Ae Dil Hai Mushkil
Traduction : L'amour c'est compliqué
Langue | Hindi |
Genre | Mélodrame / Romance |
Dir. Photo | Anil Mehta |
Acteurs | Aishwarya Rai Bachchan, Ranbir Kapoor, Anushka Sharma, Lisa Haydon, Fawad Khan |
Dir. Musical | Pritam Chakraborty |
Parolier | Amitabh Bhattacharya |
Chanteurs | Arijit Singh, Jonita Gandhi, Shilpa Rao, Ash King, Nakash Aziz, Badshah, Amit Mishra, Shashwat Singh, Pradeep Singh Sran |
Producteurs | Karan Johar, Hiroo Yash Johar, Apoorva Mehta |
Durée | 157 mn |
Ae Dil Hai Mushkil c’est l’histoire des amours d’Ayan (Ranbir Kapoor) et d’Alizeh (Anushka Sharma), ainsi que de leur relation à tous les deux, qui se cherche un nom.
L’avis de Marine :
Comme ces réalisateurs qui ont offert des chefs-d’œuvres au public au début de leurs carrières — je pense à Aditya Chopra et son célèbre Dilwale Dulhania Le Jayenge — Karan Johar est attendu à chacun de ses films. La pression est forte et la déception peut facilement s’inviter. Doit-on parler de Student of the Year fustigé par la critique ? [1] Ainsi, après une bande-annonce très alléchante, je m’attendais à pleurer toutes les larmes de mon corps. Au fur et à mesure que le film se déroulait sous mes yeux, je me suis demandée : « et maintenant ? je pleure ? ». Et bien non. Je ne me suis attachée à aucun des personnages, que finalement on ne connait pas vraiment. Les trois seules petites larmichettes qui m’ont échappées étaient dues à la situation difficile d’un des personnages, à la fin du film. En trois minutes à l’écran Shah Rukh Khan a apporté plus d’émotions que Ranbir, qui ramait pour ça depuis plus d’une heure et demie. Pourtant le scénario a tout fait pour que ce soit larmoyant. Mais rien à faire, impossible de pleurer avec eux.
Par contre, j’ai bien ri en leur compagnie. La première partie du film est particulièrement drôle. Les cinéphiles compteront les innombrables références au cinéma indien que contient Ae Dil Hai Mushkil : An Evening in Paris, Chandni, Rockstar, etc.
Ranbir sait très bien faire le comique… s’il lui fallait encore le prouver (Ajab Prem Ki Ghazab Kahani). Sa version de Baby Doll est inénarrable et le voir imiter son père, petit pull noué sur les épaules, dans Chandni est savoureux [2]. Avec Anushka c’est un couple qui fonctionne bien à l’écran. On s’amuse avec eux et on apprécie cette belle amitié. On a même envie de partir avec eux — dans le jet privé bien sûr. J’ai beaucoup apprécié le look d’Alizeh, mais j’ai regretté qu’on ne ressente pas davantage son amour fou pour Ali (Fawad Khan). Ce dernier n’est pas très présent, mais avec Aishwarya ils ajoutent une touche de glamour au film. Aishwarya est une magnifique inspiratrice pour Ranbir, elle est sensuelle, sexy, divine (à une vilaine paire de bottines près). Mais son personnage est vite passé en revue lui-aussi.
Moi qui suis fan des chansons de cœurs brisés — Tujhe Yaad Na Meri Aayee de Kuch Kuch Hotai Hai, Dost Dost Na Raha de Sangam ou Bhula Dena d’Aashiqui 2 — j’ai été servie avec Ae Dil Hai Muskil. La chanson titre d’abord, qui a été un véritable phare pour m’attirer jusqu’au film. Bulleya ensuite, une superbe complainte énergique et prenante. L’amusante Breakup Song aurait parfaitement pu illustrer la fête de rupture de Jai et Meera dans Love Aaj Kal. Elle permet aussi d’introduire le rapide caméo de la jeune Alia Bhatt. En tout cas, son fugace passage m’a rappelé que j’aime décidément beaucoup ce petit bout de femme. Au point de m’encourager à vouloir voir Student of the Year pour mieux apprécier le chemin qu’elle a parcouru ! Cette bande-originale est donc à ce jour mon coup de cœur de l’année.
Pour conclure, la musique et les images sont très belles (tout comme les actrices). La première partie du film est vraiment amusante, mais j’ai trouvé la partie « histoire d’amour/amitié » moins convaincante. Dans ce rayon, en 2016, j’ai préféré Baar Baar Dekho sorti il y a quelques semaines. Si dans Kuck Kuch Hota Hai l’amour, c’était l’amitié, dans Ae Dil Hai Mushkil, l’amitié ce n’est pas forcément l’amour. Karan Johar essaye de faire évoluer son propos, ce qui en soi n’est pas une mauvaise chose, mais j’ai perdu quelque chose. Pour moi il y a une petite déception quand même par rapport à l’attente.
Je suis tombée amoureuse du cinéma indien avec Kabhi Kushi Kabhie Gham du même réalisateur. Et quand je repense aux torrents de larmes que ce film et Kuch Kuch Hota Hai, par la suite, m’ont fait verser, avec Saba j’ai bien envie de dire à Karan : « Ô mon amour, ne me demande pas d’aimer comme avant ».
