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Badmaash Company

Traduction : Vauriens et compagnie

Bande originale

Ayaashi
Jingle Jingle
Chaska
Fakeera
Badmaash Company
Ayaashi (Remix)
Chaska (Remix)

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La critique de Fantastikindia

Par Madhurifan - le 29 juin 2010

Note :
(5/10)

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Le cinéma hindi actuel nous offre globalement assez peu d’occasions de nous extasier sur des films hors du commun. A défaut d’extase, on peut toujours se rabattre sur une comédie fast-food plutôt bien ficelée comme Badmaash Company.

1994. Lors d’un voyage en Thaïlande, Karan (Shahid Kapoor), Zing (Meiyang Chang) et Chandu (Vir Das), trois étudiants de la classe moyenne indienne, rencontrent Bulbul (Anushka Sharma), jeune fille moderne et déterminée. La bande, pleine de rêves mais ne sachant pas trop quoi faire de sa vie, décide de monter une société dont l’objectif est de frauder sans complexe le fisc indien. Cette activité n’est pas du goût du père de Karan (Anupam Kher) dont la devise est "droiture et honnêteté". Karan quitte donc la maison familiale et part vivre sa vie avec ses copains.
Le groupe commence ses petites magouilles avec succès mais, à la suite d’une modification de la législation indienne, ce juteux commerce s’écroule. Toute la bande s’exile aux Etats-Unis pour y tenter sa chance.
Au pays de la libre entreprise, Karan retrouve son oncle Jazz (Pavan Malhotra), entrepreneur à succès. Les affaires prennent de l’ampleur.
Mais hélas, petit à petit, avec le succès, les têtes enflent et le groupe se disloque. Karan va-t-il sombrer du côté obscur ou va-t-il réagir à temps ? Vous le saurez en regardant Badmaash Company.

Et, franchement, vous ne vous ennuierez pas. Non pas que ce film soit exceptionnel mais tout simplement parce que c’est un film bien fait et efficace. C’est déjà assez méritoire car c’est la première fois que Parmeet Sethi tient la caméra. Jusque-là, il était plutôt connu comme acteur, abonné aux seconds rôles, parfois dans des films plutôt réussis comme Dilwale Dulhania Le Jayenge ou Lakshya.

Sethi tient son public sans forcer pendant les 2 h 20 du film. Et pourtant sa mise en scène est parfaitement lisse et il réussit même l’exploit d’aplanir les moments forts censés rythmer le film. C’est assez surprenant mais, dans Badmaash Company, comédie d’action, rien ne dépasse. Le spectateur est embarqué dans un enchaînement de situations très bien construites et parfaitement fluides. On a l’impression d’être dans un bain, à température régulée. Décontracté, cool. Le suspense n’existe pas vraiment tant on se doute de la fin, et même de chaque étape à peine celle-ci est-elle enclenchée. Et ce ne sont pas les quelques rebondissements, modèle "grain de sable dans la mécanique", archi-classiques, qui changent quelque chose. Exemple. La bande se fait repérer après avoir réutilisé la même ficelle trop souvent, c’est réglé en 2 minutes. Une négociation rapide avec le douanier, un petit pourcentage, et hop, l’obstacle est levé. Les exemples de ces petites aspérités qui n’en sont pas et qui n’apportent strictement rien à l’histoire ni aux personnages ne manquent pas. Mais ça meuble. Inutile d’aller voir son médecin avant le film, pas la moindre montée d’adrénaline n’est à craindre et l’électrocardiogramme régulier est garanti.

La banalité du scénario, qui pourrait finir par lasser tant elle est flagrante, est fort heureusement contrebalancée par les clips qui parsèment le film. Clips dans la plus grande tradition MTV, avec plans inférieurs à la seconde, montage explosif, presque illisible et couleurs claquantes. Inutile de préciser que ces clips n’ont rien à voir avec l’histoire et ont été mis en place pour conditionner les spectateurs avant la sortie du film d’une part et pour vendre des CD d’autre part. Cela étant, c’est une bonne bande son pour dancefloor, entraînante et tonique. Le film cible clairement une population jeune, moderne et uniquement en quête de loisir.

Badmaash Company est intéressant car c’est l’exemple-type des méthodes de production made in India. D’abord réunir un bon casting, ensuite s’occuper du scénario. D’ailleurs Sethi l’aurait écrit en 6 jours seulement, ce qui ne serait pas étonnant quand on regarde la pauvreté de la trame. Mais l’objectif est clair. Il s’agit d’élaborer avant toute chose un cocktail assez détonant et sympathique pour faire venir des spectateurs. Les ingrédients choisis : le Chocolate boy (petit nom de Shahid pour ceux qui l’ignoreraient), la dernière trouvaille de SRK (Anushka Sharma), un habitué des séries télé (Vir Das) et un ancien participant d’Indian Idol, la Nouvelle Star indienne. Un cocktail censé assurer le succès commercial du film.

Pour l’histoire, on nage entre Thomas Crown, Mission Impossible, L’Arnaque et la série des Ocean. Montage d’une combine, si possible un peu hermétique au début, suspense insoutenable (du style "ma moustache ne va-t-elle pas se décoller au moment critique ?") et chute libératrice. Il est temps de recharger le bol de pop-corn ou d’aller faire un tour dans la cabane au fond du jardin avant de recommencer. Mais là où les scénaristes américains déploient parfois des trésors d’inventivité, le réalisateur et scénariste, Parmeet Sethi, se contente de la même arnaque, parfaitement invraisemblable d’ailleurs, déclinée à la mode indienne puis à la mode américaine. Non, je mens. Il y en a une autre, tout aussi niaise. Ça en fait quand même deux dans le film.

