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RGV en chansons

Publié vendredi 22 novembre 2013
Dernière modification vendredi 22 novembre 2013
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Par Mel

Rubrique Morceaux choisis
◀ 1, 2, 3, venez danser le dappa !
▶ Mes premières chansons

Ram Gopal Varma est un des cinéastes indiens les plus inventifs, prêt à toutes les audaces. Et cela se traduit dans nombre des chansons de ses films où il se démarque, là comme ailleurs, des canons de Bollywood. Bien sûr il fait appel à chaque fois à un chorégraphe, mais son style particulier transparaît dans chacun de ses clips musicaux. En voici quelques-uns…

Rangeela

Titre : Rangeela Re
Année : 1995
Chanteurs : Asha Bhosle et Aditya Narayan
Compositeurs : A. R. Rahman (musique), Mehboob (paroles)
Chorégraphe : Ahmed Khan
Ce qui se passe à l’écran : Milli (Urmila Matondkar) rêve de faire danser le monde.

Mais alors pourquoi ? : Nous sommes en 1995. La plupart des chansons sont tournées dans des décors de rêve, en Suisse à Interlaken ou sur les pentes de la Jungfrau, devant des bâtiments somptueux, ou dans une nature magnifique. Pour sa première grande incursion dans le cinéma hindi, Ram Gopal Varma ouvre son film dans la rue, sans même arrêter la circulation. Là où un effort particulier est généralement porté aux danseurs en arrière-plan, il laisse à penser parfois que des passants ont été invités à participer à une fête. Ils ne sont pas toujours bien synchrones, les costumes sont souvent dépareillés, mais on s’en moque.

Il se dégage de cette chorégraphie en décors urbains, un sentiment d’urgence, de joie de vivre et de fraîcheur, magistralement mis en valeur par la musique syncopée d’A.R. Rahman. L’immense Asha Bhosle, 62 ans, prête sa voix à la toute jeune Urmila. Le court morceau de rap est chanté quant à lui par Adytia, le fils d’Udit Narayan, alors âgé de 7 ans et qui apparaît pour la première fois à l’écran.

Ahmed Khan obtiendra un Filmfare Award pour cette chorégraphie atypique. La chanson sera un des grands succès de l’année propulsant A.R. Rahman au sommet. Des années plus tard, Ram Gopal Varma réutilisera la chanson dans le contexte radicalement différent de Not a Love Story.


Satya

 

Titre : Sapne Mein Milti Hai
Année : 1998
Chanteurs : Asha Bhosle et Suresh Wadkar
Compositeurs : Vishal Bhardwaj (musique), Gulzar (paroles)
Chorégraphe : Ahmed Khan
Ce qui se passe à l’écran : Les gangsters ont été invités au mariage de la sœur d’un des membres de la bande. Satya (J.D. Chakravarthy) se rêve en marié, avec Vidya (Urmila Matondkar) pour épouse.

Mais alors pourquoi ? : Nous sommes en 1998, l’année où les trois plus gros succès de l’année mettent Kajol en vedette. Les fêtes de fiançailles ou de mariage proprettes, il y en a beaucoup cette année là, à commencer par Saajanji Ghar Aaye dans Kuch Kuch Hota Hai. Mais ce n’est pas l’amour conjugal que Ram Gopal Varma nous montre ici. Nous voyons des bandits, des tueurs, qui s’amusent comme des fous. On pourrait même craindre à mesure que la chanson avance que la noce dégénère en bagarre.

Pour une fois, les danseurs n’en sont pas. Manoj Bajpai se tortille en grimaçant, et va même jusqu’à se rouler par terre. Saurabh Shukla — également co-auteur du script avec Anurag Kashyap — serait bien en peine de se déhancher gracieusement. Il n’y a pas la distance habituelle causée par des danseurs trop beaux ou trop talentueux. Nous assistons à une fête à laquelle nous sommes nous-même joyeusement conviés.

