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What’s Your Raashee ?

Publié vendredi 25 septembre 2009
Dernière modification mardi 21 octobre 2014
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Par Jordan White

Rubrique Albums
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La promo exemplaire du film (ni trop ni pas assez) touche à sa fin. Le film racontera l’histoire d’un jeune homme célibataire (lequel croit au mariage d’amour) qui recherche la femme de sa vie pour se marier avec elle. Il a six jours pour trouver sa dulcinée et rencontre douze filles, donc douze signes du zodiaque. Douze filles jouées par la même actrice : Priyanka Chopra.

Ashutosh Gowariker (Lagaan, Jodhaa Akbar, Swades, mais aussi Baazi, moins connu) doit désormais s’en remettre au public. La BOF, elle, a fait son bout de chemin. Elle est généralement bien reçue, surtout par le public, la presse spé’ étant plus réservée à son sujet, sauf pour Joginder Tuteja, le spécialiste musique de bollywoodhungama.com, qui a bien raison sur nombre de points. What’s Your Raashee ? est en effet étonnante. Etonnante parce qu’elle met un peu plus de temps à entrer dans la tête, qu’elle est moins commerciale qu’elle y paraît de prime abord (beaucoup moins que celle de Kambakkht Ishq par exemple, ou la plus récente mais elle aussi très particulière London Dreams). Atypique, parce qu’elle remet au goût du jour le jazz, qu’elle s’inscrit en même temps dans l’époque du iPhone, en visant la cible des 12-25 ans avec Aaja Lehraate, et qu’elle revisite la musique gujarati à base d’harmonium avec Salone Kya ou Such Che, tout en allant puiser dans les influences arabes, jusqu’à la réminiscence de Maya Maya de la BOF de Guru qui ouvrait le film sur une danse orientale. Des influences sublimées dans une BOF dont je suis progressivement tombé amoureux. Pour Ashutosh et Sohail (homme-orchestre ici) il s’agit presque des douze travaux d’Hercule. Douze chansons absolument remarquables, dans le sens où elles sont toutes différentes tout en gardant un fil conducteur. Chacune d’entre elles se distingue par son ambiance, ses paroles et toutes convergent vers un final aussi original qu’intrigant.

L’introduction de What’s Your Raashee ? laisse d’abord un peu penser à une ex-série du dimanche soir de M6 avec son saxophone langoureux. Mais très vite, l’ambiance jazzy impose un ton et une atmosphère détendus qui lovent l’auditeur dans une sorte de cocon auquel il est difficile de résister. Le piano-bar, la contrebasse et les paroles susurrées de Sohail Sen rassurent et laissent deviner une mise en images d’une grande douceur. Dès le début, le compositeur a ainsi gagné son pari. Celui d’une forme de tendresse qui aujourd’hui répond au doux nom de romantisme et qu’Ashutosh tente à la fois de dépoussiérer et de rendre accessible au plus grand nombre. Un morceau techniquement virtuose (petit solo de piano discret, passages calmes et voix éthérée, aérienne).

Jao Na enchaîne et nous offre une ballade à la guitare sèche comme on n’en fait plus. Le petit air de synthé est là pour apporter une dynamique juste ce qu’il faut pour ne pas avoir à utiliser des percussions classiques qui auraient sans doute été de trop. La chanson est aussi l’occasion d’écouter un joli duo, avec un refrain entonné à deux qui prend sens et divertit autant qu’il émeut.

Aaja Lehraate est sans doute le morceau le plus ciblé du disque. On sent clairement que Sohail veut rassembler les jeunes autour d’un titre fédérateur. La génération des 15-25 ans a sans doute trouvé dans ce titre énergique qui convoque hip-hop, pop et DJ avec un zeste de rap, une bonne façon de fredonner un air certes classique mais qui peut se retenir sans difficulté, et c’est cela qui fait d’un titre classique un titre populaire. Ce qui n’enlève rien à la mélodie du morceau qui est bel et bien présente, en filigrane sous la couche de notes de synthé et de boîte à rythmes. C’est aussi l’occasion d’écouter une nouvelle venue, la chanteuse Bhavya Pandit. Agréable aussi le fait de retrouver Shaan tel qu’on l’aime. Pas difficile d’imaginer l’engouement, à Delhi (à Noida comme Connaught Place) ou à Mumbai, qu’un tel morceau peut engendrer. Il s’agit quasiment du seul morceau qui met autant à l’honneur l’électro avec Maanunga Maanunga.

Petite merveille acoustique qui fait la part belle aux tablas, Bikhri Bikhri nous enchante par son refrain grâce à l’instrumentation classique. La beauté simple du refrain (avec les choeurs masculins), la mélodie reprise aux violons et la présence d’un sitar très discret renforcent la qualité de la composition. Rares sont les mélodies cette année qui ont, y compris dans le contexte d’une musique traditionnelle, repris avec une telle évidence et d’une telle simplicité la dynamique classique offerte par le dhol et le sarangi. Dhol Yaara Dhol y était parvenu sans mal et Bikhri Bikhri se hisse à son sommet.

