Jusqu’à mon dernier Souffle : retours sur l’avant-première au Gaumont Parnasse
Publié lundi 10 décembre 2012
Dernière modification lundi 26 octobre 2015
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Notre envoyé spécial, Mel, qui avait assisté à la projection presse de Jusqu’à mon dernier souffle avait eu la primeur du film posthume de Yash Chopra dont il avait fait la chronique.
C’est au tour des autres membres de l’équipe de Fantastikindia de vous livrer leurs impressions sur la soirée de l’avant-première au Gaumont Parnasse, ainsi que sur le film.
Commençons par Didi :
Le 15 novembre, jour où j’allais découvrir enfin la dernière œuvre du regretté Yash Chopra, mon impatience était à son comble. Le destin semblait vouloir contrarier mes plans, car c’est au bout de deux heures de galère dans le RER B que j’arrivais enfin au Gaumont Parnasse. En voyant l’immensité et le luxe relatif de ce cinéma, sixième de France en terme d’exploitation — m’avait dit Señorita —, je n’ai pu m’empêcher de mesurer le chemin parcouru par l’exploitation des films indiens dans les salles françaises grâce au distributeur Aanna Films. Je repensais aux conditions minables dans lesquelles j’avais pu voir Dostana ou Rab ne bana di jodi, là-bas, au cinéma de Pantin, dans cette salle sans chauffage aux fauteuils déglingués et à l’écran déchiré. Je me remémorais les sous-titres risibles de ces films qui faisaient dire, entre autres, à Raj/Shah Rukh Khan « tu partiras avec la queue entre les jambes » quand il parlait à son double Surinder. Les temps et les choses ont changé et c’est tant mieux pour l’amateur de cinéma indien.
Dans l’équipe Fantastikindia, préposée à l’accueil des spectateurs de cette avant-première, je devais « gérer la salle » avec Gandhi Tata, fonction qui consistait surtout à veiller à laisser libres les sièges réservés aux VIP (invités du distributeurs, membres du corps diplomatiques et autres) et grâce à laquelle j’ai gagné quelques inimitiés…
Lili et Señorita, quant à elles, assuraient l’accueil pooja des spectateurs. Magnifiquement habillées, l’une avec un sari noir, l’autre avec un lengha bleu et orange, elles ont eu beaucoup de succès, même si les gens préféraient se prendre en photo avec elles que de recevoir le tikka de bienvenue…
Après la présentation du film faite par Gandhi Tata et le discours du distributeur qui comparait les amateurs de films indiens en France à des spectateurs militants, je découvrais enfin l’inimitable jingle de YRF. L’émotion grandissait quand la musique sublime de A. R. Rahman retentissait enfin à travers les hauts-parleurs HD de la salle. Soudain, Shah Rukh Khan apparaissait et on en avait plein la vue et les oreilles. Quel plaisir !
2H55 plus tard, alors que le générique de fin montrait, en forme d’hommage, les images de feu Yash Chopra sur le tournage, le bilan de mes impressions sur Jusqu’à mon dernier souffle était globalement positif. Même s’il manque au film, le souffle épique qui habitait Veer-Zaara, l’histoire de Jusqu’à mon dernier souffle, placée également dans la tradition romanesque des amants séparés cruellement par le destin, était émouvante et les personnages attachants. En particulier grâce au sens du détail si caractéristique du style du maître de la romance et formidable conteur qu’était Yash Chopra.
Il est vrai qu’en voyant Shah Rukh Khan jouer les amoureux transis de 28 ans, on se dit qu’il n’a plus l’âge de l’emploi en dépit de son enthousiasme, mais pourquoi bouder son plaisir alors qu’il le fait bien et que c’est peut-être la dernière fois que l’on peut le voir dans ce type de rôle. Certes, on aurait aimé que l’écriture du personnage de Meera, joué par Katrina Kaif, soit un peu plus creusée de façon à mieux comprendre ses choix dictés par sa foi et sa pratique religieuse, si cruciaux pour le dénouement de l’histoire. La fin aussi aurait pu être un peu raccourcie et les rebondissements abrégés. Cela est somme toute peu de chose face au plaisir de voir, dans de bonnes conditions, un film hindi, classique dans sa facture, mais au style rafraîchi et à la modernité sincère (sans bling-bling ni boum-boum), avec une saveur typiquement indienne malgré une localisation, en partie, britannique.
Qu’il était agréable de revoir une ballade romantique, aux codes renouvelés, comme on a perdu l’habitude d’en voir dans les productions de Bombay de ces dernières années, lesquelles sacrifient généralement les séquences chantées pour se rapprocher des standards internationaux de durée et de facture cinématographiques.
