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Chanda, une mère indienne

Titre original : Nil Battey Sannata

LangueHindi
GenreComédie dramatique
Dir. PhotoGavemic U. Ary
ActeursRatna Pathak, Swara Bhaskar, Pankaj Tripathi, Riya Shukla
Dir. MusicalRohan-Vinayak
ParoliersManoj Yadav, Nitesh Tiwari, Shreyas Jain
ProducteursAlan McAlex, Ajay Rai, Anand L. Rai
Durée104 mn

Bande originale

Murabba
Maths Mein Dabba Gul
Maula
Maa
Chanda Theme

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Fiche IMDB
Page Wikipedia
La critique de Fantastikindia

Par Fabrizio - le 4 janvier 2017

Note :
(6/10)

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Premier film de la réalisatrice Ashwini Iyer Tiwari, Chanda, une mère indienne — Nil Battey Sannata de son titre hindi — sort enfin dans les salles françaises. Petit film charmant et regardable (mais ô combien oubliable !), il ne devrait pas manquer de plaire aux lecteurs assidus du catéchisme du feel good movie.

Chanda (Swara Bhaskar) est une jeune mère — fille-mère ? — qui se tue quotidiennement à la tâche. Non seulement elle enchaîne d’incalculables heures de travail, mais elle cumule aussi d’innombrables heures sup’ pour subvenir aux besoins de son humble foyer. Entre l’entretien de sa maisonnée, son travail de bonne chez des bourgeois bien comme il faut (du genre « progressistes » et miséricordieux), de laveuse sur les bords du fleuve, et d’ouvrière dans quelques usines, il lui reste très peu de temps pour s’occuper de sa fille Apeshka, dite Apu (Ria Shukla), une adolescente à la jeunesse effrontée se détournant des chemins de l’école.

Les mauvais résultats scolaires d’Apu nourrissent une profonde inquiétude chez Chanda, et ce d’autant plus qu’elle n’a pas les connaissances suffisantes pour l’aider — ce que l’adolescente (fan par ailleurs du bellâtre Ranbir Kapoor) ne manque pas de lui balancer à la figure : Oui ! Chanda est bonne à rien (Nil battey sannata, i.e. « incompétente » ou plus littéralement « le zéro divisé par le silence », expression aujourd’hui en désuétude). Peu importe les mots et les arguments utilisés avec sa fille, celle-ci ne veut rien entendre et encore moins étudier… elle excelle d’ailleurs dans l’apathie et l’indolence qu’elle cultive avec une grandeur désinvolte. Avec l’assurance insolente de l’adolescence, elle affirme à sa mère qu’elle sera, elle aussi — par déterminisme social, mais aussi par conformisme et facilité —, une simple femme de ménage !

Blessée dans son amour de mère dévouée, Chanda demande conseil à sa toujours bienfaisante et bienveillante patronne qui l’oriente vers une solution peu orthodoxe. C’est décidé — plié même —, pour sa fille elle reprendra les chemins de l’école (pour le plus grand malheur d’Apu qui voit son territoire envahi). Et ce qui n’était au départ qu’une entreprise de soutien scolaire deviendra au fil du temps une expérience transcendante pour la propre femme de ménage.

Chanda ou l’inconscience de classe

Si Chanda, une mère indienne propose une histoire et des personnages aussi originaux que rafraîchissants, loin des scénarios auxquels Bollywood nous a habitué, ce n’est pas pour autant que le film ne cède pas à la facilité. D’une facture bien trop lisse et proprette — à l’image de sa photographie impeccable — Chanda manque cruellement d’aspérité scénaristique. La bobine est formatée pour charmer dans les festivals internationaux : un peu d’inégalités sociales par-ci, une touche d’amour sacrificiel maternel par-là, un zeste de « rêvassez et persévérez fort, le ciel et le patronat vous aideront »… comment ne pas aimer ce prêchi-prêcha pour convertis socialement privilégiés ?

