Indian
Traduction : Indien
Langue | Tamoul |
Genre | Masala |
Dir. Photo | Jeeva |
Acteurs | Kamal Hassan, Urmila Matondkar, Manisha Koirala, Aruna Irani, Nedumudi Venu, Crazy Mohan |
Dir. Musical | A. R. Rahman |
Paroliers | Vaali, Vairamuthu |
Chanteurs | Hariharan, Harini, K. J. Yesudas, Swarnalatha, S. P. Balasubrahmanyam, P. Susheela |
Producteurs | Jhamu Sughand, A. M. Rathnam |
Durée | 185 mn |
Chandra Bose (Kamal Hassan) est un fonctionnaire indien corrompu dont l’unique préoccupation est d’obtenir de l’avancement. Outre les nombreux pots-de-vin qu’il accepte, il n’hésite pas à délaisser sa compagne Ishwarya (Manisha Koirala) pour faire la cour à Sapna (Urmila Matondkar) parce que cette dernière est la fille de l’un de ses supérieurs.
Pourtant, le père de Chandra, Senapathy (Kamal Hassan) a une personnalité bien différente. Ancien combattant pour la liberté, il ne s’est jamais remis d’avoir perdu sa fille à cause de la mauvaise volonté de policiers et de médecins corrompus ; pire, il a pris la décision de tuer purement et simplement tous les fonctionnaires qui se font graisser la patte. Lorsqu’il est filmé en train d’assassiner le médecin qui avait refusé de soigner sa fille sans un pot-de-vin, son action devient même extrêmement populaire…
Indian est l’un des films les plus typiques du célèbre cinéaste tamoul Shankar, avant tout pour son scénario et son protagoniste, Senapathy : au nom d’un patriotisme fervent, celui-ci lutte en effet contre les vices de ses compatriotes, notamment en ayant recours à la violence contre les fonctionnaires corrompus, apparemment considérés par le personnage (porte-parole du scénariste-réalisateur ?) comme la lie de la société indienne. En outre, loin d’être unanimement condamné, ce criminel en série devient un véritable héros du peuple, une ficelle énorme qui fonctionne uniquement grâce à des scènes mélodramatiques efficaces (par exemple la mort de sa fille) permettant une certaine empathie du spectateur. Pour ce dernier, en tout cas le spectateur occidental, le propos de Shankar peut donc paraître très démagogique dans l’ensemble, mais le trait est tout de même moins épais que dans certains films suivants du réalisateur (Anniyan, Sivaji), soignés mais encore plus commerciaux.
Car, malgré les apparences, Indian n’est pas seulement un film de propagande comme en financent certains producteurs indiens (on peut citer les films de guerre anti-pakistanais de Bollywood, qui sont cependant bien plus abrutissants), mais aussi un masala, un divertissement populaire bien huilé : à côté du personnage de septuagénaire sanguinaire que s’échine à défendre un Kamal Hassan méconnaissable (l’acteur s’est fréquemment vieilli pour ses rôles, comme dans Nayakan ou Hey Ram), on trouve un autre Kamal plus nature dans le rôle du fils un peu magouilleur mais sympathique qui a droit à la traditionnelle romance, ici double puisqu’il flirte à la fois avec Manisha Koirala et Urmila Matondkar, deux actrices charmantes déjà connues à Bollywood à l’époque (autrement dit deux arguments commerciaux pour attirer également les spectateurs de cinéma dans la Hindi Belt, la ceinture hindiphone du nord de l’Inde).
Parmi les autres ingrédients du masala, on retrouve aussi des chansons agréables composées par AR Rahman et, comme c’est souvent le cas chez Shankar, mises en images avec une grande inventivité : on se souviendra entre autres d’un morceau chanté et dansé présentant les personnages sur des escaliers dont les perspectives impossibles s’opposent les unes aux autres, inspirés des oeuvres d’Escher et créés par effets spéciaux.
Enfin, les séquences d’action plutôt violentes, un élément typique des masala du sud de l’Inde, nous confirment une nouvelle fois que Shankar est un très bon technicien, qui a toujours su utiliser un montage serré pour proposer des scènes percutantes.
Au final, Indian est un bon divertissement corsé qui ne fait pas dans la dentelle, dont la flamme patriotique sincère crée assez de fièvre réjouissante pour qu’on ne s’ennuie pas durant trois heures, ce qui est la meilleure preuve qu’on est en présence d’un bon faiseur. Dans le même genre, Shankar fera mieux avec son film hindi Nayak, dont la critique sociale est plus fine, mais il brassait déjà avec talent dans les années 90 les thématiques controversées qui lui sont chères. Il est en outre servi par Kamal Hassan, l’un des comédiens indiens les plus talentueux qu’on connaît mieux pour ses beaux films à thème (Hey Ram, Virumandi, qu’il a tous deux réalisés), et qui tire ici son épingle du jeu dans un double rôle risqué.