Mes premières chansons
Publié vendredi 27 décembre 2013
Dernière modification dimanche 5 juillet 2015
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Biberonné au cinéma occidental, essentiellement américain, rien ne me destinait à ces films étranges et si lointains. Car Bollywood est terriblement dénigré sous nos climats. Ce devrait être une industrie kitch, sirupeuse, faite de bons sentiments gluants et d’images colorées à en faire mal aux yeux. Pour tout dire, quelque chose de terriblement vulgaire. Et j’ai de l’éducation, moi, n’est-ce pas ? Et pourtant, un soir, vers 22h30 …
Titre : Nimbooda
Année : 1999
Chanteurs : Kavita Krishnamurthy et Karsan Sagathia
Compositeurs : Ismail Darbar (musique) et Mehboob (paroles)
Ce qui se passe à l’écran : Et bien à vrai dire, je n’en sais rien.
Mais alors pourquoi ? C’était donc fin 2007 ou peut-être début 2008, après le film du soir. Pour une raison que j’ignore, je n’ai pas éteint la télévision. Il y a eu le logo Surprise+ signalant un de ces interludes que Canal+ utilise pour recaler ses programmes. J’ai totalement oublié le film qui précédait, mais certainement pas les six minutes à venir.
Un gars braille « nimoula » et une fille en bleu apparaît sur un fond de décor en carton-pâte. C’est quoi ce ça ? De l’indien à coup sûr… Et puis le son de cet instrument suraigu qui vrille les oreilles… Mais… mais qu’elle est jolie cette fille… Et quelle énergie aussi bien dans la musique que la chorégraphie ! Dieu qu’elle est belle ! Sa robe et ses bijoux sont sublimes ! La musique est terriblement entraînante ! Le final endiablé me laisse épuisé avec les larmes aux yeux sur mon canapé.
J’étais soufflé. Je venais de voir/entendre une chanson indienne pour la première fois. Je n’ai bien sûr rien compris à ce qu’ils racontaient, mais cela n’avait finalement pas d’importance. Le programme suivant était un court-métrage indien, une histoire de boulangers si je me rappelle bien. Il m’est tombé des yeux.
Dès le lendemain, je m’enquiers auprès des étrangers du bureau : « Vous connaissez une indienne suprêmement belle qui fait des chansons ? » Finalement, un collègue donne la clé : « Ce doit être Ache, tu ne la connais pas ? Une ancienne miss-monde. Elle a 17 000 sites de fans sur Internet ? Mais ce ne doit pas être une chanson comme chez nous que tu as vue, c’est certainement tiré d’un film. ».
J’en ai passé du temps sur Internet pour retrouver Aishwarya Rai et son petit citron aigre, le fameux nimbooda. J’ai acheté le DVD pour avoir une meilleure qualité que ce que j’avais pu trouver sur Youtube. Un premier ratage. Au total, ce sont 5 versions du DVD achetées aux quatre coins du monde, qui se sont empilées sur mon lecteur. Il a pourtant bien fallu se rendre à l’évidence, c’était la pellicule qui était abîmée. Mais je n’étais pas encore tombé dedans… et je n’ai jamais vu le film…
Voici donc, restaurée comme j’ai pu, la meilleure version que je connaisse de Nimbooda de HDDCS, dans la chorégraphie de Saroj Khan qui a gagné le Filmfare Award en 2000.
Titre : Bole Chudiyan
Année : 2001
Chanteurs : Alka Yagnik, Sonu Nigam, Kavita K. Subramaniam, Udit Narayan et Amit Kumar
Compositeurs : Jatin Lalit (musique) et Sameer (paroles)
Ce qui se passe à l’écran : Cette chanson se déroule pendant la fête de Karva Chauth. Au départ, Pooja signifie à Rohan qu’elle l’aime. Mais tous sont entraînés dans un quiproquo dansé où la famille entière finit par être réunie, entre rêve et réalité.
Mais alors pourquoi ? Nous étions début 2009. J’avais enregistré une partie des jeux olympiques de l’été précédent sur mon enregistreur à disque dur. Il ne restait plus assez de place pour que me femme puisse enregistrer sa série favorite. Elle m’a donc demandé de faire un peu de ménage.