Pour finir je dirai que Jusqu’à mon dernier souffle est d’autant plus attachant que l’on peut percevoir, presque à chaque plan, le lien d’affection qui unit le réalisateur à ses acteurs, lesquels sont allés parfois au-delà de leurs limites pour lui faire plaisir — je pense en cela aux progrès en danse accomplis par Katrina Kaif ou à Shah Rukh Khan qui, pour Yashji, a "oublié" la première clause de son contrat, à savoir, ne pas embrasser sa partenaire à l’écran. Jusqu’à mon dernier souffle est comme un être cher, dont on connaît les défauts, mais à qui on pardonne bien volontiers car on ne sait si on le reverra un jour…
Au tour de Swiss-Bolly :
Après avoir raté la projection de presse en raison d’un impératif professionnel, (oh rage, oh désespoir), je me suis rattrapé avec l’avant-première très attendu de Jusqu’à mon dernier souffle au Gaumont Parnasse. Tout d’abord quel plaisir de voir un film bollywood dans des conditions normales, une belle salle, des sous-titres professionnels, une expérience que j’aimerai pouvoir vivre plus souvent. Et pas pour n’importe quel film, le dernier film du regretté Yash Chopra. La salle est pleine, mon bol de pop-corn également, je suis fin prêt à rire, à pleurer, et pourquoi pas à chanter….
Trois heures plus tard, fin de la romance, la lumière m’éblouit, il est temps de redescendre de la planète bollywood pour condenser en quelques lignes mes impressions plutôt positives malgré quelques défauts de ce très beau spectacle.
On retrouve dans Jusqu’à mon dernier souffle tout le savoir faire de Yash Chopra, tout le talent et l’amour de l’homme de cinéma qu’il était. Et si parfois le film manque d’émotion, que l’on aurait aimé vibrer un peu plus pour l’histoire de Samar, les nombreuses qualités du long-métrage emportent l’adhésion. Tout d’abord il faut reconnaître le charisme de Shahrukh Khan, qui une fois de plus vampirise l’écran. En vieillissant il donne une véritable épaisseur à ses personnages et fait preuve de plus de retenue, remplaçant les excès de son jeu par une justesse et une puissance impressionnante. En face Katrina Kaif souffle le chaud et le froid, pas toujours aidée par son personnage un peu caricatural et qui aurait mérité plus de finesse dans son traitement afin de nous aider à mieux comprendre ses choix… elle est parfois un peu lisse mais dans certaines scènes elle est sublime.
Mais la révélation, le personnage le plus intéressant du film, est celui joué par Anushka Sharma, vraie bouffée d’énergie, petite Kajol en devenir, jeune journaliste toute étonnée de se retrouver confrontée à une histoire d’un autre temps, à cet amour du passé qui vient balayer sa vie insouciante de femme moderne.
Les images sont belles, les chorégraphies et les musiques d’A.R. Rahman réussies sans être non plus inoubliables. Cependant pour le public occidental, il est parfois difficile de comprendre les choix des personnages : accepter de souffrir et faire souffrir l’être aimé pour une promesse faite à dieu, cela peut paraître par moment excessif, car la religion est la quatrième personne de cette romance, et le rapport à la foi, dans Jusqu’à mon dernier souffle peut s’avérer destructeur.
En résumé Jusqu’à mon dernier souffle est un film d’hier empreint de modernité, du souffle d’une jeunesse d’aujourd’hui, qui vient soigner les blessures du monde d’antan. Et si le cinéma de Yash Chopra m’a souvent moins touché que celui d’Aditya Chopra, son fils, il s’en dégage de belles émotions ! Ce grand film à l’ancienne qui confronte un amour d’hier au monde d’aujourd’hui, nous offre une magnifique histoire d’amour, il serait dommage de s’en priver.
Merci au distributeur pour cette belle projection…
Terminons avec Gandhi Tata :
Jusqu’à mon dernier souffle (JMDS) est un titre poétique mais aussi, tristement prémonitoire, puisque son réalisateur, Yash Chopra, s’est éteint à 3 semaines de la sortie du film, le 21 octobre 2012, à l’âge de 80 ans. Quelques temps avant sa disparition, il avait annoncé, au cours d’une interview, qu’il s’agirait de son dernier film, mais il n’aurait pas imaginé, à ce moment, que Jab Tak Hai Jaan serait le dernier chapitre de sa carrière, mais également d’une vie vouée au cinéma et à la romance.
Jusqu’à son dernier souffle, Yash Chopra aura consacré sa vie à sa passion et à célébrer l’amour, sous toutes ses coutures. Il l’a fait une ultime fois dans Jusqu’à mon dernier souffle. Cette soirée d’avant-première, du 15 novembre 2012, fut l’occasion de lui rendre un dernier hommage, en compagnie d’amoureux du cinéma indien, pour une vibrante communion !
Les conditions de projection étaient parfaites, avec une ambiance bon enfant en salle, un public exalté, souriant et impatient de découvrir l’ultime présent du roi de la romance à son Bollywood. Durant la séance, on a pu entendre des rires, applaudissements et réactions en tout genre, qui attestaient de l’intérêt des spectateurs pour Jusqu’à mon dernier souffle.
À l’issue de la séance et d’un générique de fin émouvant, l’ovation spontanée des cinéphiles sonnait comme une salve d’honneur, pour un cinéaste magique, qui emporte avec lui tout un pan d’un Bollywood romantique, qu’on ne reverra pas avant bien longtemps.