La caméra est très proche des protagonistes, quasiment dans le groupe, au point que l’image finit par être occultée par les mouvements désordonnés des personnages. Ce point de vue original à l’époque, particulièrement entraînant, constitue un contrepoint formidable au songe de Satya. D’ailleurs, la caméra ne contourne pas le groupe pour rejoindre Vidya et Satya. Elle le traverse, comme dans un rêve.

Urmila Matondkar est ce mirage d’une beauté à à couper le souffle (ah la magie des faux-cils !). Elle ne chante pas, ne bouge quasiment pas. Son visage n’est que douceur, sérénité et amour dévoué. « Elle me rejoint en rêve », c’est le titre de la chanson et ce que désire Satya plus que tout.


Company

 

Titre : Khallas
Année : 2002
Chanteurs : Sapna Awasthi et Abbey Fizardo
Compositeurs : Sandeep Chowta (musique), Nitin Raikwar (paroles)
Chorégraphe : Ganesh Hegde
Ce qui se passe à l’écran : Malik (Ajay Devgan) et les membres de son gang se retrouvent dans une boite de nuit…

Mais alors pourquoi ? : Nous sommes en 2002. La magnificence classique de Devdas bouleverse l’occident et atteint jusqu’à la croisette. Cette même année, Ram Gopal Varma obtient avec Company son plus grand succès, tant critique que commercial. Le maître du Mumbai noir innove une fois de plus avec un montage extrêmement efficace et une mise en images inhabituelle faite de multiples plans débullés, de caméra subjective et de mouvements tournoyants. L’item-number Bachke Tu Rehna Re, emblématique de ce style original, a laissé une empreinte indélébile au point qu’on ne connait plus la chanson que sous son diminutif : Khallas.

La musique, moderne, entêtante et terriblement efficace de Sandeep Chowta, invite à se déchaîner sur la piste de danse. Mais ce qui frappe le plus, c’est sa réalisation unique. Pour la première fois, le spectateur est directement pris à parti par l’interprète. Isha Koppikar s’adresse à nous et non aux autres protagonistes. Elle nous séduit et nous menace tout à la fois dans ce morceau qui exprime la violence permanente du film. Nous voyons d’ailleurs les gangsters évoluer en arrière-plan, sans pour autant que la musique s’interrompe une seconde. L’intégration à la narration de ce tourbillon d’images et de musique est parfaite.

L’esthétique occidentalisée, incarnée par Abbey Fizardo habillé en proxénète de l’époque de la blaxploitation, ne fait pas oublier les racines indiennes. Ainsi, il y a un passage de danse sous la pluie. Mais nous sommes dans une discothèque… Qu’à cela ne tienne, il suffit de créer une averse indoor. Isha se sort divinement de ce moment particulièrement risqué où elle bénéficie du rythme visuel endiablé donné par un montage très serré. Chaque image, chaque plan est finement ciselé. Même le travail sur le playback participe du mouvement, avec des instants de de-synchronisation saisissants.

Comme souvent à Bollywood, les producteurs n’ont pas eu conscience de la réussite des auteurs. C’est ainsi que le nom des chanteurs est incorrectement crédité, et que T-Series distribue sur youtube une version très enlaidie de ce morceau. Voici donc le Khallas original, tel qu’il est présenté dans le film.


Naach

 

Titre : Berang Zindagi
Année : 2004
Chanteurs : Gayatri Iyer et Sukhwinder Singh
Compositeurs : Nitin Raikwar (paroles et musique)
Chorégraphes : Shabina Khan
Ce qui se passe à l’écran : Diwakar (Ritesh Deshmukh) réalise un film dans lequel jouent deux anciens amants devenus des vedettes, Reva (Antara Mali) la chorégraphe, et Abhi (Abhishek Bachchan) l’acteur. Après une longue séparation, ils se retrouvent devant la caméra pour leur premier duo dansé.

