Mohabbatein
Traduction : Histoires d'amour
Langue | Hindi |
Genre | Mélodrame / Romance |
Dir. Photo | Manmohan Singh |
Acteurs | Aishwarya Rai Bachchan, Anupam Kher, Amrish Puri, Jimmy Shergill, Shefali Shah, Uday Chopra, Helen, Jugal Hansraj, Archana Puran Singh, Shamita Shetty, Preeti Jhangiani, Kim Sharma |
Dir. Musical | Jatin-Lalit |
Parolier | Anand Bakshi |
Chanteurs | Lata Mangeshkar, Udit Narayan, Shah Rukh Khan, Jaspinder Narula, Shweta Pandit, Sonali Bhatawdekar, Pritha Mazumdar, Udhbav, Manohar Shetty, Ishaan |
Producteur | Yash Chopra |
Durée | 215 mn |
Mohabbatein a suscité les avis tranchés de deux de nos rédacteurs fin décembre 2003. Les voici.
L’avis de Ganesh (5/10) :
Énorme succès populaire en Inde, ce film d’Aditya Chopra, l’auteur du bon Dilwale Dulhania Le Jayenge est précédé de critiques plutôt flatteuses. Il dispose au casting de deux monstres du cinéma indien plus d’une ex-miss Monde et, surtout, possède l’une des meilleures bandes originales sorties ces dernières années de l’usine à rêve de Mumbai. C’est donc avec fort empressement que j’achetais le DVD du film et le visionnais immédiatement. Quelque 3 h 30 plus tard, c’est une énorme déception qui fit place à la curiosité de départ.
Trois jeunes étudiants arrivent à Gurukul, l’un des plus prestigieux centres d’enseignement pour garçons de l’Inde, pour terminer leurs études supérieures. Ils tombent chacun amoureux d’une jeune fille, mais sont dans l’impossibilité de lui faire la cour à l’extérieur à cause de l’attitude bornée du principal, Narayan Shankar (Amitabh Bachchan), qui leur interdit de sortir. Narayan est intraitable avec ses étudiants depuis que sa fille Megha (Aishwarya Rai), tombée amoureuse d’un élève quelques années plus tôt, s’est suicidée à la suite du refus de son père d’accepter cette relation et du renvoi de l’élève en question. Un jour, débarque un jeune professeur de musique, Raj Aryan (Shahrukh Khan), qui va complètement chambouler la vie de l’école et tenir tête au principal.
Le film est visiblement inspiré de l’américain Le cercle des poètes disparus puisqu’il utilise le même environnement et la même idée, en l’occurrence un professeur aux méthodes d’enseignement peu orthodoxes. Le réalisateur ajoute à cette base des histoires d’amour indispensables pour le public indien. Et ce film fait vraiment la part belle aux relations amoureuses, puisqu’on n’a pas droit à une, mais à cinq amourettes qui ont la particularité d’être traitées sur un ton différent : comique (couple Anupam Kher et sa copine) ou dramatique (Shahrukh Khan et Aishwarya Rai) en passant par le classique « ils se détestent au début puis s’aiment à la fin » (Uday Chopra et Shamita Shetty).
Toutes ces amourettes sont contrariées par un seul homme, l’autoritaire et l’inflexible Amitabh Bachchan. Heureusement pour les jeunes hommes, Shahrukh est là ! Il va les aider à tromper la vigilance du principal, à draguer les filles en leur donnant des conseils et à changer les règles de l’établissement. C’est ainsi que se déroule la première partie du film, où Shahrukh passe plus de temps à parler d’amour que de musique et où les garçons font plutôt la cour aux filles en évitant de se faire pincer par le principal qu’étudier. Cette partie est plate et ennuyeuse. On est sauvé de l’endormissement par les passages chantés et dansés, tandis que les brèves apparitions d’Aishwarya Rai maintiennent un semblant de suspens et d’intérêt.
Et, comme on pouvait s’y attendre, les jeunes et leur professeur finissent par se faire surprendre par le principal. À la suite de cette scène, Shahrukh dévoile sa véritable identité (qu’on devine assez facilement).
La deuxième partie commence par un flashback nous expliquant la mort d’Aishwarya Rai (et mon intérêt pour le film s’évanouit complètement avec le suicide) et se poursuit par la confrontation entre les personnages de Shahrukh Khan et d’Amitabh Bachchan, tandis que les garçons reprennent leur drague et continuent à enfreindre les lois de l’école. Cette deuxième partie est tout aussi ennuyeuse que la première, avec en prime des dialogues naïfs frisant parfois le ridicule et certaines scènes niaises à souhait.
Vous l’avez compris, c’est l’affrontement entre deux générations aux conceptions diamétralement opposées de la vie qui est mis en avant. L’une des générations est représentée par Shahrukh Khan, qui croit en la puissance de l’amour, et l’autre par Amitabh Bachchan, qui croit en l’honneur et en la tradition. L’enjeu est le contrôle des élèves de l’université. Bien sûr, c’est la vieille génération que le réalisateur critique pour son côté interventionniste (notamment dans les affaires de cœur) et sa rigidité. Mais, cette fois-ci, les arguments proposés ne sont guère convaincants et sont même contradictoires parfois.
De plus, le film n’est pas vraiment aidé par les différentes histoires d’amour ultra prévisibles qui ne font qu’en rallonger inutilement la durée (une seule aurait suffi) et par les interprétations très moyennes des différents acteurs, à commencer par Shahrukh Khan (on ne croit pas un seul instant qu’il est prof de musique). Seul Amitabh Bachchan est impérial dans son rôle de proviseur autoritaire.
