Ugly Aur Pagli
Traduction : Laid et fou
Langue | Hindi |
Genre | Comédie |
Dir. Photo | Somak Mukherjee |
Acteurs | Zeenat Aman, Mallika Sherawat, Ranvir Shorey, Tinnu Anand |
Dir. Musical | Anu Malik |
Parolier | Amitabh Varma |
Chanteurs | Mika Singh, Mohit Chauhan, Sunidhi Chauhan, Shaan, Vasundhara Das, Anu Malik, Anushka Manchanda, Hard Kaur, Anmol Malik, Dibyendu Mukherjee, Ishq Bector |
Producteurs | Pritish Nandy, Rangita Pritish Nandy |
Durée | 119 mn |
Kabir (Ranvir Shorey), cancre de sa classe, éternel adolescent, sauve Kuhu (Mallika Shewarat), une jeune femme larguée par son mec sur le quai d’une gare alors qu’elle soliloquait. La jeune femme révèle bientôt un caractère bien trempé et décide de mener la relation à la baguette en ne laissant rien au hasard dans le couple. Kabir la suit partout en tentant de lui faire comprendre qu’il l’aime bien qu’elle reste sourde à ses avances. Mais un jour, sans crier gare, elle part…
Pour les amateurs de comédies hindi les noms de Dhawan, Sohail Khan, Salman Khan (qui ont tourné quelques films emsemble), mais aussi Govinda ne sont pas inconnus. Pourtant, au fil des années et particulièrement lors d’une première partie de la décennie (les années 2000) peu sont les films qui ont pu atteindre le niveau de Heyy Babyy en 2007 ou ce Ugly aur Pagli pour 2008. Au mieux, certaines paraissaient faiblardes, au pire, totalement indigestes. Le genre se contentait d’aligner les clichés les plus grivois et les blagues les plus vaseuses sur un rythme effrené qui confinait à l’indigestion. Un constat contrasté en somme au royaume des saris et des chansons chorégraphiées. De Har Dil Jo Pyar Karega et sa misogynie suintante à No Entry en 2005 et ses blagues à faire pâlir les Max Pécas et autres Christian Gion, le bilan était non pas à la disette en nombre mais souvent au sourire jaune au niveau qualité. Autant dire qu’Ugly Aur Pagli n’a pas trop de concurrence tout en suivant un genre vivace, toujours très actif et qui continue de sortir une bonne dizaine de films par an. Il faut être honnête : Ugly aur Pagli sur le papier et dans le fond n’est pas le champion de l’invention. Son scénario s’appuie sur la confrontation classique d’une fille et d’un garçon dans le contexte d’une grande ville. Et surtout il remake le film coréen de 2001 intitulé My Sassy Girl dont il reprend à l’identique des plans entiers. A la façon des comédies romantiques, la rencontre se fait sur le quai d’une gare, quai qui on le sait a une saveur particulière dans les films indiens (se remémorer Kuch Kuch Hota Hai ou Dilwale Dulhania Le Jayenge pour s’en convaincre). Il s’y passe toujours quelque chose de positif (un amour naissant) comme négatif (une rupture brutale). Dès le magnifique générique d’ouverture, le réal montre ce qui n’était alors que peu présent dans le cinéma hindi : la place de la différence (à l’instar du film de John Cameron Mitchell Shortbus). Homme travesti, homme mûr avec jeune femme, homme nain et fille de grande taille. Le tout sans discours. Juste des images et une jolie musique. On sent dès lors qu’Ugly aur Pagli joue la carte du décalage. Pas n’importe lequel. Et il va s’attacher durant deux heures à utiliser et contourner les clichés de la comédie pour faire grandir crescendo la sienne.
