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Bollywood en chansons : 1950-1954

Publié jeudi 5 octobre 2017
Dernière modification lundi 11 septembre 2017
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Par Mel

Dossier Bollywood en chansons
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Dastan

Année : 1950
Réalisation : A.R. Kardar
Avec : Veena, Suraiya, Raj Kapoor, Al Nazir, Suresh et Shakila
Box Office : n°3 , Hit

Le film : A.R. Kardar et Mehboob Khan ont eu des destins parallèles. Tous deux ont débuté comme acteurs au temps du muet et ils étaient même beau-frères depuis que Mehboob Khan a épousé la sœur d’A.R. Kardar. Ils ne se sont jamais cachés d’être musulmans et ont marqué leur temps comme producteurs/réalisateurs à Bombay dès les années 1930. Il semble aussi qu’ils aient été tentés de migrer au Pakistan en 1947, mais ils sont revenus en Inde où ils ont poursuivi leurs formidables carrières. Alors que Mehboob Khan soutenait souvent des messages politiques dans des œuvres ambitieuses, A.R. Kardar s’est principalement consacré à porter la musique de leur ami Naushad dans des films plus légers.

C’est ainsi qu’il réalise Dastan (« Histoire ») en 1950. Malgré son scénario inspiré d’Enchantment, un film américain sorti deux ans plus tôt, cette tragédie s’inscrit clairement dans la modernité de l’âge d’or du cinéma indien. Elle se libère en effet de l’« honneur » qui écrasait si souvent les individus et en particulier les femmes les années précédentes. Si l’amour est impossible, ce n’est qu’en raison de la méchanceté mortifère d’une seule personne sans que les pesantes traditions soient invoquées.

Dastan conte l’histoire d’Indira, une petite orpheline adoptée par un riche veuf de la bonne société de Bombay. Elle devient un membre à part entière de la fratrie composée des deux garçons inséparables Raj et Kundan, et de Rani, leur sœur tyrannique. Leur père meurt et les quatre enfants grandissent seuls dans la magnifique demeure familiale.
Douze ans plus tard, le fantasque Raj (Raj Kapoor) et la douce Indira (Suraiya) tombent amoureux l’un de l’autre. Kundan (Al Nazir) vibre aussi pour sa demi-sœur mais n’ose pas se déclarer. Rani (Veena) toute à sa détestation d’Indira, manigance pour la marier à Ramesh (Suresh), un ami de Raj revenu d’Europe. La petite famille éclate…

La chanson : Aaya Mere Dil Mein Tu de Naushad et Shakeel Badayuni
Raj, Kundan et Indira ont menti à Rani en disant aller assister un spectacle à l’université. En réalité, ils sont sur scène pour jouer Le Voleur de Bagdad. Raj fait le voleur alors que Kundan interprète le calife sur son trône. Indira chante et danse sous les yeux de ses demi-frères…

Aaya Mere Dil Mein Tu interprétée par Suraiya


Awaara


Année : 1951
Réalisation : Raj Kapoor
Avec : Nargis, Raj Kapoor, Prithviraj Kapoor, Leela Chitnis et Cuckoo
Box Office : n°1 , Blockbuster

Le film : Après les succès considérables de Aag et de Barsaat, Raj Kapoor produit et réalise avec Awaara (« Le Vagabond ») son œuvre la plus personnelle jusqu’alors. Il réunit pour une variation autour du thème de la prédestination ses acteurs habituels tels que Nargis et K.N. Singh, et leur adjoint des membres de sa propre famille : son père Prithviraj, son jeune frère Shashi et son beau-frère Prem Nath.

Le scénario lui a été apporté par K.A. Abbas, un auteur de cinéma prolifique, lui-même réalisateur et critique renommé dans le Bombay Chronicle, Filmindia puis Blitz. Sans être véritablement communiste, K.A. Abbas était imprégné à la fois de socialisme et d’humanisme. C’est à lui que Raj Kapoor doit son personnage d’homme simple au grand cœur, parfois presque clochard, créé dans Awaara. C’est ici un « prolétaire » que les hasards de la naissance auraient pu faire « bourgeois ». Mais K.A. Abbas est Indien et sait aussi ne pas aller trop loin. S’il s’interroge sur le destin de classe, il ne va pas jusqu’à questionner celui de caste. La religion reste en filigrane.