Ma note : 6.5/10
L’avis de Gandhi Tata :
En l’espace de 18 ans Karan Johar est devenu une véritable marque à Bollywood. Si bien que sa liste de productions est bien plus longue que celle de ses réalisations, qui ne compte que six œuvres. Alors, que vaut encore Kjo derrière la caméra, quand il ne fait pas la bonne copine des stars à la TV ou aux soirées mondaines, et/ou estampille tout et n’importe quoi de son nom sous prétexte de le produire ?
Perso, en allant voir son sixième long-métrage intitulé Ae Dil Hai Mushkil, j’avais un peu peur… même très peur, car je n’aime pas Karan Johar et si je devais choisir entre son Kuch Kuch Hota Hai et Dilwale Dulhania Le Jayenge (DDLJ) d’Aditya Chopra, qui ont relancé le concept Bollywood (tel qu’on le connait en Europe durant la seconde moitié des années 90) et bien le choix est vite fait ! Le couple SRK-Kajol est bien plus attachant dans DDLJ que dans KKHH dont je n’ai que moyennement apprécié l’esprit et le message assez tordu : l’amitié entre un homme et une femme finit toujours par virer à l’amour… Non pas que je sois un fervent opposant à cette idée, puisque l’amitié peut être une formidable base pour bâtir une relation amoureuse, mais le message du film tendait à conforter une vieille idée reçue : l’amitié est impossible entre hommes et femmes. Est-ce qu’Ae Dil Hai Mushkil est le film de la maturation pour Karan ? Il semble bien que oui…
D’ailleurs Ae Dil Hai Mushkil reprend deux des thèmes de Kuch Kuch Hota Hai, l’amitié et l’amour. Le film démarre avec la présentation des deux personnages principaux, Ayan et Alizeh, qui se croisent à une soirée et passent rapidement à la suite… Cependant, du flirt au premier baiser échangé, ça ne s’embrase pas, mais ça rit aux éclats. Ainsi, à la place de la traditionnelle histoire d’amour compliquée bollywoodienne, on a droit à une formidable amitié qui se dessine au fil des péripéties plus au moins sérieuses. Mais les relations humaines ne sont pas si évidentes que ça et la confusion rapplique de manière cyclique au cours de leur histoire. Le film nous embarque alors dans ce périple où ce lien assez spécial entre Ayan et Alizeh, va se chercher et sera mis à rude épreuve.
Est-ce de l’amour ? De l’amitié ? Ou quelque chose entre les deux ? Cette question reste volontairement ouverte jusqu’au bout et chacun peut se faire sa propre idée. Cette approche de Karan Johar est de mon point de vue la grande qualité du film. Elle témoigne également du renouveau d’un réalisateur qui livre ici un film beaucoup plus mature que ses précédents. Là où Kuch Kuch Hota Hai cherchait absolument à étiqueter d’amour la relation entre les personnages principaux, Ae Dil Hai Mushkil insiste sur l’attachement et la force de leur rapport, où chacun aime l’autre à sa façon, sans chercher à normaliser ou certifier cela. Oui, il y a parfois de l’attirance pour l’un, de la complicité pour l’autre, de la solidarité, une confiance mutuelle, de la colère, et surtout, ce poids qui pèse sur le cœur quand la distance s’installe. L’amitié est compliquée avec le sexe opposé, mais au-delà de l’attraction, il y a cette émotion indéfinissable, qui cimente ce lien pour toujours.
À côté de ce regard assez adulte, il y a aussi un traitement exigeant et j’ai senti beaucoup de respect et d’attachement de Karan Johar à ses personnages, Ayan et Alizeh. Car, contrairement aux règles du cinéma hindi où il est d’usage d’emmener son couple à la fin heureuse avec le mariage, Kjo n’a pas du tout cherché à fondre les destins de ces héros : il leur donne des trajectoires différentes sans pour autant nuire à leur alchimie. Ce bon point se révèle aussi comme une faiblesse, puisque ce trop-plein d’attention porté à Ayan et Alizeh nuit mécaniquement aux personnages secondaires, Saba et Ali, qui auraient mérité un tout autre traitement. Surtout qu’ils participent grandement à l’émancipation personnelle, pour Ayan, et sentimentale, pour Alizeh, à un moment de leur vie où chacun d’eux va dans une direction opposée. Si Saba est une sorte de muse qui va révéler l’artiste qui sommeille en Ayan, Ali représente le confort du mariage menant à la déception sentimentale.
Le film se divise en deux parties et Karan Johar a suivi le chemin assez classique d’une comédie dramatique bollywoodienne, où la légèreté du premier acte, qui nous permet de nous attacher aux personnages, laisse place à une seconde portion beaucoup plus grave et qui soulève de nombreuses questions auxquelles les personnages devront répondre. Karan s’est beaucoup inspiré de trois œuvres cinématographiques et littéraires pour l’écriture d’Ae Dil Hai Mushkil : Rockstar d’Imtiaz Ali, Devdas de Sarat Chandra Chatterjee et Umrao Jaan de Mirza Hadi Ruswa.