Sur le quai de la gare, Kuhu (extraordinaire Mallika Sherawat) échappe à la mort en étant sauvée par Kabir (Ranvir Shorey dans une autre galaxie), lui-même tout aussi perdu que la rescapée. Et pour cause : il redouble pour la quatrième fois sa dernière année d’étude d’ingénieur, est incapable (ou ne veut pas) grandir, se montre particulièrement gauche tout en montrant un fond très romantique. Le romantique transi qui est l’exact inverse du Don Juan que certaines demoiselles attendent, dont précisément Kuku qui le prend par le bras et le mène à la baguette. La grosse différence avec les scenarii hindi habituels dans le genre vient de la place de la femme qui ici, pour une fois, mène le jeu et tient le beau rôle. Dans un registre masochiste dont il se régale, Ranvir Shorey qui interprète le languissant mais pas lénifiant Kabir s’en prend donc plein la tronche (les 99 gifles promises, bon ok c’est exagéré) tout en ne cachant pas un amour profond pour le personnage féminin principal dont évidemment il s’entiche. Les coups portés ne font paradoxalement qu’augmenter sa fascination pour Kuhu qui se révèle être une femme forte. Une femme dont la carapace apparemment incassable finit cependant par craquer dans une scène-clé du film, celle du bateau où pour la première fois on la voit clairement perdre les pieds et refermer elle-même une page. Entre temps, le film accumule une pluie de gags, qui marient précision de l’écriture et comique de geste faisant grandir encore un peu plus la capacité de Ranvir à mettre en avant son autodérision ainsi que son sens vertigineux du tempo comique. Certes Ugly aur Pagli recourt parfois à un peu de facilité (la scène dans l’ascenseur en ouverture, la lumière dans l’hôtel), mais le film distille une telle énergie, une telle envie d’aller chercher le meilleur de ses comédiens que logiquement l’alchimie opère puis illumine l’écran. A de nombreuses reprises j’ai pensé au duo magique Kajol/Shahrukh Khan en regardant le film. On sent que les comédiens s’éclatent et qu’ils jouent la comédie avec un esprit résolument bon enfant. On ne sent pas de vacheries, de méchanceté, d’agressivité. Si les claques résonnent, si les coups cinglent parfois, tout cela est avant tout pour servir une farce. Une farce plus fine qu’elle n’y paraît à première vue.
A première vue en effet Ugly Aur Pagli ressemble à une comédie comme il en a été réalisé des centaines. Un concept de base porté sur les quiproquos, les portes qui claquent, les faux adieux, les retrouvailles mais aussi l’invraisemblable : peut-on croire qu’un cancre reste à l’école quatre ans de plus en redoublant la même classe en préparant son diplôme d’ingénieur ? Ugly aur Pagli se distingue du reste de la production et sans aucun doute du tout venant par sa folie contagieuse, par ses chansons électriques (Shut Up Aa Nachle, De Talli), par ses instants d’intimité également, quand le couple désagrégé un moment revit dans le souvenir après l’idée géniale des petits mots laissés sur l’arbre et témoignant des sentiments profonds qui existent non seulement entre Kabir et Kuhu, mais aussi entre anonymes venus déposer une pensée à un endroit commun où l’on s’y recueille. Cependant pas de moribonde pensée dans Ugly aur Pagli (quoique la solitude est bien traitée). Un sens de l’euphorie, et surtout une idée joviale de l’enfance éternelle avec les séquences d’action insérées naturellement au récit, comme celle mixant Catwoman (pose et costumes) et Matrix avec une héroïne sublimée. Ou celle rappelant les westerns de Sergio Leone dans un désert reconstitué. Ces petites saynètes rajoutent de l’originalité à un récit qui à la base ne l’est pas forcément. Le rythme effréné de la première partie, véritable pluie de gags, se resserre d’ailleurs davantage sur les aspects familiaux dans la seconde. On sent que l’auteur veut aborder les différents aspects d’une relation sur le fil du rasoir, très forte, sans jamais oublier ses personnages et ceux qui les entourent (la scène du dîner avorté).
Sans vouloir jouer le prosélyte, je pense à nouveau que Ranvir Shorey est ici dans une forme de sommet comique qui le place largement au dessus des autres acteurs de sa génération dans l’exercice ô combien difficile de la comédie échevelée et du drame intime. Sa complicité avec Mallika qui tient ici son meilleur rôle à ce jour crève l’écran : on sourit, rit et pleure avec eux et non pas contre eux. Les références populaires et ciné sont placées de façon brève et pertinente au sein du récit et non pas pour le simple plaisir de la citation (avec un clin d’oeil amusé au dieu Shiva et à la culture mythologique indienne durant Karle Gunaah).
Le film propose aussi de jolies séquences quant à l’interprétation de la passion sous toutes ses formes avec la place omniprésente des roses, le travail sur les couleurs ou encore le travail sur le son. Sans temps mort, en nous épargnant la bande-son pouet pouet avec gags surlignés, Ugly aur Pagli est non pas la grosse surprise de l’année, mais la comédie mature, très bien écrite et réalisée que laissait augurer la BA. Parler d’avant et d’après Ugly aur Pagli ne paraît pas absurde en l’état. Un film qui laisse à l’issue de sa scène finale
dans laquelle apparaît la toujours aussi sublime Zeenat Aman
donnant le flambeau à Mallika, le sourire aux lèvres et le coeur rempli d’émotion. En tout cas quel bond qualitatif depuis Pyaar Ke Side Effects que j’avais trouvé imbuvable. LA comédie de l’année à condition que vous n’ayez pas vu l’original auquel cas vous pourriez légitimement crier au plagiat. Mais quel film récent de Bollywood ne s’est pas inspiré d’Hollywood ou de ses pairs asiatiques ? N’hésitez plus, foncez vous procurer le DVD et laissez-vous entraîner par la douce et émouvante mélodie de ce Ugly aur Pagli, une comédie complètement pagal et géniale !