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Woh Lamhe…

Traduction : Ces instants...

LangueHindi
GenreDrame
Dir. PhotoBobby Singh
ActeursShiney Ahuja, Kangana Ranaut, Purab Kohli, Shaad Randhawa, Masumeh Makhija, Anita Wahi
Dir. MusicalPritam Chakraborty, Roop Kumar Rathod
ParolierSayeed Quadri
ChanteursShreya Ghoshal, KK, Kunal Ganjawala, Farouk Mahfuz Anam (James), Glenn John, Jawad Ahmed
ProducteurMukesh Bhatt
Durée142 mn

Bande originale

Kya Mujhe Pyar Hai
Chal Chale Apne Ghar
Tu Jo Nahin I
So Jaoon Main (Female)
Tu Jo Nahin II
So Jaoon Main (Male)
Bin Tere Kya Hai Jeena
Kya Mujhe Pyar Hai (Remix)

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La critique de Fantastikindia

Par Mel - le 20 septembre 2015

Note :
(7.5/10)

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Une jeune femme (Kangana Ranaut) prépare un bain. Plongée dans l’eau qu’elle a recouverte de pétales de rose, elle arbore un sourire apaisé. Elle prend alors une lame de rasoir et se tranche les veines. Au même moment, un cinéaste reconnu, Aditya Garewal (Shiney Ahuja) supervise l’enregistrement d’une chanson. Il rentre chez lui tard dans la nuit pour apprendre que la vedette Sana Azim vient de tenter de se suicider dans une chambre d’hôtel. Il se précipite à l’hôpital où les médecins lui font part de leur pessimisme. Elle a perdu tant de sang qu’elle est à l’article de la mort.

Trois ans plus tôt, Aditya était un réalisateur en devenir alors que Sana était installée au firmament, enchaînant les films à succès comme les engagements promotionnels. Lors d’une de ces soirées qui réuni le tout-Bollywood, Aditya la provoque. Elle réagit d’une manière qui fait sensation et la une de la presse. Cette publicité désastreuse met en rage Nikhil Rai (Shaad Randhawa), le manager et petit-ami de Sana. Elle parle de le quitter, il la viole…

Il est difficile de voir Woh Lamhe… en oubliant la réalité qui l’a inspirée. Mahesh Bhatt en a écrit le scénario pour rappeler la mémoire de Parveen Babi qui venait de décéder d’une crise de diabète, horriblement seule dans son appartement. Ils avaient été amants au milieu des années 70 alors que Mahesh attendait encore le succès. Parveen était une immense vedette et voulait se marier. Il l’était déjà et refusait de divorcer ce qui a amené à leur rupture. Mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg déjà évoquée dans Arth en 1982. Parveen Babi était atteinte d’une forme grave de schizophrénie paranoïde. Lors de ses crises, elle avait des hallucinations et souffrait de délire la persécution. Mahesh a tout tenté pour la soigner ou au moins lui procurer un répit, en vain. Ils ont fini par se séparer en 1980. Woh Lamhe… évoque cet aspect de l’histoire sur un mode romancé.

Il mélange les faits réels et imaginaires pour construire une forme d’autofiction d’où il devient difficile d’extraire la vérité. La narration est linéaire, mais elle avant tout composée de scènes disjointes, ces instants évoqués dans le titre. La notion du temps a disparu et on ignore la durée de l’histoire qui nous est comptée. Ce pourrait être des semaines ou des années. Les trous entre ces moments ne sont pas remplis. L’entourage des deux protagonistes n’est qu’ébauché. Ce qui passe dans d’autres films comme un défaut grave est ici une invitation délicate à entrer dans l’intimité d’une histoire d’amour poignante.

C’est un amour impossible, non pas à cause d’un monde extérieur hostile ou de conventions rigides, mais parce que Sana est malade. Montrer la schizophrénie est toujours périlleux. La folie qui envahit la jeune femme nous est présentée avec sensibilité sans rien cacher. Nous souffrons avec Sana qui ne comprend pas ce qui lui arrive, tout autant qu’avec Aditya qui ne sait réagir qu’avec son cœur. On pourra tout au plus regretter qu’il ne soit rien dit de la raison qui pousse Sana à refuser le traitement.