Une des grandes forces d’Awaara est de s’appuyer sur des sentiments humains universels. Ainsi, c’est la jalousie qui pousse le juge Raghunath (Prithviraj Kapoor) à jeter sa femme enceinte (Leela Chitnis) à la rue. Il est persuadé contre toute évidence que l’enfant qu’elle porte est celui du bandit Jagga (K.N. Singh). Le petit Raj (Shashi Kapoor) naît donc dans le caniveau et se plonge quelques années plus tard dans les trafics en tout genre sous la coupe de Jagga. Lorsqu’il fréquentait les bancs de l’école, il s’était épris de la gentille Rita puis leurs chemins s’étaient séparés. Des années plus tard, alors qu’il cherche à se cacher au hasard d’une course poursuite avec la police, Raj (Raj Kapoor) se retrouve nez-à-nez avec Rita (Nargis) qui a été adoptée par le juge Raghunath. Ils tombent amoureux, mais Raj se sent terriblement coupable de son parcours criminel…

La chanson : Dam Bhar Jo Udhar de Shankar-Jaikishan et Shailendra
Raj et Rita viennent de se retrouver. Ils ont passé l’après-midi à la plage et finissent la soirée sur un petit bateau sous la lune. Rita chante son amour tandis que Raj ne peut se résoudre à lui avouer qu’il est un voleur.

Dam Bhar Jo Udhar chantée par Lata Mangeshkar et Mukesh


Aan


Année : 1952
Réalisation : Mehboob Khan
Avec : Dilip Kumar, Nadira, Nimmi, Prem Nath et Cuckoo
Box Office : n°1 , Super Hit

Le film : Avec Aan (« Fierté »), sorti en français sous le titre Mangala Princesse des Indes, Mehbbob Khan réalise un film à grand spectacle à même d’attirer les foules dans les salles obscures. Son budget pharaonique lui permet de tourner en couleurs et d’obtenir une sortie mondiale en Technicolor, une première pour un film indien. Il n’oublie cependant pas de porter un message politique, cette fois centré sur la démocratie et la nécessaire lutte pour abattre un despote. Même si le film ne s’ouvre pas avec l’emblème habituel de la faucille et du marteau, il insiste avec force sur l’égalité de tous : la parole d’un maharaja vaut autant que celle d’un esclave.

Aan commence par l’abdication du bon roi en faveur de son peuple. Mais c’est sans compter sur le féroce prince Shamsher Singh (Prem Nath) qui tient absolument à devenir un tyran. De son côté, sa sœur l’arrogante princesse Rajshree (Nadira dans son premier rôle) méprise profondément les manants et résiste autant que possible aux avances de Jai Tilak (Dilip Kumar), un villageois rebelle haut en couleurs. Mangala (Nimmi) élevée comme la sœur de Jai Tilak, l’aime et rêve de l’épouser. Mais elle tombe entre les griffes de Shamsher Singh qui voit en l’éliminant l’occasion d’assouvir sa méchanceté naturelle…

La chanson : Khelo Raang Hamare Sang de Naushad et Shakeel Badayuni
Jai Tilak avait réussi à prendre le foulard de la princesse, mais pendant son sommeil, Mangala le lui a subtilisé. Lors de la fête de Holi, un coup de vent l’a rendu à la princesse. Jai Tilak profite des festivités pour s’introduire au palais afin de le récupérer.

Mehboob Khan est amateur des fêtes de Holi et la réalisation en couleurs de Aan constitue justement l’occasion de la montrer pour la première fois sous son plus beau jour.

Khelo Raang Hamare Sang chantée par Lata Mangeshkar et Shamshad Begum


Parineeta

Année : 1953
Réalisation : Bimal Roy
Avec : Meena Kumari, Ashok Kumar, Asit Baran et Nazir Hussain
Box Office : n°4 , Semi Hit

Le film : Sarat Chandra Chattopadhyay, à qui l’on doit Devdas, est l’auteur de Parineeta, une nouvelle de 1914 également plusieurs fois portée à l’écran. En 1953, Ashok Kumar en produit une adaptation fidèle dont il confie la réalisation à Bimal Roy. Même si la langue parlée est l’hindi et que l’actrice principale est originaire de Bombay, l’influence bengalie est si forte qu’on pourrait considérer le film comme tel. Contrairement au cinéma de Bollywood à cette époque, tout passe ici par des regards, des silences et des non-dits, préfigurant l’œuvre de de Satyajit Ray. Cela n’a pourtant pas empêché Parineeta d’être un grand succès commercial et de remporter deux Filmfare Awards, dont le second pour Meena Kumari.