Consciencieusement, à chaque fois avec un petit pincement au cœur, j’ai effacé les épreuves sportives une à une. Puis presque pour me venger, j’ai passé en revue les programmes qu’elle avait enregistrés. Un très gros fichier à attiré mon attention : Coup de Foudre à Bollywood. J’avais vu le film sur Canal+, et c’était un candidat idéal à la suppression. Non qu’il ait été si mauvais, mais j’avais fini par effacer la cérémonie d’ouverture après tout.
Bizarrement, le guide donnait une durée d’enregistrement de près de 4h. Or le film m’avait semblé avoir une durée « normale ». Dans le doute et pour ne pas commettre d’impair, j’ai regardé. C’était en fait un autre film indien, La Famille Indienne. J’étais sceptique, et l’introduction d’Hrithik Roshan n’était pas de nature à me rassurer sur sa qualité cinématographique. Pourquoi diable ma femme l’avait-elle enregistré ?
Bien sûr, j’ai regardé le film d’une traite, littéralement collé à la télévision, en faisant des efforts surhumains pour ne pas pleurer à la fin (les grands garçons ne pleurent pas, c’est bien connu). Il y avait bien du kitch, du sur-joué, des noms bizarres comme « Bouboule » ou « Pooh ». Mais cette histoire de patriarche qui rejette son fils aîné par fierté m’a profondément bouleversé. Et que dire des chansons qui sont toutes aussi extraordinaires les unes que les autres ?
Voici donc l’une d’entre-elles Bole Chudiyan, tirée de l’enregistrement que j’ai précieusement conservé. Des années plus tard, j’ai vu qu’il avait été annoncé dans une news sur ce site. Le film a donc été diffusé par M6 en version française le 3 juillet 2008, à partir de 20h48. Le programme a duré 3h40, en incluant les deux coupures publicitaires. Comme l’a écrit un internaute, la qualité de l’image laissait à désirer et le format était tronqué, à mi-chemin entre 4/3 et 16/9. C’est pourtant la version que je regarde toujours avec émotion.
Titre : Silsila Ye Chaahat Ka
Année : 2002
Chanteuse : Shreya Ghoshal
Compositeurs : Ismail Darbar (musique) et Nusrat Badr (paroles)
Ce qui se passe à l’écran : Paro a fait le vœu de ne pas éteindre sa petite lampe à huile tant que Devdas serait loin d’elle. Il revient après de longues années d’absence.
Mais alors pourquoi ? À la suite du choc de La Famille Indienne, ma femme m’a appris qu’elle avait vu Devdas en salle en 2003, lors de sa sortie française. Elle n’a alors cessé me vanter la beauté des couleurs, la richesse des costumes et la magnificence des décors. En ce qui concerne l’histoire, elle avait été moins convaincante.
La relation ambivalente entre un père autoritaire et son fils préféré avait su me toucher, mais je n’étais pas prêt à une histoire d’amour contrariée qui se termine par un drame. Et puis j’aime trop le vin pour accepter l’évocation d’un homme qui se laisse mourir en buvant. En désespoir de cause, elle a lâché l’argument imparable : « Tu sais, Paro est jouée par Aishwarya Rai… ».
Elle a alors sorti du fond d’une étagère un DVD dont j’ignorais l’existence. Malgré l’image de qualité très moyenne sur cette édition Eros, j’ai dû me rendre à l’évidence, ce film est un choc esthétique de première grandeur. Par tous ses aspects, il est d’une richesse et d’un raffinement que je n’imaginais pas possible. Même les mouvements de caméra sont à couper le souffle. Comment rester insensible à la course éperdue de Paro lorsqu’elle apprend que Devdas est aux portes du palais ?
On retrouve ce choc esthétique dans les parties musicales toutes prodigieusement chorégraphiées. C’est le cas de la première, Silsila Ye Chaahat Ka sublimée par la voix de porcelaine de la toute jeune Shreya Ghoshal. La jolie métaphore de la lampe, la beauté d’Aishwarya Rai, les couleurs, la musique ; tout concourt à faire de cette chanson un moment de grâce.
L’année suivante, après avoir fureté sur les forums anglophones et découvert que la meilleure version du DVD était française, je me suis décidé à acheter cette édition produite par Diaphana. Aux sous-titres parfaits de SMC s’ajoute une image détaillée aux couleurs admirables. Silsila Ye Chaahat Ka qui suit est extraite de ce DVD éblouissant.
