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Hum Aapke Hain Koun… ! (1994)

Publié jeudi 4 juin 2009
Dernière modification mardi 3 mars 2015
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Par Jordan White

Rubrique Albums
◀ Dev. D
▶ Angadi Theru

Comme l’expliquait Madhurifan dans son article ciné consacré au film et comme nous le savons, la musique occupe une place prépondérante dans les films indiens. C’est aussi le cas bien sûr pour Hum Aapke Hain Koun dont elle constitue l’identité et une marque de fabrique en soi, une griffe personnelle telle qu’on la retrouvera dans les autres films de Barjatya. Petite note personnelle : il s’agit du premier DVD hindi que j’ai acheté (mais pas le premier que j’ai vu, cet insigne honneur revenant à Raja Hindustani en 1999) un jour de février 2005 et ce par le plus grand des hasards. Le DVD m’attendait au milieu d’autres galettes soldées. Il m’était dit qu’une rencontre devait alors lieu et ce fut le cas. Ce film et sa musique ont donc une valeur affective forte indépendamment des qualités de l’oeuvre en elle-même. Je referme la parenthèse. La durée indiquée dans la chronique concerne le minutage des vidéos YouTube.

La bande originale signée Ramlaxman apporte un vent de fraîcheur et constitue le coeur du film, la narration de ce dernier étant articulée autour de quatorze titres, dont la plupart sont devenus des classiques, et ce avant la sublime partition de Dilwale Dulhania Le Jayenge (1995) qui propulsera le film dans la modernité (il y a un avant et un après-1994). La musique de Hum Aapke Hain Koun est centrée sur l’utilisation d’une instrumentation classique voire traditionnelle (santoor, sitars, harmonium) à l’image même des films du réalisateur tout en empruntant la voie du rythme parfois binaire d’une boîte à rythme par moments syncopée (criante sur l’intro du titre Mausam Ka Jaadu). L’album joue aussi sur la reprise de certains thèmes musicaux. Ce même titre Mausam Ka Jaadu, et en particulier le passage entre 1 minute 27 secondes et 1 minute 45 secondes sera ensuite repris au tout début du menu du DVD Eros *. Quatorze titres c’est beaucoup, voire énorme, et il faudra attendre 2009 pour qu’une BOF fasse davantage, avec Dev. D et ses seize compositions originales (deux titres étant des instrumentaux).

Le film s’ouvre (à l’inverse du disque qui débute par Maye Ni Maye) par un monument de romantisme. Un morceau très simple, aux paroles qui ne le sont pas moins, intitulé Hum Aapke Hain Koun, titre éponyme, paroles qui permettent tout de suite de se mettre dans le bain, c’est-à-dire dans le ton un peu vaporeux, très doux, où le ventilo pour cheveux n’est jamais loin (et fait même son apparition dès les premières paroles chuchotées). Cette introduction avec une ouverture sur fond de générique indiquant Cinemascope et Eastmancolor accroche immédiatement l’attention du spectateur dans le sens où nous sommes au bout de dix secondes en présence des deux héros de l’histoire alors même qu’ils n’apparaîtront à l’écran ensemble qu’après un prologue d’une vingtaine de minutes. Le cinéma indien a d’ailleurs eu recours à des intros sous forme de flashback durant parfois une heure voire plus, avec de temps en temps des flashforwards. Une mise en bouche d’une rare efficacité qui permet aussi au film d’annoncer trois de ses grandes thématiques : la célébration de l’union familiale, l’amour et la musique comme vecteur de partage.

Deux voix, celle de SP Balasubrahmanyam puis celle de la légendraire Lata Mangeshkar, ouvrent donc le bal. Les tablas qui ont un accent de congas constituent la rythmique du morceau. Comme sur d’autres titres le violon occupe une place prépondérante. Ces violons un peu lancinants, toujours mélodramatiques qui sont la base des émotions distillées répètent souvent à l’unisson le triomphe de l’amour face aux épreuves, à l’adversité. Les choeurs angéliques que l’on entend régulièrement durant le couplet comme le refrain appuient encore cette idée d’angélisme et surtout d’absolu amoureux : se trouver, s’aimer et vivre ensemble. La ligne de basse elle, discrète, apporte une texture supplémentaire tandis que les notes finales du morceau visent à ancrer la chanson dans une forme d’éternité. Porté par Lata Mangeshkar au niveau de la voix féminine, ce morceau est entré dans la légende.