Heureusement, du côté du spectacle, le film vaut largement le détour : décors, costumes et actrices sont superbes. Pour ce qui est de la mise en scène, on retrouve les mêmes couleurs, les mêmes chorégraphies sublimes que dans Kabhi Khushi Kabhie Gham. La bande originale du film est exceptionnelle, de Chalte Chalte à Soni Soni et surtout Hum Ko Hami Se Churalo. Toutes les chansons, sans exception, sont très entraînantes et très agréables à regarder.
Au final, Mohabbatein est un concentré de bons sentiments « gnan-gnan » qui devrait plaire aux fans de comédies romantico-dramatiques, mais qui risque de lasser les autres. On retiendra les passages chantés et dansés, un vrai délice pour les yeux et les oreilles.
L’avis de Maya (8/10) :
Vicky (Uday Chopra), Sameer (Jugal Hansraj) et Karan (Jimmy Shergill) viennent faire leurs études supérieures à Gurukul, établissement très réputé mené d’une main de fer depuis 25 ans par Narayan Shankar (Amitabh Bachchan). Dès la première assemblée sous les hautes voûtes, devant le blason de l’Ecole - Honneur, Discipline, Tradition -, le Directeur les prévient : ils doivent se consacrer à leurs études et oublier le monde extérieur, sous peine d’être renvoyés. Ils n’en mènent pas large, tous ces jeunes gens en uniforme à l’anglaise. Mais ils sont décidés à jouer le jeu. Jusqu’au jour où chacun de nos trois étudiants croise la femme de ses rêves : leur faudra-t-il sacrifier leurs histoires d’amour (Mohabbatein) pour rester à Gurukul ?
Arrivent Raj Aryan (Shahrukh Khan), son violon, ses méthodes d’enseignement originales et ses pulls pastel. Tout cela tranche étrangement sur l’austère tradition de Gurukul. Malgré les réticences de Narayan Shankar, Raj Aryan s’impose. Il puise sa force dans l’histoire d’amour qui le lie à Megha (Aishwariya Rai), ravissante jeune fille qu’il est le seul à voir : Megha n’est plus de ce monde. Raj Aryan est venu à Gurukul dans un but précis : prouver à N. Shankar que l’amour n’est pas incompatible avec l’honneur, la discipline, la tradition. Que l’amour est plus fort que la peur. Que l’amour est la source de la vie, même à Gurukul. Raj Aryan ne se contente pas du discours, il s’appuie sur Vicky, Sameer et Karan, il les aide à faire grandir et vivre leurs histoires d’amour, n’hésitant pas pour cela à affronter le regard glacial de l’implacable Shankar.
Mohabbatein est un beau film. Les décors sont splendides, la mise en scène irréprochable, la musique de Jatin-Lalit sert très bien les émotions contradictoires qui se développent, à la fois amour infini et lutte sans merci. Les scènes dansées sont superbes : chorégraphies, costumes, couleurs, mouvements de caméra, contribuent à en faire une plus-value indéniable. En revanche, on pourra reprocher à Mohabbatein une certaine lourdeur, suivre trois histoires d’amour en parallèle en les traitant à part égale, implique quelques lenteurs et redondances. On a un peu de mal à s’intéresser vraiment à ces trois jeunes couples, plus symboliques qu’attachants (on est loin de la galerie de portraits de Kal Ho Naa Ho).
Au delà de ces aspects, Mohabbatein est un film intéressant à plus d’un titre. Rien n’y est gratuit, tout sert un double message central : l’amour et la tradition. Ce n’est pas un hasard si le film est sorti en l’an 2000. Il s’interroge sur les rapports entre tradition et modernité, sur l’évolution de la relation amoureuse dans cette époque mouvante. Chacun des trois jeunes couples représente une des façons de vivre cette relation, illustrées notamment dans la scène "Rhythms of Mohabattein" où chaque couple danse sa vision de l’amour. Le premier se veut moderne et libéré des contraintes, mais à la fin de la danse Vicky voile pudiquement Ishika (Shamita Shetty). Sanjana (Kim Sharma) vit comme une Occidentale, livrée à elle-même, elle y perd symboliquement sa dignité avant d’être ’"sauvée" par Sameer son ami d’enfance, renouant avec la tradition (Bollywood du moins) qui puise l’amour dans l’amitié. Kiran (Pretty Jhangiani) est la plus traditionnelle, elle ne danse qu’en sari ; veuve, elle ne rejoint Karan que lorsque son beau-père lui en donne l’accord. Dans ces trois histoires, la tradition est finalement "gagnante". Cela vient adoucir l’affrontement plus violent dont l’enjeu est le contrôle de l’Ecole et donc de l’avenir, qui se joue entre Narayan Shankar et Raj Aryan Malhotra.
Une lecture originale du film nous est apportée par la rédactrice Angel-Mumtaz : il y a dans Mohabbatein la confrontation entre le Brahmane (caste la plus élevée, garante de la tradition) Narayan Shankar et le Kshatriya (caste des guerriers) Raj (roi) qui le bouscule et met ses privilèges en péril. On peut voir aussi en filigrane une confrontation entre Narayan à tendance Vishnou (Narayan est un des noms de Vishnou) qui veut que rien ne change et Raj à tendance Shiva : on peut faire le parallèle entre Raj et Nataraj (roi de la danse), la forme de Shiva qui danse pour détruire et recréer sans cesse les mondes au rythme de son tambour. Dans la chanson "Soni Soni", Raj prend le tambour d’un air résolu et guerrier pour défier Narayan… Raj veut changer les choses avec sa musique. Il vient mettre fin au monde défini par Narayan pour en recréer un autre. Toute fin du monde demande des sacrifices (la belle Megha), qui servent à recréer un monde sur des meilleures bases… Bien sûr tout cela est passé par le prisme Bollywood.