Titre : Mehndi Laga Ke Rakhna
Année : 1995
Chanteurs : Lata Mangeshkar et Udit Narayan
Compositeurs : Jatin Lalit (musique) et Anand Bakshi (paroles)
Ce qui se passe à l’écran : Simran doit épouser Kuljeet que son père à choisi pour elle. Raj, en embuscade, attend le moment propice pour l’enlever. Le jour des fiançailles, une grande fête est organisée, et c’est Raj qui mène la danse…
Mais alors pourquoi ? Jusqu’aux grandes vacances 2010, je ne connaissais de Bollywood que les films cités précédemment. Certes ils m’avaient impressionné, mais après tout, ils étaient loin d’être les seuls. À ce stade, je dois faire une petite digression que j’ai déjà racontée sur le forum.
Mes parents m’avaient appris que lorsqu’ils gardaient mes filles et leurs cousines dans la grande maison de vacances, elles se plantaient devant des Bollywood que mon père avait rapportés d’un voyage lointain. Les films hindi étaient sous-titrés, en général en anglais, mais cela ne semblait pas gêner la petite troupe dont la plus âgée avait 9 ans. Cet été 2010, j’ai voulu en avoir le cœur net et j’ai mis à mon tour le premier DVD dans le lecteur. Il s’agissait d’un film au nom imprononçable : Dilwale Dulhania Le Jayenge. Son seul mérite, à ce moment-là, était d’avoir sur la pochette la photo de Kajol et de Shah Rukh Khan que j’avais vus dans La Famille Indienne.
L’histoire de la jeune fille sage et du garçon déluré était délicieuse, même si son petit air de New-York Miami donnait une impression de déjà-vu. La seconde partie sous le toit d’un patriarche inflexible est en revanche authentiquement indienne. Le final à la gare est toujours aussi poignant, aujourd’hui comme il y a 3 ans. J’ai été tellement impressionné par ce film que de passage en Suisse, beaucoup plus tard, j’ai recherché le fameux petit pont non loin du « lac Chopra », malheureusement sans succès.
Le couple principal est magique, tout comme celui formé par les chanteurs Lata Mangeshkar et Udit Narayan, en particulier dans Mehndi Laga Ke Rakhna. À vrai dire toutes les chansons sont extraordinaires, mais celle-ci est un peu spéciale. Elle se joue sur un quiproquo où tout passe uniquement par le regard de Simran et de Raj, alors que Preeti et Kuljeet croient toute autre chose.
Voici donc cette formidable invitation à la danse qui m’a fait plonger, tout comme mes filles et leurs cousines, dans l’univers de Bollywood. La suite est simple, j’ai regardé tous les films que mon père avait proposés aux enfants. Il n’y avait pas bien sûr que des chefs-d’œuvre, mais très souvent de très belles choses.
Titre : Dum Maro Dum
Année : 1971
Chanteuse : Asha Bhosle
Compositeurs : Rahul Dev Burman (musique) et Anand Bakshi (paroles)
Ce qui se passe à l’écran : Et bien à vrai dire, je n’en sais rien, je n’ai pas vu le film.
Mais alors pourquoi ? J’ai raconté mes premiers émois devant des chansons indiennes, mais je dois à la vérité de dire qu’il y en a une qui les a précédées toutes. J’étais petit garçon et, il y a eu une époque où des jeunes gens, habillés en orange, arpentaient l’avenue principale de ma ville de province. Il chantonnaient « Hare Krishna » en secouant des clochettes et ce qui ressemblait à des encensoirs. Cela indignait naturellement mes parents qui faisaient comme s’ils craignaient que je me rase le crane et que je parte à leur suite ; à 7 ans…
Cette chanson, ou plutôt ce mantra indien, était aussi mystérieuse que le but suivi par ces jeunes. On parlait alors de secte, de drogue, de hippies qui s’en allaient en Inde ou au Népal — alors qu’il y avait tant de chèvres à garder dans notre Larzac. On ne comprenait rien, mais c’était peut-être mieux ainsi.
Beaucoup plus tard, au détour d’une conversation tardive avec une vieille dame qui m’est très chère, j’ai découvert qu’elle avait fait le voyage de Katmandou à la fin des années 60. Elle ne manquerait l’office du dimanche pour rien au monde aujourd’hui, mais il semble qu’il y ait eu un temps où elle avait été très délurée.
Alors pour Marie, voici Zeenat Aman qui donne corps à ces délires népalais. La voix phénoménale d’Asha Bosle sur une musique du non moins fantastique R.D Burman ont fait de cette chanson une sorte d’emblème de cette époque en Inde.