Ces inspirations semblent avoir influé sur ses choix de casting car deux des acteurs principaux ont déjà joué dans les adaptations citées plus haut, et s’en sont naturellement nourris pour bâtir leurs personnages. Ranbir Kapoor, qu’on a vu dans Rockstar, a littéralement rejoué le rôle du rockeur au cœur brisé du film d’Imtiaz Ali en interprétant Ayan. Les deux destins sont assez proches, à la différence que là où l’un cherche délibérément la déception sentimentale pour insuffler de l’émotion dans ses performances, l’autre se découvre cette qualité en affrontant la désillusion amoureuse. La seconde partie du film calque beaucoup sa construction sur Devdas, où chaque personnage s’éloigne de l’autre, suivant sa propre trajectoire, mais en conservant un sentiment d’amour-haine qui rejaillit à chacune de leur rencontre. Le personnage de muse, joué par Aishwarya Rai, nous rappelle la Chandramukhi de Devdas, puisqu’elle accompagne, réconforte et soigne Ayan, durant sa convalescence sentimentale. Mais Saba ne se limite pas à jouer les infirmières du cœur et va permettre au héros de se révéler et de trouver l’artiste qui sommeillait en lui, grâce à ses talents de poétesse, comme Umrao Jaan. Au demeurant, Aish a porté le personnage d’Umrao Jaan, et le rôle de Saba est très proche de celle de la célèbre courtisane du XIXe siècle. Saba est une femme d’âge mûr, très moderne, qui assume sa liberté sexuelle et revendique tout haut son indépendance.
Même si Ranbir et Aish sont en terrain connu avec des personnages qu’ils connaissent déjà, d’une certaine façon, ils sont irréprochables et excellents dans leur exécution. Néanmoins, celle qui rafle la mise et éclabousse la concurrence de toute sa fraîcheur et spontanéité, c’est Anushka Sharma ! C’est un véritable plaisir de voir évoluer l’actrice sous les traits d’Alizeh. Anushka parvient à insuffler tellement vie à ce personnage, qu’on s’y attache instantanément. De manière assez surprenante, c’est bien elle qui apporte beaucoup à l’alchimie avec Ranbir Kapoor, avec une aura assez exceptionnelle, à la fois lumineuse et positive, elle infuse une telle sincérité et bienveillance dans son jeu, qu’on y adhère totalement. On peut aussi, au passage, comprendre la confusion du personnage d’Ayan, car Alizeh est effectivement irrésistible et touchante, et c’est impossible de ne pas en tomber amoureux.
Si on peut déplorer quelques baisses de régime, ici et là, et surtout dans un final qui part un peu dans tous les sens, Ae Dil Hai Mushkil est le film le plus abouti de son réalisateur, sans pour autant être son meilleur. Les spectateurs lui préféreront certainement Kuch Kuch Hota Hai ou La famille indienne, qui restent de véritables Bollywoods. Toutefois, pour ce qui me concerne, le rythme est mieux maîtrisé, à l’exception de quelques cafouillages. L’alchimie entre les personnages principaux fonctionne à merveille. J’aurais aimé en savoir plus sur les personnages secondaires, qui demeurent à mon goût, injustement effacés, alors que leur contribution est importante dans l’évolution d’Ayan et Alizeh.
Enfin, techniquement, Ae Dil Hai Mushkil offre une bande-son efficace du compositeur Pritam qui a su trouver le parfait équilibre entre balades aux mélodies imparables et morceaux dansants teintés d’électro, mais écoutables. Pour l’amateur de bonne musique hindi que je suis, cet album relève un peu le niveau pâlissant de la production musicale de Bollywood, en perte d’inspiration depuis quelques années.
La photo a été confiée au chef opérateur Anil Mehta, connu pour avoir été aux commandes de gros projets comme Lagaan, Veer-Zaara et Kal Ho Naa Ho. En technicien d’expérience, Anil Mehta n’a pas cherché à nous en mettre plein la vue en privilégiant les décors exotiques au détriment des personnages principaux. Il a énormément insisté sur la proximité entre Ayan et Alizeh pour rendre à l’écran ce duo d’énergie et de bonne humeur qu’ils forment tout au long du long-métrage. Pour rassurer les fans de Bollywood et atténuer mes propos, sachez qu’Ae Dil Hai Mushkil n’échappe pas à certains clichés du genre, comme la fameuse scène de mariage, le côté paillettes de certaines scènes et la vision assez caricaturale du réalisateur sur le mode de vie occidental des NRI (indiens expatriés). Mais heureusement le fond et le propos du film rattrapent ces égarements et placent Ae Dil Hai Mushkil parmi ces films qui cherchent à renouveler le genre de la comédie romantique et faire évoluer les mentalités quant aux rapports homme-femme.
Ma note : 7.5/10
[1] Mais je pourrais aussi évoquer Rab Ne Bana Di Jodi pour Aditya Chopra, qui à aucun moment ne m’a bouleversée.
[2] Retrouver les références est un jeu dont je ne me lasse pas.