Elle est emportée comme par un tourbillon, et à part Aditya, il ne se trouve personne pour lui tendre la main. Au contraire même, son manager comme sa propre mère ne songent qu’à l’enfoncer en espérant en tirer encore un peu d’argent. Sa solitude est abyssale. Ce côté extrêmement noir de la célébrité semble exagéré tellement il est affreux. Mais dans la réalité, Parveen Babi vivait totalement seule depuis des années au moment de sa mort. Il ne s’est trouvé personne pour réclamer son corps. Seuls quelques anciennes connaissances comme Mahesh Bhatt, Kabir Bedi et Danny Denzongpa, ses anciens amants qui ne l’avaient pas vue depuis plus de 25 ans, étaient présents lors de la cérémonie des derniers sacrements [1].

Mahesh Bhatt se donne le beau rôle, celui d’un homme fort prêt à se sacrifier pour son amour. À l’inverse, Sana/Parveen tangue et coule. Elle réagit plus qu’elle ne s’affirme. Aditya/Mahesh la libère d’un entourage abject qui l’étouffe dans la première partie, puis tente ce qu’il peut dans la seconde pour la sauver. Il est le héros, mais on ne voit qu’elle. Elle n’est pas seulement extrêmement belle, elle est aussi particulièrement touchante dans l’adversité qui l’accable. Il n’est pourtant pas facile de s’identifier à ces deux personnages si éloignés de nous. Woh Lamhe… est à cet égard très atypique, à mi-chemin entre un film plus commercial tel que Fashion et un film d’auteur d’inspiration occidentale.

L’émotion qui nous étreint vient peut-être de la totale sincérité des auteurs. Pour mettre ce film très personnel en image, Mahesh Bhatt a choisi d’en confier la direction à son neveu Mohit Suri. Il l’a également produit avec son frère Mukesh sous sa propre bannière, Vivesh Films. À cette époque, la Bhatt factory était plus habituée des séries B enchaînées à la va-vite sur des thèmes vendeurs, que des films intimistes où l’action progresse lentement. Woh Lamhe… souffre donc un peu d’une réalisation moyenne et d’un son — en particulier la postsynchronisation — qui n’est pas à la hauteur du talent des acteurs.

Car Kangana Ranaut et Shiney Ahuja dans les rôles principaux sont éblouissants. Ils avaient débuté presque en même temps malgré une différence d’âge importante. Shiney Ahuja avait été remarquable dans Hazaaron Khwaishein Aisi puis dans Gangster sorti juste avant. Il confirme ici son grand talent en donnant avec retenue la réplique à une Kangana Ranaut merveilleuse. Elle n’avait que 19 ans et pourtant, elle porte à elle seule le film sur les épaules. Il ne s’agit que de sa seconde apparition à l’écran, mais elle l’irradie et nous foudroie. Son jeu, tout à la fois juste et d’une intensité rare, rend crédible un personnage de 15 ans son aînée. Les scènes de folie sont fascinantes. C’est grâce à elle que le film ne nous lâche à aucun moment. Kangana était fantastique dans Gangster, elle est exceptionnelle dans Woh Lamhe….

À côté d’étoiles de cette grandeur, les autres acteurs paraissent bien pâles. Purab Kohli toujours collé à Shiney Ahuja semble bien fade en rapport. Shaad Randhawa, qui ressemble de façon troublante à Danny Denzongpa [2], joue un personnage odieux. Il disparaît lorsqu’il est en face de Kangana. Masumeh Makhija qui interprète la vision de Sana arrive quant à elle miraculeusement à tirer son épingle du jeu.

La musique tout comme la réalisation manquent de souffle. Les chansons beaucoup trop sucrées sont en général de Pritam. Peut-être pourra-t-on sauver Kya Mujhe Pyar dont le gimmick d’introduction est entendu à plusieurs reprises. Elle est plaisante et tout à fait dans le ton de l’époque, mais elle peine à emporter l’adhésion.

L’objectif de Mahesh Bhatt en écrivant Woh Lamhe… était de rendre hommage à Parveen Babi qui venait de décéder. Dans ce film en grande partie autobiographique, il la représente comme une femme attachante et terriblement seule, détruite par le démon de la maladie mentale.

Il nous raconte une histoire d’amour impossible particulièrement touchante, la sienne. Le duo d’acteurs principaux est remarquable, mais s’il ne devait y avoir qu’une seule raison de voir Woh Lamhe…, ce serait pour Kangana Ranaut qui crève l’écran et nous transperce le cœur.



Bande-annonce


[1Sa nièce est venue quelques jours plus tard et a emporté le corps pour l’enterrer.

[2On ne sait pas si le choix de cet acteur était volontaire ou un hasard malheureux.

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