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Gabbar Is Back

Traduction : Gabbar est de retour

Bande originale

Teri Meri Kahaani
Coffee Peetey Peetey
Aao Raja
Warna Gabbar Aa Jayega

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La critique de Fantastikindia

Par Mel - le 5 novembre 2015

Note :
(7.5/10)

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Un homme (Akshay Kumar) pianote sur le clavier de son ordinateur. Des listes de noms défilent sur son écran. Un à un les hommes sont enlevés. Au total, ce seront dix tehsildar [1] du Maharashtra qui disparaîtront mystérieusement. Neuf d’entre eux sont relâchés tout aussi mystérieusement tandis que le dixième est retrouvé pendu au milieu d’un carrefour très fréquenté, un dossier attaché autour du cou. Le message de revendication transmis par les ravisseurs laisse les enquêteurs interloqués : le coup a été fait par un certain Gabbar. Avec son nom de méchant de cinéma [2] il se présente comme un héros qui vise à éradiquer la corruption qui gangrène le pays. Chaque vendredi, un tehsildar cessera de s’engraisser sur le dos des citoyens, volontairement ou parce qu’il aura rejoint le père éternel.

Sans aucune piste ni le moindre indice, les autorités pataugent. Sadhuram (Sunil Grover), un simple chauffeur d’un des officiers supérieurs de la police, a bien des idées pour attraper le fameux Gabbar mais on ne l’écoute pas. Personne ne sait donc que celui qui terrorise tous les corrompus du pays est un simple professeur d’université qui se nomme Aditya. Et quand des voyous s’en prennent à la fac, c’est lui qui joue des poings pour leur apprendre à troubler les cours…

Sanjay Leela Bhansali a réédité avec Gabbar is Back le même coup qu’avec Rowdy Rathore. Il a produit la version hindi d’un grand succès commercial déjà refait deux fois. Au début, il y avait Ramanaa écrit et réalisé par A. R. Murugadoss. Ce blockbuster tamoul de 2002 a été reproduit ensuite en telugu sous le nom de Tagore, puis en kannada cette fois nommé Vishnu Sena. L’histoire est à chaque fois globalement la même avec cependant de légères variations. En particulier la fin — que je ne décrirai pas —, diffère dans la forme comme dans le fond d’une version à l’autre. La nouveauté réside avant tout dans la mise en œuvre de moyens conséquents et d’une mise en image bien plus moderne. On retrouve donc une ambiance de masala du Sud avec un héros charismatique, de l’humour, des bagarres, de l’émotion, des méchants, ou encore des jolies filles qui ne servent à rien. Il ne faut pourtant pas croire que c’est un film banal comme on en a déjà vu des dizaines.

Gabbar est ce vengeur original qui s’attaque au Mal. Comme tous les superhéros, il n’agit pas pour lui-même, mais pour le bien des autres. Sauf qu’ici, les autres, c’est la société indienne tout entière. Son adversaire n’est pas un super-méchant — bien qu’il y en ait un —, c’est une maladie de la société qui se propage par l’intermédiaire d’hommes tristement ordinaires. Les auteurs ont repris le format archiconnu d’un Singham et autre Wanted pour faire un film aux ambitions d’un Prakash Jha. Gabbar is Back est une sorte de mélange des genres ultime : un masala politique. Certains pourront trouver le traitement populiste, et il l’est assurément. D’autres pourront y voir le désespoir d’un monde qui a besoin d’un messie pour se sortir de ses propres travers mortifères.

Les films indiens qui dénoncent la corruption sont légion. En général ils ciblent le soutien qu’achète un parrain mafieux, d’autres comme Gali Gali Chor Hai essayent d’en rire. Aucun ne propose de solutions. Gabbar is Back, lui, attaque crânement le sujet sous deux angles opposés : celui simpliste qui consiste à punir quelques corrompus pour faire peur aux autres ; l’autre qui consiste à inciter la jeunesse à la rébellion, considérant qu’elle est l’avenir de la nation. La première approche est la source de divertissement du film, la seconde tente de faire réfléchir. Ce double traitement totalement inhabituel donne une profondeur surprenante à un film qu’on aurait pu imaginer décérébré.