On pourrait résumer le message du film — par ailleurs fort dérangeant — par un « Rêvez très fort, travaillez dur, vous réussirez dans la vie ». Voilà une bonne nouvelle pour les quelques 700 millions de pauvres dans le monde et tous les autres assistés ! [1]. Rêvez, on vous dit !

Ce qu’il y a de pire c’est que Chanda, une mère indienne cultive inconsciemment — et nous le souhaitons fortement — un certain mépris de classe. Point de salut, et encore moins de dignité, pour le prolétariat (et n’en parlons pas du sous-prolétariat). « Chauffeurs de taxi et autres femmes de ménage votre travail est indigne », nous explique moralisatrice cette bobine ; le ciel est réservé aux docteurs, aux ingénieurs, aux questeurs et autres percepteurs d’impôts, métiers et carrières nobles par la grâce divine du Dieu Capital. Le Marxou doit se retourner dans sa tombe, car pour un film dit-on éminemment « social », il est étonnant que ce mépris soit aussi décomplexé.

Tout se passe finalement comme si la réalisatrice dénigrait inconsciemment tous ces métiers déshonorants, tout en évacuant les inégalités structurelles de caste et de genre, tout en prenant, aussi, un soin non moins délicat à ne surtout pas se salir les mains elle-même. D’où le fait que sa femme de ménage d’héroïne ne fasse jamais le ménage ! Car c’est bien connu, elles sont là pour les massages et la manucure. Dans ces conditions, et avec une patronne suprêmement gentille, qui en voudrait à la jeune Apu de vouloir en faire son métier ?


Chanda démontre d’ailleurs que c’est toujours bougrement marrant de voir comment les pauvres déploient des trésors d’imagination pour survivre et peut-être — avec l’aide miséricordieuse de leurs saints patrons — tenter de se construire un avenir. En ce sens, ce film, bien intentionné à souhait, nourrit un discours démopédique perturbant : investie d’un rôle moral — bonté et commisération sont d’ailleurs les valeurs du patronat magnanime — la patronne de Chanda (Ratna Pathak) la pousse à reprendre les bancs de l’école au mépris de son activité professionnelle. C’est aussi elle, du haut de sa position sociale privilégiée, qui convainc le directeur de l’école d’admettre sa bonne comme nouvelle élève… en faisant fi de la parole de son employée. Prise de parole, prise de pouvoir, c’est ce que l’on appelle — dans le jargon — l’occupation et la domination de l’espace sonore. Merci patron !

Un film au féminin

Si Chanda, une mère indienne possède des qualités c’est bien dans le choix de ses actrices, la pellicule passerait d’ailleurs haut la main le test de Bechdel-Wallace. Le seul rôle masculin un tant soit peu consistant c’est celui du directeur d’école, interprété par le remarquable Pankaj Tripathi. Au meilleur de sa forme, et d’une drôlerie sans conteste, il insuffle au film, avec le retrait suffisant, sa touche comique unique en incarnant une maître d’école aussi caricatural que mémorable.

Sinon, l’interaction entre les actrices et les personnages qu’elles campent est aussi d’une rare subtilité. Autant la relation entre Chanda et sa patronne — en termes de rapport de classe — est passablement abjecte ; autant elle est tendre et intelligente si l’on est sensible à cette solidarité féminine, suggérée comme étant aussi importante que la solidarité de classe. D’ailleurs, la patronne de Chanda la pousse à se former elle-même pour pouvoir aider sa fille. Leurs discussions sont donc centrées sur cette problématique éducative et non pas sur les difficultés éprouvées par Chanda dans sa situation de mère célibataire : jamais mentionné, son veuvage n’a aucune importance ! Pourquoi aurait-elle d’ailleurs besoin d’une relation sentimentale ou maritale ?