Le second intérêt - pour ne pas dire le premier - du film réside dans ses acteurs. Ils sont très bons et parfaitement naturels. Shahid en tête, qui soutient à lui seul allégrement le film. Ça devient banal à dire mais il est clair qu’avec le temps il a de plus en plus de présence. Ici, il est tout à fait à l’aise. Malheureusement, son personnage, pas plus que les autres, n’est spécialement construit. On reste dans la psychologie de niveau Bisounours. Car ce n’est pas la psychologie qui intéresse le réalisateur, plus préoccupé par la mise en images des combines du petit groupe. Pour cela, en bon technicien qui connaît ses classiques, il reprend les ficelles du multi-écran et de la musique aux relents de blaxploitation des années 70. On s’attend presque à voir surgir Shaft à un coin de rue.

Dans le reste de la bande, chacun s’en sort bien. Y compris Anushka Sharma que je trouve plus convaincante que dans Rab Ne Bana Di Jodi. Il faut dire qu’elle évite de danser, ce qui nous évite un inutile supplice. Au départ, elle n’était pas retenue pour le rôle et c’est sur l’insistance d’Aditya Chopra, le producteur, que Sethi l’a engagée. Aditya lui avait-il promis de l’aider à se libérer de l’image de femme indienne plutôt traditionnelle qu’elle nous présentait dans son premier film ? Attendons son troisième rôle pour savoir vers quoi elle va en espérant qu’elle saura ne pas s’enfermer dans les productions Yash Raj.

Quant à Meiyang Chang et Vir Das, ils nous offrent des seconds rôles de qualité, toujours dans un ton juste. Vir Das, particulièrement, dont l’interprétation d’un fils d’artiste attachant est très réussie.

A côté du quatuor, Anupam Kher nous rejoue son énième rôle de père. Convaincant mais lassant. On remarque aussi Pavan Malhotra, que Shahid retrouve après Jab We Met, parfait en tonton NRI acclimaté en Amérique.

Donc, au final, une distribution homogène et de qualité.

Badmaash Company est avant tout un film de professionnel, industriel, avec les qualités et les défauts qui en découlent. C’est un produit magnifiquement calibré, comme ces étalages de tomates parfaitement rondes, parfaitement rouges, parfaitement appétissantes… et en fin de compte parfaitement sans saveur mais qu’on mange par habitude. L’utilisation des acteurs est également irréprochable et le réalisateur sait promouvoir leurs atouts. Shahid est bien entendu le premier mis en valeur et ses fans seront comblés de le voir sous toutes les coutures… c’est-à-dire dans une multitude de costumes différents. Il aurait pu faire à lui tout seul le Deewangi Deewangi d’Om Shanti Om ! Avec et sans moustache, avec ou sans barbe, avec ou sans lunettes, en hindou, musulman ou chrétien, mais toujours plus habillé que Ranbir Kapoor, désolé mesdemoiselles. Certes il s’offre une petite transgression lors d’un baiser passionné avec Anushka Sharma, mais ce n’est pas le rôle de Karan qui lui fera perdre son tatouage géant de gendre idéal.

Une question qu’on peut quand même se poser, c’est de savoir ce que Badmaash Company a d’indien. A vrai dire rien, excepté qu’il réutilise sans complexe la trousse à outils indienne : morale, honnêteté, rédemption, famille, etc. Mais les outils de cette trousse sont des bas de gamme, des premiers prix, auxquels il ne faut pas demander trop d’efforts sous peine de rupture. Rien n’est creusé. Tout est dans l’apparence. Le principal est qu’il y ait ces références dans lesquelles le spectateur indien nage comme un poisson dans l’eau. Références tellement pratiques pour alléger les situations et éviter d’avoir à creuser les comportements.

La seule originalité, pour ne pas dire curiosité, du film vient du fait qu’il se passe à partir de 1994. Cette date pourrait avoir du sens dans un film un peu ambitieux puisque c’est à cette époque que l’Inde s’ouvre vraiment sur le monde et que ça aurait pu inspirer une réflexion un peu poussée. Mais ici, à part le fait d’aller en Amérique et de ressusciter Michael Jackson, on ne voit pas très bien ce que ce clin d’œil vient faire. D’autant plus que peu de choses signalent pendant le film qu’on est dans les années 90 à part les tours du World Trade Center ostensiblement affichées.

En résumé, Badmaash Company est un film très bien fait et extrêmement professionnel mais sans aucune recherche ni personnalité. Un produit de consommation courante, pasteurisé, avec de bons matériaux de base mais sans autre ambition que de faire de l’argent.

Si la vision de Shahid Kapoor fait systématiquement monter votre tension et vous fait oublier les tablettes de chocolat ou les boîtes de Pringles que vous êtes en train d’engloutir, ne ratez pas sa prestation. Tout y est : le charme, l’élégance (ne vous fiez pas à sa première coiffure digne d’une pub pour gel béton), l’humour et cette façon de plisser de l’œil à mi-chemin entre SRK et Jiminy Cricket. A coup sûr, un bon moment pour vous.

Si vous êtes modérément fan du beau gosse, gardez le film sous le coude pour un jour où vous attendez une livraison du facteur ou la visite du médecin. Si vous êtes interrompu, vous vous en remettrez.

Si vous ne pouvez pas le supporter, occupez-vous de l’histoire, sans originalité mais bien construite, digne des meilleurs téléfilms.

Dans tous les cas, vous retiendrez peut-être Shahid mais je prends le pari que vous aurez rapidement oublié le film. En attendant, 2 h 20 de légèreté, ça ne se refuse pas. Et puis à un moment, Chandu propose de tourner un film avec Madhuri, rien que pour ça, Badmaash Company mérite la moyenne.


Note : 5/10 - Pas indispensable. Si vous ne le voyez pas, vous vous en remettrez.


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