce parti pris du scénariste et réalisateur Muzaffar Ali, permet de mieux partager l’injustice que ressent Umrao Jaan lorsqu’elle prend conscience de la réalité de son état.
Ce film est considéré comme un classique, à vrai dire il est même difficile de croire qu’il est sorti en 1981, tant sa facture, son rythme, sa musique, sa façon pudique de suggérer plutôt que de dire les choses, et même la façon de jouer des acteurs, sont proches des classiques des années 50-60. Cette impression est renforcée par les costumes, les décors et le contexte historique : Umrao Jaan se situe en 1840, à Lucknow, quasiment hors du temps. Mais les gros plans répétés, une certaine lenteur, la place prépondérante donnée au texte par rapport à l’action, sont les "dégâts collatéraux" du côté "classique". Il faut dire aussi que l’image a beaucoup vieilli, bien plus que les "vrais" grands classiques et leur superbe noir et blanc.
Les séquences musicales constituent une bonne partie du film, la plupart d’entre elles sont des scènes de danse d’Umrao Jaan. On attend en vain des prouesses comparables à Mughal-E-Azam, Pakeezah ou Devdas. Hélas on reste sur sa faim : les chorégraphies sont très basiques (Dil cheez kya hai, In ankhon ki masti), on sent que c’est le texte qui doit accrocher l’intérêt, la beauté de Rekha devant suffire pour le reste. On ne peut vraiment pas parler de "performances de danseuse", dommage. D’autres chansons sont des mélodies mélancoliques qui traduisent l’état d’esprit de la jeune femme, son âme de poète, notamment les très jolies Justuju Jiski Thi et Yeh kya jagah hai doston. La voix d’Asha Bhosle correspond bien à la voix de Rekha et partage ce même ton désabusé.
La musique du film, portée uniquement par des instruments traditionnels, a le charme d’un concert de musique classique. Elle a d’ailleurs rencontré un vrai succès public alors que le film n’a remporté qu’un succès d’estime. Le réalisateur a malgré tout reçu le Filmfare Award du meilleur réalisateur, et le compositeur a lui aussi été récompensé de l’award de la meilleure musique. Rekha, quant à elle, a reçu pour ce rôle le National Award de meilleure actrice. Et c’est vrai qu’en dehors de ses talents de danseuse qui nous restent cachés, ses talents d’actrice trouvent un large terrain d’expression avec Umrao Jaan.
Le film est basé sur un roman urdu, Umrao Jaan Ada, écrit en 1905 par Mirza Hadi Ruswa, inspiré de la vie d’une célèbre courtisane de Lucknow.
Pour avoir vu les deux versions du film, celle de 1981 et celle de 2006, ma préférence va à la version originale, malgré sa lenteur. Elle est moins « bavarde », Umrao Jaan se raconte moins, pourtant j’ai trouvé le personnage plus fort, plus crédible aussi. Le réalisateur joue beaucoup sur la symbolique. Sans s’appesantir, il arrive à nous faire croire à l’innocence d’Umrao Jaan, bercée d’illusions. Alors que la version moderne, plus réaliste, ne laisse aucune place à la suggestion, elle a tendance même à marteler de façon assez lourde le malheur d’Umrao Jaan.
En revanche, les images de 2006 sont indéniablement plus belles, et la présence de Shabana Azmi en « Madame » est un grand plus, alors que son personnage dans la version initiale, était bien moins présent. Le principal trait commun entre ces deux films, c’est qu’ils sont tous les deux des hommages à la beauté des actrices qui interprètent Umrao Jaan.
Mais le mieux, pour se faire une idée de la version de 2006, est de lire l’article de Laurent, ici .
Pour la petite histoire, Musaffar Ali est lui-même originaire de Lucknow et il est le père de Shaad Ali (Jhoom Barabar Jhoom, Bunty Aur Babli, Saathiya).