Pas véritablement un morceau de bravoure en soi, puisque ne comportant ni pyrotechnie technique ni dispositif de mise en scène ayant nécessité de gros moyens, la chanson d’ouverture est un titre un peu à part sur cette BOF. Pour sa courte durée au regard des autres titres dont la moyenne tourne aux alentours des cinq minutes bien remplies, elle ouvre cependant le bal d’un festival de chants, de rythmes, de paroles et de dialogues qui sont restés dans l’inconscient collectif comme une valeur sûre de la musique populaire. L’instrumentation classique rythmique du disque (dhols, tablas) met à l’honneur l’essence de la musique indienne et de la mythologie. A ce sujet reportez-vous à l’excellent article de Madhurifan pour en connaître les tenants et aboutissants. On trouve très peu de chansons composées avec des synthés, des boîtes à rythme. Cela correspond aussi à l’époque, l’électronique n’étant alors pas aussi développée qu’elle a pu l’être les années suivantes, avec un son plus froid, plus métallique. Néanmoins, des bribes de beats sont reconnnaissables entre mille : l’exemple le plus frappant étant celui de Mujhse Juda Hokar, avec le passage final à partir de 5 minutes 28 s, passage qui a terriblement vieilli. Mais qu’à cela ne tienne.

Didi Tera Devar Deewana quant à elle alterne virtuosité technique et plaisir de la scénographie travaillée. On se retrouve devant une composition très théâtrale utilisant toute la largeur du Scope. C’est le morceau le plus long du disque ( 8 minutes 05 secondes, il faudra attendre Mohabbatein et son Soni Soni de 9 minutes pour retrouver un tel format), illustré à l’écran par une série de mouvements d’appareil soigneusement réglés. Tout commence par un air de santoor (instrument qui est superbement utilisé sur l’ensemble de la BOF) et quelques claps de mains entamés de concert, avec une Madhuri de dos, puis une précipitation soudaine du tempo basée sur l’utilisation d’une boîte à rythme reproduit un son de caisse claire typique des années 90. Nous voilà plongés derechef dans l’ambiance festive ! Dieu ("Hey Ram !"), la fantaisie des couleurs à laquelle s’ajoutent les ruptures constantes de rythme (le petit pont accompagné de violons, toujours eux, et d’un riff de guitare endiablé à 1 min 28 s). Pour l’essentiel le morceau combine instrumentation classique avec le dhol et l’arrivée -comme ce sera le cas pour pas mal de BOF de l’époque avec un son plus froid - des boîtes à rythme permettant de reproduire une multitude de sons et d’effets sans avoir à jongler avec des orchestrations lourdes. Le titre Didi Tera Devar Deewana contient deux ponts successifs qui aboutissent ensuite à une reprise de la mélodie principale, reprise scandée par Lata Mangeshkar (3 min 18 s à 4 min 5 s). Le chant de Lata en solo dure quasiment 5 min 51 s jusqu’à ce que la voix de SP Balasubrahmanyam n’entame un dernier pont, celui qui amène au final à grand renfort de basses et de violons.

