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China Gate

Traduction : La porte de Chine

Bande originale

Chhamma Chhamma
Hum Ko To Rahna Hai
Is Mitti Ka Karz Tha Mujhpe
Chamma Chamma (Remix)

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La critique de Fantastikindia

Par Laurent - le 17 novembre 2009

Note :
(7.5/10)

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Il y a dix-sept ans, le colonel Krishnakant (Om Puri) et ses hommes (Amrish Puri, Naseeruddin Shah et Danny Denzongpa entre autres) furent démis de leurs fonctions dans l’armée. Motif : désertion. Désorientés dans la vie civile, ces vieux soldats dans l’âme ne sont plus depuis que l’ombre d’eux-mêmes. Le colonel s’apprête même à se suicider, lorsqu’une jeune femme vient lui demander son aide : son village, Devdurg, est en effet terrorisé par le brigand Jagira (Mukesh Tiwari) et sa bande. Krishnakant décide de réunir à nouveau ses troupes pour une nouvelle mission…

Un village sous la coupe d’une bande de hors-la-loi au chef charismatique : on retrouve ce schéma classique dans nombre de films d’antan, des Sept Mercenaires à Sholay. Quant à la bande de durs à cuire vieillissants qui se lance dans un ultime baroud d’honneur, c’est une autre constante des films de genre américains depuis La Horde Sauvage de Peckinpah, et même avant. Le mérite principal du film de Santoshi n’est donc pas d’être novateur, mais au contraire de réussir à être digne de ses fameux modèles dans son revival nostalgique du western. Il s’était déjà attaqué au genre deux ans auparavant avec Ghatak, une histoire d’honneur filial et de vengeance sur fond de localité sablonneuse, mais il est encore plus ambitieux pour China Gate, avec son gros budget et son énorme casting.

Car, s’il n’y a pas beaucoup de stars de premier plan, on n’a en effet rarement vu dans l’histoire de Bollywood un tel ensemble de comédiens de talent. Il faudrait presque tous les citer : Amrish Puri est excellent comme toujours dans son rôle du doyen de la bande (dont il aurait largement pu jouer le chef), un bourru au grand cœur, Naseeruddin Shah est aussi talentueux que d’habitude en musulman patriote qui, après une querelle de longue date avec Amrish, se réconcilie avec lui dans une scène très émouvante…

Parmi les grands acteurs qui incarnent ces vétérans meurtris, mentionnons encore Danny Denzongpa (un autre rescapé de Ghatak avec Amrish), habituellement dans des rôles de méchants sanguinaires chez Santoshi, qui joue ici un va-t’en-guerre têtu, le très digne Kulbhushan Kharbanda, pour qui la décoration qu’il reçut naguère est la plus grande fierté, et Om Puri, impeccable de gravité en meneur des opérations qui garde la tête froide. Même Tinnu Anand est attachant en vieux militaire un peu ahuri, et seul Samir Soni, le seul jeune des onze (ce qui est justifié scénaristiquement de façon crédible), fait un peu tache dans l’ensemble, il manque d’épaisseur par rapport à ses partenaires chevronnés, même si son personnage donne lieu à quelques sympathiques scènes où l’intraitable Amrish le soumet à un entraînement militaire aussi intensif que matinal. Enfin, on peut mentionner les éternels seconds couteaux Paresh Rawal et Anupam Kher, dans des petits rôles crédibles.

Toute la première partie est ainsi consacrée à la présentation et au développement de chaque personnage, des interactions qu’ils ont entre eux ; le scénario fouillé qui réserve plusieurs surprises (sur certains personnages qui cachent de terribles secrets, sur la raison pour laquelle ils ont déserté jadis) et les dialogues travaillés donnent une grande ampleur à ce film, on s’attache à cette bande de bras cassés qui, abîmés par l’âge et la maladie, s’obstinent à reprendre les armes, à se relancer dans une dernière grande aventure (si vous l’avez vu, le film est aussi touchant que Space Cowboys de Clint Eastwood, un autre film de genre au casting atypique constitué uniquement d’acteurs âgés), d’autant plus périlleuse que tous ne survivront pas.

Qui dit "western-curry", pense aussi forcément à Sholay, le film-culte hindi de 1975 qui, même s’il n’est pas ici officiellement la référence de Santoshi (le film est dédié à Akira Kurosawa, le réalisateur des Sept Samouraïs, dont les Sept Mercenaires était déjà une transposition en western), l’a certainement inspiré, bien que China Gate ne l’égale pas tout à fait : comme le film de Ramesh Sippy, le film de Santoshi est en effet l’un des films hindis qui a le plus d’action, même si elle se concentre surtout dans son deuxième acte (un long climax de plus de dix minutes) et est moins variée (de nombreuses fusillades, des cascadeurs qui font de belles chutes à cheval, mais trop peu de courses-poursuites). Le film comporte également un méchant sadique et mégalomane incarné par un nouveau venu, Mukesh Tiwari : l’acteur, qui se spécialisera par la suite dans les rôles de méchants et de flics, surjoue un peu dans ses grandes tirades, son look hirsute ne suffit pas à lui donner la géniale démesure du mythique Gabbar Singh qu’interprétait Amjad Khan mais, comme lui, il sait nous convaincre de sa cruauté dans plusieurs scènes fortes, notamment le meurtre d’un enfant (une séquence qui, dans Sholay, était directement reprise d’Il Etait Une Fois Dans L’Ouest), un incident tragique qui persuade d’ailleurs le personnage de Kulbhushan Kharbanda de décerner à titre posthume sa décoration au courageux petit garçon, qui lançait des pierres au bandit, et de lui accorder un enterrement de soldat.

Cependant, China Gate a aussi quelques qualités du cinéma hindi contemporain que Sholay n’avait pas : il est plus fin à presque tous points de vue, à commencer par les comédiens principaux, il est plus court, moins masala, débarrassé des scènes de comédie surjouées et, chose rarissime dans les années 90, des passages chantés et dansés… à l’exception d’un seul : Chamma Chamma, une superbe chanson avec la non moins sublime Urmila Matondkar, l’un des très rares morceaux où le touchant Amrish Puri entame quelques pas de danse de toute sa carrière (comme il l’osait aussi dans une chanson de Dilwale Dulhania Le Jayenge) et, plus accessoirement, un titre qui sera remixé par Baz Luhrman dans son Moulin Rouge (et rebaptisé Hindi Sad Diamonds)… Si l’influence du grand Sholay est indéniablement présente, Santoshi a préféré s’éloigner considérablement de son mélange des genres pour se concentrer sur les conventions d’un film de genre "individuel", annonçant ainsi les films de genre hindis à l’américaine de la décennie suivante (les films de gangsters et d’épouvante de Ram Gopal Varma par exemple).

China Gate (il faut voir le film pour comprendre ce titre énigmatique) est ainsi un très bon film de genre patriotique doublé d’un poignant drame humain, de loin le meilleur film des années 90 de son réalisateur, qu’il n’égalera à peu près qu’avec Khakee six ans plus tard, un polar aux allures de film d’escorte, autrement dit un autre western adapté à un contexte indien, et à la distribution tout aussi excellente. Avec ces réussites relativement récentes, Santoshi, spécialiste en films d’action bollywoodiens, peut même être considéré comme l’un des derniers bons réalisateurs de westerns au niveau international, le genre ne donnant qu’assez peu de pépites depuis longtemps, et cela même à Hollywood, où il ne reste plus beaucoup de cinéastes qui lui restent fidèles avec talent.

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