Ashutosh Gowariker prête sa voix au titre Maanunga Maanunga. Le réalisateur démontre ici un certain talent vocal. Il s’amuse en tout cas et le morceau, s’il n’est pas le plus remarquable en termes d’écriture et de composition, s’écoute sans déplaisir.

Sau Janam se rappelle aux grandes heures d’Asha Bhosle, ce qui n’est pas le moindre des compliments. Mais aussi à la voix aiguë, parfois perçante, d’Alka Yagnik, doubleuse de Kajol dans Kuch Kuch Hota Hai par exemple. Sohail Sen, omniprésent sur le disque, très talentueux, ce qui ne gâche rien, pose à nouveau sa voix (en duo à la fin du premier couplet). Puis Udit Narayan apporte la chaleur de son timbre à son tour. Très beau morceau, qui utilise également une guitare électrique assez nerveuse.

Harman Baweja et Aslesha Gowariker sont les deux chanteurs de Aa Le Chal, un morceau flottant, avec un air de violon samplé qui revient sans cesse tel un relent en arrière-plan. Une nouvelle composition attachante, avec un rythme binaire, de jolis choeurs et une nouvelle fois un saxo discret.

D’Alka Yagnik, il en est plus que jamais question avec Pyaari Pyaari, sa très belle ouverture au piano, son tintement de bijou, l’alternance percus/basse/piano. C’est une nouvelle fois la mélodie qui l’emporte, ce qui n’a pas toujours été le cas cette année sur les BOF. Il est de plus toujours heureux de retrouver des années plus tard une voix qui vous a ému grâce à des compositions uniques. Et c’est toujours le cas avec Alka.

Le début à l’harmonium nous fait tout de suite entrer dans le rythme particulier de Su Che, un des morceaux les plus vendeurs du disque. Un des plus traditionnels aussi, derrière ses apparences de musique pop très années 2000. Le morceau doit vocalement beaucoup à Bela Shende, magnifique de bout en bout. Le petit pont tout en modulations rythmiques, la reprise et la richesse des détails (claps de mains, flûte de pan) font l’essentiel de la réussite de ce morceau dont l’influence orientale est particulièrement frappante avant la reprise du dernier couplet et l’arrivée de la voix de Sohail.

Un harmonium également à l’honneur dès l’intro de Salone Kya (en écoutant attentivement au casque les premières notes, on peut même entendre les respirations de l’instrument avec le toucher des doigts du musicien sur l’instrument), un morceau pop avec une base gujarati mais aussi des accents d’Orient, c’est très fort et très réussi ! C’est un de ces titres qui démontrent la capacité d’adapter des instruments classiques au mixage d’aujourd’hui et de les introduire non pas comme des faire-valoir mélodiques mais comme des instruments essentiels, avec leur intemporalité.

Dhadkan Dhadkan est le morceau le plus mystérieux du disque. Le plus fouillé au niveau de son instrumentation, avec ce goût prononcé pour l’orchestration de groupe (on croirait écouter une symphonie) mise au goût du jour de l’électro. Ce mix original trouve très vite ses marques et au moment où l’on pense que le morceau a culminé, il se permet un interlude au piano avec un son à la Depeche Mode. Très emballant et sans doute le plus ambitieux titre du disque.

Beaucoup plus traditionnel, et logique vu la séquence en question, Koi Jaane Na ne rechigne pas devant les choeurs enjoués, et une habile instrumentation à base de dhols/flûte. Un morceau qui rappelle le meilleur de Dor du duo Salim-Suleiman.

La reprise de What’s Your Raashee ?, le morceau qui clôt le disque, est une intelligente mise en perspective des chansons précédentes (reprise des thématiques et des mélodies) avec l’idée d’associer les douze signes dans une même chanson. Une façon de refermer la boucle tout en ouvrant la voie à d’autres compositeurs.

Le film sort aujourd’hui, le 25 septembre. En allant rechercher des infos, et ne sachant pas quelle en serait la durée exacte, on lit sur Wikipedia qu’elle allait être de 211 minutes, soit 3h31 minutes *. Ashutosh Gowariker, dans le genre, ne fait donc rien comme tout le monde. Si les comédies ne sont pas un genre en berne, rares sont celles qui durent plus de deux heures. Lui opte pour un film qui dépasse allègrement les trois heures. C’est un pari qu’il explique par le fait qu’il comptait explorer les douze signes du zodiaque dont il est question et accorder à chacun d’entre eux la place qu’il mérite. Nous prenons d’ores et déjà rendez-vous pour la sortie DVD (et pourquoi pas Blu-ray, si Bodega récupère les droits de distribution comme ils l’ont fait pour Jodhaa Akbar).

* La durée de 211 minutes est celle indiquée sur le site Wikipedia pour la fiche film. Il a été présenté à Toronto et un spectateur assure sur IMDb que la durée était de 192 minutes. Le réalisateur aurait donc déjà procédé à un léger cut au niveau du montage. Affaire à suivre…


Année : 2009

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