Techniquement il s’agit du morceau le plus abouti du film. Les mouvements de caméra sont amples, axés sur des travellings latéraux légers, et aussi le fameux travelling circulaire, que l’on retrouve dans de nombreux films (La Famille Indienne durant Say Shava Shava, dans Salaam-E-Ishq durant la chanson éponyme), qui tourne durant quelques secondes autour des personnages avant de revenir définitivement sur son axe. On le voit très nettement à partir de 7 min 10 s et jusqu’à 7 minutes 25 s. La chorégraphie de cette séquence musicale nous permet aussi d’admirer la profondeur de champ et l’importance du bord du cadre à droite et à gauche du format Cinemascope et ce alors même que, comme vous l’expliquait Madhurifan, le film a un visuel parfois proche du soap avec ses plans moyens. Cette chorégraphie épouse les variations de rythme de la musique : la drôlerie, l’irrésistible et gracieuse gestuelle de Madhuri Dixit, le mimétisme de Didi, grimée ici en garçon et en costume deux-pièces, reprenant même la raie sur le côté de Salman, l’arrière-plan étant systématiquement en mouvement de par la place des danseuses. A titre d’exemple, les pas sont plus nombreux à 4 min 59 s quand Madhuri se met pendant quelques instants à entamer une danse qui rappelle celle de Koyla. C’est surtout l’occasion de revoir Salman Khan déguisé en fille, légèrement maquillé, qui au final s’en amuse. Impensable aujourd’hui.

Autre formidable morceau de comédie chorégraphiée, la chanson Joote Dedo Paise Lo. Un fulgurant roulement de caisse claire, quelques claps de mains pour appuyer la base rythmique du morceau avec les tablas et une nouvelle fois la boîte à rythme accompagnée de quelques notes de trompettes suffisent. Voilà qui annonce une ambiance de fête débridée. Lata Mangeshkar, de quasiment tous les morceaux, met du coeur à l’ouvrage. Comme pour la chanson Didi Tera Devar Deewana, le morceau Joote Dedo Paise Lo donne le sentiment d’un spectacle assuré, pas forcément ultra-spectaculaire en terme de complexité de mise en scène, les mouvements d’appareil étant assez simples mais toujours très fluides (mouvements de grue, travellings circulaires, arrières, ou latéraux), mais constamment animé par une musique, sa musique, une musique qui semble ne jamais s’arrêter et, quand cela semble être le cas (4 min 33 s), elle repart de plus belle dans une orchestration mêlant tambours, flûte, triangle, boîtes à rythme et autres trompettes, pour traiter du comique de situation qui va si bien au film tout entier. Le morceau se permet une respiration quasiment dévotionnelle quelques secondes plus tard avant une nouvelle fois de reprendre la mélodie originale. Il n’est pas étonnant que le public n’ait pas résisté à un tel appel à la fête, au sacre de la musique et de ses vertus euphorisantes. Tout le monde s’y retrouvait.

Morceau très traditionnel, Wah Wah Ramji, soulignant l’union de deux êtres faits pour s’aimer (en tout cas selon leur entourage) commence dès les premières notes par l’une des rares touches d’électro du disque. Le couplet de Wah Wah Ramji, devenu légendaire, a été repris lors de l’introduction de la chanson Bole Chudiyan dans La Famille Indienne, lorsque Hrithik Roshan présente ses voeux à Kareena Kapoor tout en lui demandant ce qu’elle ressent pour lui. Le morceau est construit sur le rythme posé des dhols ainsi que des violons (lancinants ou débridés). Pour appuyer la note religieuse de la chanson et son aspect dévotionnel (foi en Dieu, en sa promise), on entend un magnifique son de cloche de temple à 3 min 08 s. La chanson culmine sur le plan de l’émotion et de la construction par l’arrivée du sitar mêlé aux choeurs masculins et féminins apportant une touche divine à cette jolie mélodie (qui ne manquait pas de liant spirituel).