Qu’en est-il à présent, de cette œuvre orpheline, qui semble avoir remporté, d’avance, tous les suffrages ? Plébiscite sentimental ou justifié ?
Jusqu’à mon dernier souffle n’est certainement pas le meilleur film de Yash Chopra, mais assurément le plus beau. Le fils du défunt cinéaste, Aditya Chopra, s’est chargé de l’écriture, mais ce dernier semble avoir définitivement perdu la main et la magie de Dilwale Dulhania Le Jayenge. Ainsi, la victoire de l’esthète (Yash Chopra) ne peut pas effacer la faillite du romantique (Aditya Chopra). Les personnages sont complexes et torturés, ce qui peut contribuer à les ancrer dans la réalité, mais leur évolution, tout au long du film, est totalement absurde.
Le scénariste (Aditya Chopra) semble s’être trompé d’ère avec ses protagonistes, car leurs choix, aussi déconcertants qu’aberrants, ne reflètent nullement l’état d’esprit d’individus évoluant à notre époque. Samar (Shah Rukh Khan) et Meera (Katrina Kaif) auraient parfaitement eu leur place dans un univers romanesque, mais, ici, il y a un décalage entre leur morale, d’un autre temps, et leurs habitudes contemporaines. Ce qui fonctionnait avec Veer-Zaara ne parvient pas à être reproduit dans Jusqu’à mon dernier souffle, car la touche émotionnelle y est factice. Il y avait de l’empathie en nous, face au choix de Veer, et des frissons, lorsque les amoureux sont réunis, après des décennies de séparation. Dans Jusqu’à mon dernier souffle, une décision arrive comme un cheveu sur la soupe et la réaction laisse totalement pantois. La foi est au centre du récit et Dieu se révèle être le quatrième personnage de ce drame sentimental péniblement confus. L’idée de confronter la ferveur religieuse à la passion amoureuse est intéressante, au départ, mais l’histoire piétine pour faire évoluer les personnages et cela finit par peser sur le spectateur.
La lenteur est l’autre problème de Jusqu’à mon dernier souffle. En effet, Yash et Aditya Chopra ne parviennent jamais à imprimer un rythme de croisière au film. Le découpage est clair, mais le traitement de chacune des parties semble improvisé. Les différents épisodes de Jusqu’à mon dernier souffle, défilent sur un faux rythme, sans aucune cohérence. La preuve de ce défaut est le placement approximatif et abusif des clips musicaux, qui se succèdent trop rapidement, avant l’entracte. Il est regrettable d’avoir sacrifié d’aussi belles compositions, à cause d’un scénario inégal. Les erreurs, commises au départ, se payent cher durant une seconde partie, qui est indigeste (très peu de chansons). Même si l’intention est louable et qu’on avance dans Jusqu’à mon dernier souffle, sans jamais pouvoir en deviner la fin, la succession des scènes finales se résume à une partie de roulette russe. On sent la fin, on croit la deviner, on l’espère, mais au final, elle nous achève, après nous avoir bien épuisés.
Si l’écriture de Jusqu’à mon dernier souffle est calamiteuse, la direction d’acteur est, en revanche, excellente. Yash Chopra fait parler son expérience, en donnant à Shah Rukh Khan, l’un des rôles les plus complexes de sa carrière, de part les phases émotionnelles et les années que son personnage traverse. Katrina Kaif est magnifique, dans un personnage alambiqué et tiraillé de l’intérieur. Sa performance à la danse est impeccable et il y a un travail conséquent, au niveau de ses expressions, malgré un faciès lisse qui la dessert énormément. Enfin, Anushka Sharma fait du Anushka Sharma et, pour cette fois, sa présence est salvatrice. Elle est vivace, espiègle et taquine, comme dans ses derniers films, et apporte une touche de légèreté, bienvenue, dans une intrigue au final, assez grave.
La musique et la photo, sont les points forts de Jusqu’à mon dernier souffle. La bande originale, signée A.R.Rahman, a le mérite d’être à la fois, au service du scénario et terriblement efficace. L’éclectisme, est la grande qualité de cet album, aux influences, pop et penjabi. Les images d’Anil Mehta sont exceptionnelles au cinéma ! Ce directeur photo, qui nous avait régalés par le passé, avec des spectacles visuels comme Lagaan, Saathiya ou Veer-Zaara, nous émerveille ici, en mettant tout son talent, au service d’un artiste comme Yash Chopra. Si Jusqu’à mon dernier souffle est l’ultime tableau du maitre, la caméra d’Anil Metha, en est le pinceau, avec sa créativité pour palette. Tout simplement mémorable !
En dépit de ses situations cousues de fil blanc, Jusqu’à mon dernier souffle reste une expérience cinématographique fort agréable, pour ses performances d’acteur, sa musique, sa remarquable photographie. A défaut d’être une claque émotionnelle, Jusqu’à mon dernier souffle, vous en mettra plein les yeux et les oreilles.
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