Mais alors pourquoi ? : Nous sommes en 2004. Deux films aussi différents que Veer-Zaara et Dhoom dominent le box-office. Ram Gopal Varma s’essaye une fois de plus à un nouveau genre. Après un film d’horreur qui a fait son effet, il produit et réalise Naach sur le thème de la danse, comme l’indique son titre.

Le DVD contient l’avertissement suivant : Contains midly sensual dances… (« Contient des danses modérément sensuelles »). C’est en réalité est un peu en dessous de la vérité et les spectateurs masculins ne manqueront pas d’être troublés par la plastique spectaculaire d’Antara Mali. Il leur faudra même de longues minutes pour remarquer ses yeux expressifs et inspirés. Il y a heureusement Abhishek Bachchan pour nous refroidir. Non pas qu’il joue mal, au contraire, mais la danse n’est pas son point fort.

Berang Zindagi se situe à un moment charnière du film. C’est à un dance-battle qui ne dit pas son nom que nous assistons. La petite Antara est éblouissante, le grand Abhishek fait de son mieux. Mais il ne peut rien contre le regard ravageur et les ondulations serpentines d’Antara. Il essaye de récupérer son amour à l’énergie. Elle ne se soucie que de son art et lui répond comme par une gifle, avec une séduction crâne et incandescente qui s’adresse autant à lui qu’à nous.

Les auteurs ont été aussi loin qu’il est possible à Bollywood. Ainsi le passage où elle est enchaînée à la muraille dans une grotte, ou l’invraisemblable plan final, constituent des sommets encore aujourd’hui inégalés.


Department

 

Titre : Thodi Si Jo Pee Li Hai
Année : 2012
Chanteur : Sukhwinder Singh
Compositeurs : Bappi Lahiri (musique), Anjaan (paroles)
Chorégraphe : Ganesh Acharya
Ce qui se passe à l’écran : Les inspecteurs Bhosle (Sanjay Dutt) et Shivnarayan (Rana Daggubati) s’offrent un moment de détente dans un boite de nuit. 

Mais alors pourquoi ? : Nous sommes en 2012. Le désamour du public et de la critique pour Ram Gopal Varma culmine avec Department qu’il réalise cette année là. Malgré des propositions de cinéma toujours plus intéressantes, les indiens ne semblent pas lui avoir pardonné son remake de Sholay cinq ans plus tôt. Et comme pour leur donner du grain à moudre, l’iconoclaste récidive avec Thodi Si Jo Pee Li Hai. Cette chanson de 1982, incarnée originellement par Amitabh Bachchan, fut un grand succès de Kishore Kumar. La refaire, réarrangée, chantée par un autre, était pour beaucoup un crime inacceptable. Cela explique peut-être qu’elle n’apparaisse même pas dans le menu des chansons du DVD.

Il faut pourtant reconnaître que l’original a vieilli. La chorégraphie était amusante, mais la mise en image appartient à un temps qui n’a plus cours. La version de Ram Gopal Varma est en revanche très actuelle, à faire presque oublier celle de Prakash Mehra. Elle n’a pas d’autre objectif dans Department que d’apporter un instant de répit dans un univers de tension permanente. Elle est donc dissociée du contexte narratif et sa cinématographie est nettement moins prenante. Il n’y a pas ici par exemple les angles de prise de vue particuliers, si caractéristiques de ce film singulier.

Il s’agit d’une chanson joyeuse et bon-enfant, parfaitement adaptée à une discothèque. La chorégraphie de Ganesh Acharya, qui accueille en personne les deux héros, peut être ainsi reprise par tous. Voir Rana Daggubati s’y essayer est plutôt touchant. Il en va de même pour Sanjay Dutt qui s’en trouve considérablement humanisé. La caméra qui danse comme les effets spéciaux numériques participent du rythme, et ajoutent encore à ce morceau accrocheur une touche de modernité bien venue.

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