Urumi
(longue épée flexible et tranchante)
Langue | Malayalam |
Genre | Film historique |
Dir. Photo | Santosh Sivan |
Acteurs | Genelia D’Souza, Tabu, Prabhu Deva, Arya, Vidya Balan, Pritviraj, Nithya Menon, Jagathy Sreekumar, Alexx O’Nell |
Dir. Musical | Deepak Dev |
Paroliers | Kaithapram Damodaran Namboothiri, Rafeeq Ahammed, Engandiyur Chandrasekharan |
Chanteurs | Swetha Mohan, Job Kurian, Rita, K. J. Yesudas, Manjari Babu, Reshmi Sathish, Guru Kiran, Shaan Rahman, KR Renji, Prithviraj, Mili |
Producteurs | Shaji Natesan, Santosh Sivan, Prithviraj |
Durée | 160 mn |
De nos jours, au Kerala, Krishnadas, alias « KD » (Prithviraj) et Tarzan (Prabhu Deva) sont deux compères bons vivants, aimant la musique et la fête. Alors qu’ils retournent dans leur village, sur la côte de Malabar, Krishnadas est contacté par la représentante d’une multinationale souhaitant acheter un terrain qu’il tient de ses ancêtres, car elle convoite les ressources minières dont il regorge et qu’elle veut exploiter. Krishnadas n’a cure de l’histoire familiale et, face à la somme proposée, il n’a que peu d’hésitations, d’autant qu’il ne se sent aucune attache envers cette terre sur laquelle sa mère a pourtant fondé une école, laquelle est gérée par une ONG. Alors qu’il s’apprête à vendre le patrimoine familial, Krishnadas et son ami sont kidnappés par les membres d’une curieuse tribu qui les conduisent à leur chef, Thangachan (Arya). Celui-ci révèle alors à Krishnadas et à Tarzan qu’ils sont les descendants de valeureux guerriers qui ont lutté pour cette terre en s’opposant au conquérant portugais, Vasco da Gama…
Avec, Urumi, sorti en 2011, Santosh Sivan, le célèbre chef opérateur du cinéaste tamoul, Mani Ratnam, passé à la réalisation, revient au film historique, dix ans après Asoka, biopic romancé sur le grand empereur de la dynastie des Maurya. Entre temps, il s’était consacré à de petites productions, faisant un cinéma assez exigeant, Tahaan ou Before the rains, ou à photographier le diptyque de Mani Ratnam, Raavan/Raavanan, entre autres. Avec Urumi, Santosh Sivan reprend la recette de Asoka, à savoir mêler fresque historique et cinéma populaire. Néanmoins, ce type de projet pharaonique est coûteux à monter et le réalisateur a dû recourir à l’aide de son acteur principal, Prithviraj, qui l’a co-produit avec sa société August Cinema. C’est pourquoi le film est crédité comme « malayalam », alors qu’il est en réalité « trans-sud », avec un réalisateur tamoul et des acteurs du Kerala, du Tamil Nadu ou de l’Andhra Pradesh, habitués des différentes industries cinématographiques régionales, et qu’il a été tourné en malayalam, mais doublé en tamoul et en telugu. Quoi qu’il en soit, Urumi est le deuxième film le plus cher de l’histoire du cinéma malayalam après Pazhassi Raja (2009).
Tout comme Asoka, Urumi se caractérise par une recherche esthétique passant par la photographie — sublime — et des angles de prises de vue insoupçonnés qui vont magnifier les scènes de bataille ou les séquences chantées particulièrement réussies. N’ayons pas peur des mots, Urumi est un beau, voire très beau film en ce qui concerne l’esthétique, cependant le beau ne fait pas toujours le bon et il aurait pu être bien meilleur s’il n’avait quelques défauts.