Ce nonobstant, la référence à l’indianité et à la condition de mère de Chanda dans le titre français de la bobine est pour le moins étrange, car elle ôte au film l’universalité de son propos. Qu’à cela ne tienne, le titre français possède tout de même l’intérêt de mettre en avant — au travers du personnage de Chanda — la remarquable actrice Swara Bhaskar, laquelle porte le film sur ses épaules. Déjà vue dans Prem Ratan Dhan Payo et dans les deux volets de Tanu Weds Manu, l’actrice a eu l’audace de pointer la misogynie des films de Bollywood, en particulier Raanjhanaa et le très conservateur Prem Ratan Dhan Payo (avec le non moins féministe Salman Khan qui bat les femmes parce qu’il les aime).

Apu (Ria Shukla), quant à elle, est insupportable et insolente. Elle est simplement désagréable, comme si sa principale (pré)occupation était de blesser sa mère. C’est une figure que l’on a déjà pu voir dans le très English Vinglish, avec Sridevi. Cependant,si l’actrice traduit toute la cruauté de l’adolescence, elle n’a toutefois pas la grâce rebelle des adolescents effrontés.

Pour finir, Chanda travaille aussi, avec intelligence, la désaffection des filles vis-à-vis des mathématiques — la bête noire d’Apu ! — sans que ce soit pour autant le sujet du film. On décèle derrière ce choix de la réalisatrice sa perception du rôle sélectif joué par cette matière scolaire, ainsi que par les attentes genrées des enseignants. Il est finalement plaisant de constater que l’histoire, difficile et un peu chaotique, de cette mère et de son enfant, puisse retrouver un peu d’ordre grâce à l’exercice de cette discipline scientifique.

Conclusion

Si les personnages de Chanda, une mère indienne enchaînent les leçons d’algèbre et d’arithmétique, le film n’est toutefois pas une leçon de cinéma. Et plutôt que de résoudre des équations ou poser des problèmes essentiels, il s’empêtre dans des mauvais calculs scénaristiques… qui ne manqueront pas de plaire aux apôtres de l’innocence et de la simplicité — que disons-nous ? de la facilité !

C’est si facile — à vendre et à faire aimer — que la réalisatrice a repris la même histoire et a refait — plan par plan — son film en tamoul (on raconte même que ça s’appelle Amma Kanakku)… la seule différence étant que les photos d’adonis de Ranbir ont été remplacées par celles des très virils Vijay, Prabhu Deva et Dieu Tout-Puissant (Rajni évidemment !).

Sinon, l’abject carton de fin, ayant valeur de CQFD mathématique, finit par couler ce film :

À la plus belle création de Dieu : Maman [2]

… comme si le sacrifice maternel était le via crucis obligé vers leur apothéose. Drôle de réduction des femmes dans leur « rôle » de Mère Courage.

Chanda, une mère indienne n’est pas non plus une leçon de féminisme, car il n’est pas vraiment question de la condition ou des problématiques féminines dans cette bobine de 1h44. Entre autres parce que le film ne signale jamais que l’éducation des filles puisse conduire vers leur émancipation — autonomisation ou empowerment [3]. Il assène au contraire que la scolarité doit permettre tout juste de changer de statut social. Et pour changer de classe sociale il faut surtout savoir rêver. Les surdéterminations structurelles du modèle économique et la division de travail n’existent pas dans ce monde parfait…. et encore moins les discriminations de caste et de genre [4].

Bien que Chanda soit un film au contenu très moyen, il se regarde pour le talent de ses actrices. La bonne nouvelle c’est qu’il fait partie de ces pellicules faites par des réalisatrices (Leena Yadav, Ashwini Iyer Tiwari, etc.) et qui sont scénarisés au féminin (Neerja, La Saison des femmes, Déesses indiennes en colère).


Bande-annonce


[1Mais bon… quel validité accorder aux chiffres des enc%$ !# de la Banque Mondiale ?

[2Mouais… on dirait une citation du bon vieux Meursault : « Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. »

[3D’ailleurs, Chanda veut imposer un destin et un métier à son adolescente… c’est sacrément féministe !

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