Pehla Pehla Pyaar a aussi marqué son époque et continue d’être régulièrement citée comme une chanson romantique de référence, comme le sera plus tard Tujhe Dekha To de Dilwale Dulhania Le Jayenge ou encore comme l’était Ude Jab Jab Zulfein Teri de Naya Daur. On y retrouve les quelques notes de santoor d’ouverture, l’innocence, la douceur du regard de Madhuri Dixit, mais aussi ces fameux violons qui scandent l’amour accompagnés par les choeurs féminins. Morceau à la composition savante dans son efficacité même, au rythme un peu moins soutenu qu’Hum Aapke Hain Koun, Pehla Pehla Pyaar reprend l’idée d’une mélodie empruntée à un autre morceau qui vient jouer de ses gammes au cours d’une autre chanson. On l’entendra également dans le film Kuch Kuch Hota Hai avec la reprise du thème principal durant la chanson Ladki Baadi Anjani Hai. Curieusement, ou peut-être plus logiquement, c’est cette chorégaphie estampillée années 90, avec un goût prononcé de fin 80’s qui a le plus vieillie et le plus mal. Le polo de Salman, les éclairages, le décor. L’émotion sans être musicalement frelatée (c’est plutôt joli) ne transparaît pas vraiment tant cela semble contrôlé et ne pas laisser place à une part d’improvisation qui aurait pu être savoureuse. On se croirait par moments dans l’esthétique vieillotte de 1942-A Love Story.

Deux morceaux romantiques se distinguent sur la BOF du film et ont également marqué les esprits. Le premier est Maye Ni Maye, toujours interprété par Lata Mangheskar à la construction dramatique très maîtrisée (violon et rythmique à base de dhols).

Le deuxième étant Mujhse Juda Hokar et son fameux refrain avec le lancinant Saathiya chanté par le personnage de Salman Khan. On imagine les pleurs des spectateurs dans les salles et même maintenant en DVD. Le sacrifice dans l’amour, voire l’ascèse, comme ce sera plus tard le cas avec le personnage d’Isha Koppikar dans Ek Vivaah Aisa Bhi, est à l’oeuvre dans tous les films de Barjatya qui aime ce thème de l’amour surmontant toutes les épreuves.

Ne faites pas l’impasse sur les chansons Chocolate Lime Juice ou Diktana (dont la deuxième version avoisine elle aussi les huit minutes et permet d’entendre Udit Narayan au chant), qui sont nettement inférieures en terme de qualité de production mais s’écoutent néanmoins sans déplaisir.

La BOF d’Hum Aapke Hain Koun est donc un classique. Le CD original en stéréo est resté célèbre pour sa très vilaine couverture jaune tournesol montrant Salman et Madhuri l’un à côté de l’autre tout sourire aux lèvres, garanti 100 % d’époque. Bien sûr, quinze ans après on peut y déceler un certain charme rétro, ce charme vaporeux dont on vous parlait plus haut. On peut reprocher des choses à Barjatya, notamment son petit penchant pour les scènes à la limite du lacrymal. En revanche niveau musique, à chaque fois il a su s’entourer de musiciens dévoués et auteurs de mélodies inaltérables. La question, c’est : et vous, qu’est-ce que vous gardez de ce film et de cette musique ?

* Le DVD Eros est aujourd’hui le seul DVD à proposer la version intégrale du film, d’une durée de 206 minutes (générique de fin inclus). Il propose outre des sous-titres anglais, des sous-titres français. Attention, il y a un décalage vers la fin du film, ces derniers apparaissant une seconde et demie (environ) après les dialogues, ce qui crée un décalage assez désagréable. Une version DEi est sortie de même qu’une autre chez B4U movie ainsi qu’un autre chez Ultra (qui a pour habitude de ne pas proposer de 16/9). Le DVD DEi propose la meilleure image mais le film n’est pas proposé en intégralité. La version double disque collector d’Eros est donc un vrai collector. Le deuxième disque propose des bonus, dont le karaoké des chansons, la cérémonie des Filmfare Awards de 1995 et un making-of. Le film est proposé au format 2.35:1 16/9 (on peut passer en mode 4/3 pour constater que le format d’origine est bel et bien encodé en 16/9). L’image est entachée de drops et autres griffures, poussières de négatif. Le master n’est pas de première jeunesse, la compression se faisant ressentir assez régulièrement. Il est cependant regrettable au regard du tournage en Cinémascope 2.55:1 que l’image se voit rognée sur les côtés du cadre, le format du Cinémascope étant plus large par définition que le Scope classique en 2.35. Le son proposé sur une unique piste hindi est en Dolby Digital 5.1.


Année : 1994

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