Ma première réserve concerne l’emploi des armes à feu. Je n’en suis pas spécialiste, mais il m’a semblé que, sur cet aspect, il y avait de sérieux anachronismes. Certes, on ne va pas au cinéma pour avoir une leçon d’histoire, mais un minimum de cohérence entre les accessoires et l’époque censée être reflétée est nécessaire à la vraisemblance de la narration. Il faut qu’on y croît quand même une petit peu ! Or, j’ai eu l’impression que les Portugais du début du XVIe siècle possédaient des pistolets, une artillerie et des navires de guerre dignes de la bataille de Trafalgar. Cependant, cet aspect a aussi du bon : en surarmant les Portugais, on accentue leur cruauté, attisée par la convoitise, et on met en relief le courage des Kéralais qui se battent au sabre. Le héros de l’histoire, Kelu Nayanar, l’héroïque ancêtre de Krishnadas, utilise d’ailleurs un sabre bien particulier, typique des guerriers de la côte de Malabar, le urumi, qui donne son titre au film. C’est un sabre élégant, avec une longue lame plate en or, maniée comme un fouet tranchant. Cet urumi, emblème d’un certain art de la guerre, acquiert aussi une symbolique très phallique dans la séquence chantée Aaro Nee Aaro, correspondant à la ballade romantique.
Si l’histoire de Kelu Nayanar, de son ami Vavvali, ancêtre de Tarzan, qui se dressent contre l’hégémonie portugaise, et ses échos dans le présent est intéressante, le film n’est pas exempt de quelques longueurs, en particulier à cause de sa structure narrative : un long prélude, très didactique, qui expose l’histoire du premier voyage de Vasco da Gama arrivant sur la côte de Malabar, à Calicut (aujourd’hui Kozhikode), en 1498 — il faut bien rappeler le contexte historique —, la présentation de la génération de KD et Tarzan, puis le long flash back narrant l’opposition de Kelu et des siens aux Portugais, une vingtaine d’années plus tard, après le premier voyage du conquérant portugais, alors que celui-ci est établi comme vice-roi à Cochin et qu’il entend faire main basse sur tout le commerce des épices. Les références à la découverte et à la conquête portugaises sont authentiques, l’histoire de Kelu, Vavvali et des siens, qui sait… Par ailleurs, les scènes exposant les loyautés ou les trahisons de certains personnages sont parfois confuses.
Le casting est, avec l’esthétique, le point fort du film. Prithviraj est très convaincant : il a pris du muscle et de l’épaisseur en se rasant la moustache — ça vous change un homme !, comme un papillon qui sort de sa chrysalide ! — et donne une certaine carrure à Kelu, tout en étant fort crédible dans le maniement de l’urumi. Prabhu Deva — c’est dommage — est un ton en dessous. Il est parfois brillant, avec ce regard charismatique qu’on lui connaît et parfois en roue libre. Genelia D’Sousa est acceptable en princesse guerrière. Elle évite les mimiques ridicules, ce qui est bien, mais elle a, malgré tout, un registre émotionnel assez limité. Les brèves apparitions de Arya, Tabu et Vidya Balan sont si agréables que l’on aurait aimé qu’ils aient un rôle beaucoup plus long. Pour l’anecdote, Alexx O’Nell, qui jouait déjà un officier anglais prépotent dans Madrasapattinam, est aussi odieux en conquérant portugais.
La musique, composée par Deepak Dev est un autre des atouts du film et les séquences chantées y sont très bien intégrées. Vadakku Vadakku, en version moderne, chantée par Prithviraj en personne, est entraînante et trouve, comme les personnages qu’elle présente, sa correspondance dans le passé. Chalanam Chalanam est envoutante et met en scène un numéro de danse prémonitoire réalisé par Vidya. Quant à Aaro Nee Aaro, on l’a dit, c’est un vrai régal pour les yeux et les oreilles. Quant au thème musical, il n’est pas sans rappeler celui du célèbre péplum de Ridley Scott, Gladiator.
Urumi a été un succès au box-office du Kerala, mais aussi dans tout le Sud, avec son exploitation dans les différentes langues. D’ailleurs, si vous n’êtes pas, contrairement à moi, sensible à la mélodie du malayalam, je vous conseillerai de regarder le film en tamoul, voire en telugu, dont le dvd est plus facile à trouver et de meilleure qualité à l’importation.
Finalement, Urumi est, comme le sabre qui lui donne son nom, un film beau et élégant, mais il est dommage que les quelques faiblesses relevées plus haut, en amenuisent le souffle épique qui lui aurait permis d’être un grand divertissement historique à l’image de Gladiator, voire de Le dernier samouraï, auquel il aspire à ressembler par certains aspects.