Cette version de Parineeta (« La Femme mariée ») se situe à Calcutta dans les années 1930. Elle raconte l’histoire de Lalita (Meena Kumari), une jeune orpheline adoptée par Gurcharan (Nazir Hussain). Le pauvre homme n’a plus le sou depuis qu’il a payé les dots de ses filles aînées. Il a même été contraint d’hypothéquer sa maison auprès de son riche voisin dont le fils, Shekhar (Ashok Kumar), sert de précepteur à Lalita. Alors que Gurcharan est sur le point de perdre sa demeure familiale, Girin (Asit Baran), un jeune homme riche et généreux, propose de payer sa dette.

Shekhar qui aime secrètement Lalita depuis toujours, imagine que Girin cherche en réalité à l’épouser. Elle-même, n’est pas insensible à Shekhar mais n’ose pas non plus se déclarer. Lors d’une fête enfantine, Lalita et Shekhar échangent des guirlandes ce qui signe symboliquement leur mariage. Les noces ne se concrétisent pas et Gurcharan tombe malade. Sur son lit de mort, il fait promettre à Girin de trouver un mari pour sa fille…

La chanson : Gore Gore Hatho Me Mehndi Racha Ke de Arun Kumar et Bharat Vyas
La petite Annu prépare depuis quelques jours le mariage de sa poupée. Elle a tout organisé comme pour de vraie noces et a même fabriqué des guirlandes de fleurs. Dans un moment de transport incontrôlé, Lalita et Shekar ont échangé ces guirlandes, signifiant par là qu’ils se promettent l’un à l’autre. Lalita se rêve en épouse tandis que sa sœur Malati, Annu, et les toutes jeunes invitées, chantent une chanson pour les poupées.

Les paroles de cette chanson, interprétée par un groupe de petites filles, révulseront probablement les spectatrices d’aujourd’hui, mais elle s’inscrit dans l’Inde du début du XXe siècle, quand il semblait normal que l’épouse soit totalement soumise à son mari.

Gore Gore Hatho Me Mehndi Racha Ke chantée par Asha Bhosle


Aar Paar

Année : 1954
Réalisation : Guru Dutt
Avec : Shyama, Guru Dutt, Jagdish Sethi, Johnny Walker et Shakila
Box Office : n°5 , Hit

Le film : Aar Paar (expression idiomatique équivalente à « De-ci de-là » ou « D’une manière ou d’une autre ») est, après Baazi en 1951, la seconde incursion de Guru Dutt dans le film noir d’inspiration américaine. C’est une comédie, mais il a conservé tous les canons du genre comme la vamp vénéneuse, l’errance dans les ville, les bas-fonds crapuleux ou l’histoire qui finalement n’a pas beaucoup d’importance. Il l’a rendue totalement indienne en y ajoutant des personnages très attachants, une histoire d’amour délicieuse et des chansons intemporelles filmées comme jamais avant lui.

Il incarne Kalu, un prisonnier libéré pour bonne conduite qui est amené à transmettre un message à un mystérieux « Captain » pour le compte d’un co-détenu. Celui-ci l’engage pour être son chauffeur personnel alors que dans le même temps, il s’éprend de Nikki (Shyama), la fille d’un garagiste. La danseuse du club de « Captain » (Shakila) n’est pas indifférente au charme de Kalu mais il ne pense qu’à Nikki et au moyen de convaincre son père de le laisser épouser sa fille. Naturellement, « Captain » ne lui a pas donné le volant d’un taxi rutilant sans arrières pensées…

La chanson : Babuji Dheere Chalna de O.P. Nayyar et Majrooh Sultanpuri
Kalu, rejeté par sœur après son séjour en prison, est condamné à vivre dans la rue. Il arrive dans le club de « Captain » pour lui porter un message. Une danseuse chante…

Cette chanson est une reprise de Quizás, quizás, quizás de l’auteur et chanteur cubain Osvaldo Farrés. Elle était déjà célèbre avant la sortie du film et a été interprétée très souvent, en particulier aux États-Unis, à partir des années 1950. On a beaucoup crié au plagiat, à raison, mais en oubliant qu’O.P. Nayyar n’est pas le premier à se l’être appropriée. C’est le cas par exemple du pianiste George Feyer dans son Echoes of Latin America.
Malheureusement pour tous les autres interprètes de cette chanson, de Bing Crosby à Doris Day en passant par Connie Francis ou Nat King Cole, ils n’avaient pas la voix de Geeta Dutt ni le charme de Shakila…

Babuji Dheere Chalna chantée par Geeta Dutt et dansée par Shakila

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