Il ratisse large en évoquant la corruption dans plusieurs milieux : les impôts, la police, la construction, la justice, la médecine etc. Il fait même allusion au drame du suicide des fermiers. À chaque fois, Gabbar s’interpose. Mais comme la morale ne peut pas cautionner le meurtre, Aditya est un personnage solitaire, ambivalent et fracassé par la vie. C’est une sorte de pendant indien de Bruce Wayne ou de Peter Parker, passé comme eux de l’autre côté à la suite d’un drame familial. Mais à la différence de ses « collègues » américains, il n’a pas besoin de costume ni de super-pouvoirs. Les auteurs cherchent même à nous le rendre aussi humain que possible.

Quoi de mieux qu’un personnage féminin pour humaniser un héros implacable ? C’est justement le rôle de Shruti (Shruti Haasan), une jeune avocate sur laquelle il tombe par hasard en rentrant un soir chez lui. Elle est aussi charmante que pimpante. Elle tente même une petite amourette. Mais il n’y a rien à faire, le héros est un roc. Il a surtout d’autres choses à penser. En réalité, les femmes n’ont rien à faire dans cette histoire, ce qui constitue un des aspects les plus décevants du film. Il nous montre une Inde bien plus moderne que ses prédécesseurs du Sud mais qui n’a pu s’affranchir de la misogynie rampante des masala d’action. On se croirait presque dans Kick. C’est d’autant plus dommage qu’on sent à chaque instant à quel point Shruti Haasan est sous-employée.

Ce regret est un peu atténué par l’apparition presque miraculeuse de Kareena Kapoor au détour de Teri Meri Kahaani, une formidable chanson qui raconte en quelques minutes et sans paroles le passé d’Aditya. Elle est parfaite avec parfois un voile très émouvant dans le regard comme elle avait su le faire dans Talaash. La musique et les paroles sont ordinaires, mais la mise en scène des jours heureux du futur Gabbar nous attache à lui tout en nous faisant comprendre sa motivation profonde.

Pour que le personnage principal soit crédible, il fallait un acteur à l’aise dans les combats et capable d’intérioriser ses blessures. On savait depuis longtemps Akshay Kumar capable de se battre avec conviction, mais ce n’est que depuis quelques années qu’il montre de réels talents d’acteur. Il cabotine encore de temps en temps comme dans Boss ou l’effroyable Entertainement, mais il était aussi des aventures de Baby et de Special 26. La direction d’acteurs de Krish, un réalisateur à succès qui travaille principalement dans l’industrie telugu, n’est pas d’une très grande originalité, mais elle est efficace. Tous les personnages sont convaincants et à leur place. La mise en images est elle aussi exempte de reproches, sans non plus laisser de place à la surprise. Le rythme est enlevé, ponctué par des scènes d’action très correctement chorégraphiées.

Gabbar is Back nous propose quatre chansons toutes intéressantes à un titre ou à un autre. Le film s’ouvre avec Warna Gabbar Aa Jayega, un rap de Manj Musik qui sert en fait de bande-annonce et nous plonge en un clin d’oeil dans l’histoire. Coffee Peetey Peetey, destiné à mettre Shruti Haasan en valeur, est peut-être le morceau le plus faible. Il souffre surtout de la comparaison avec Teri Meri Kahaani dont la musique reste en tête. La ravissante Chitrangada Singh nous gratifie quant à elle d’un véritable item-number avec Aao Raja composé par Yo Yo Honey Singh. Les spectateurs indiens ont certainement ouvert des yeux ronds devant tant de skin show. C’est à croire que Sunny Leone a créé une nouvelle tendance. Mais la merveilleuse actrice de Hazaaron Khwaishein Aisi est aux antipodes de l’ex-star de porno canadienne. C’est donc avec beaucoup d’élégance qu’elle se sort de cet exercice difficile.

Le seul, l’unique, le vrai méchant serait de retour dans Gabbar is Back ? Non. Les auteurs nous convient dans ce remake à un masala plutôt malin où Akshay Kumar joue au gentil méchant. On pouvait s’attendre à une succession de pugilats entremêlés de chansons. Il y en a bien sûr, mais l’essentiel est ailleurs. Quand la lumière se rallume, on se dit qu’on a vu un bon film qui a passé bien trop vite.


[1Un tehsildar est un officier chargé de la collecte des impôts.

[2Gabbar est le nom du méchant de Sholay interprété par Amjad Khan. Ce personnage est devenu tellement célèbre qu’il a inspiré des dizaines de films. Dans l’imaginaire cinématographique de Bollywood, il s’agit du Méchant ultime.

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