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Yugpurush

Traduction : Un grand homme de son temps

Bande originale

Bandhan Khula Panchhi Udaa
Chale Hum Do Jan Sair Ko
Yeh Jeevan Path Mera
Koi Jaise Mere Dil Ka
Kanhaiya Se Kahiyo
Hello Hello Aayee

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La critique de Fantastikindia

Par Laurent - le 28 septembre 2010

Note :
(7.5/10)

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Anirudh (Nana Patekar) a perdu ses parents dans un tremblement de terre quand il était enfant. Traumatisé, atteint de catatonie, une forme d’autisme, il a été admis dans un hôpital psychiatrique. Vingt-cinq ans plus tard, grâce aux bons soins de son docteur, il est déclaré guéri de ses troubles mentaux, et a l’autorisation de quitter l’établissement pour aller vivre à Bombay chez Mohan, un ami de ses parents qui a payé ses soins psychiatriques.

Pendant le trajet, il croise Sunita (Manisha Koirala), une femme entretenue par un homme politique qu’elle n’aime pas, à qui l’innocent Anirudh donne spontanément des conseils après avoir deviné sa détresse. D’abord agacée, la jeune femme arrogante, qui s’ennuie dans la grande maison vide qu’on lui a payée, invite cet homme simple pour qui elle se prend de sympathie. Mais cela n’est du goût ni de son "pygmalion", ni de Ranjan (Jackie Shroff), un homme fougueux qui est amoureux d’elle, ni de Mohan, dont le véritable dessein est de déposséder Anirudh de sa propriété ancestrale en lui faisant, si nécessaire, épouser sa fille.

Après Agni Sakshi et Ghulam-E-Musthafa, Yugpurush clôt la trilogie que Nana Patekar a tournée avec le réalisateur Partho Ghosh dans les années 90. De prime abord, et comme l’introduction du film le laisse présager, on peut s’attendre à un triangle amoureux tourmenté entre l’héroïne, son amoureux têtu et notre protagoniste désintéressé. Mais ce trio et les relations qui se tissent entre ces personnages sont d’une originalité assez inhabituelle à Bollywood, à commencer par le héros incarné par l’excellent Nana Patekar. On connaissait ce dernier dans des rôles de flic nerveux ou de gangster violent, il nous étonne ici une fois de plus avec son interprétation de cet innocent aux mains pleines, un rôle délicat auquel il apporte une sérénité qu’on lui croyait tout à fait étrangère (quoiqu’il soit toujours capable de nous inquiéter aussi, avec ses crises d’épilepsie par exemple).

Aidé par la sobriété générale du film, dont les rares passages particulièrement mélodramatiques sont émouvants grâce à lui (la scène où, à son arrivée à Bombay, il sauve un enfant pendant une émeute mais est arrêté par erreur, celles où il croque sur une feuille de papier le portrait de son interlocuteur, un don qu’il a vraiment dans la vie), il ne sombre à aucun moment dans le stéréotype commercial du simple d’esprit de type "Forrest Gump", conférant à ses lignes de dialogues souvent métaphoriques, voire proches du cliché, des pointes poétiques touchantes là où un acteur moins talentueux aurait cédé à la candeur facile. Son personnage possède même des capacités intuitives, et sa méfiance envers certains gestes, certains regards de ceux qui lui veulent du mal est rendue de manière plutôt fine.

Une finesse que l’on retrouve dans un scénario bien charpenté et peu prévisible, contrairement à nombre de films hindis commerciaux, qui intègre la plupart des chansons intelligemment à l’intrigue ; l’une d’entre elles, au cours de laquelle les personnages apparemment antagonistes de Nana Patekar et de Jackie Shroff se lient d’amitié contre toute attente, est même assez euphorisante, nous présentant nos deux compères qui s’offrent une virée à la campagne et s’amusent comme des gamins, une pure "chanson d’amitié" (à la Yeh Dosti de Sholay) comme on n’en fait plus… On peut noter au passage que Jackie est sobre et convaincant dans ce film, tout comme la délicieuse Manisha Koirala.

De façon plus conventionnelle, le film brosse également un tableau sans fard de la politique indienne, une critique du pouvoir et de sa corruption très fréquente dans le cinéma hindi ; on y croise ainsi quelques politiciens sans scrupule, notamment celui qui entretient l’héroïne, qui n’hésite pas à organiser un mariage de pacotille entre elle et un homme de confiance afin de sauver les apparences vis-à-vis de l’opinion publique, tout en restant son amant. Ledit homme de confiance étant d’ailleurs un rustre qui tolère tout juste son père, un vieil homme ruiné, chez lui, lui accordant uniquement le gîte et le couvert tout en le traitant comme un domestique, un personnage attachant avec qui notre héros au cœur pur ne tardera pas à se lier d’amitié… En effet, comme chez Capra (une influence majeure à Bollywood, remise au goût du jour depuis avec les Munnabhai), il faut que le spectateur s’identifie clairement au protagoniste naïf et intègre qui s’oppose aux cyniques de tous bords.

Au final, si le réalisateur réunit ici la même équipe qu’Agni Sakshi, sorti deux ans auparavant, il donne à son trio d’acteurs des rôles très différents, et son scénario est même plus intrigant, réservant encore plus de surprises. Il montre à la fois un penchant pour le drame réaliste poignant, proche du middle-of-the-road cinema des années 70 comme les films réalisés par Gulzar (Koshish, Achanak), et un certain goût, plus moderne dans le cinéma indien, pour le morbide et les personnages atteints de troubles psychologiques, qu’on ne retrouve guère plus, de nos jours, que dans les films tamouls de Selvaraghavan ou Bala (le début du film, tourné dans un véritable hôpital psychiatrique, fait penser justement à Sethu, sorti l’année suivante).

Après le déjà réussi Agni Sakshi, Partho Ghosh confirme ainsi qu’il est un réalisateur singulier et passionnant, un ennemi des dénouements classiques, et donne à nouveau l’occasion au génial Nana Patekar de nous bouleverser en interprétant un personnage de marginal atypique. Peut-être l’un des plus beaux films des années 90…

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