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Bollywood en chansons : 1955-1959

Publié jeudi 12 octobre 2017
Dernière modification lundi 11 septembre 2017
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Par Mel

Dossier Bollywood en chansons
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Azaad

Année : 1955
Réalisation : S.M. Sriramulu Naidu
Avec : Dilip Kumar, Meena Kumari, Pran, Sayee et Subbalaxmi
Box-Office : n°2 , Super Hit

Le film : Au commencement il y avait Malaikkallan, un film tamoul de 1954 avec MGR dans le rôle principal. Son succès a été tel que son réalisateur-producteur S.M. Sriramulu Naidu l’a refait dans cinq langues régionales, dont l’hindi avec Dilip Kumar en tête d’affiche. Il n’a pas cherché à innover et s’est contenté de reprendre son original plan pour plan. Il a même utilisé pour Azaad des images déjà présentées dans Malaikkallan. En réalité les seules différences sont les acteurs et les chansons. Cela n’a pas empêché le public de se précipiter dans les salles pour voir Azaad qui est devenu le second film de l’année, juste derrière Shree 420.

Azaad est un joyeux divertissement qui ressemble par de nombreux aspect au Zorro de Walt Disney. Il raconte les aventures d’Azaad (Dilip Kumar), un voleur-redresseur de torts au grand cœur qui est amené à sauver la jolie Shobha (Meena Kumari) des griffes du cruel Sunder (Pran). La police ne sait plus où donner de la tête. Il y a tant de crimes non résolus qu’elle est tentée de soupçonner le mystérieux Azaad (ce surnom signifie « Libre ») que personne n’a jamais vu. On ne peut pourtant pas en vouloir aux pandores car le jeune homme sait se faire discret dans son repère secret. Quand il en sort, il est déguisé mais il n’hésite pas à se bagarrer, à effectuer des cascades impressionnantes, et à tomber amoureux de Shobha…

La chanson : Aplam Chaplam de C. Ramchandra et Rajendra Krishan
Les deux jeunes danseuses Sayee et Subbalaxmi ont fait leur débuts à l’écran dans Mallikallan. Le duo reprend son rôle dans Azaad pour nous offrir avec Aplam Chaplam une danse à couper le souffle. Subbalaxmi, la plus petite, avait probablement 16 ans et sa sœur (ou sa cousine) Sayee, guère plus de 14. Elles étaient de Madras et dansaient sur scène et au cinéma dans différents genres, dont le bharatanatyam. Les puristes objecteront que la chorégraphie de Hiralal contient de nombreux éléments décoratifs propres à Bollywood, mais la performance des deux sœurs n’en reste pas moins exceptionnelle.

Aplam Chaplam chantée par Usha et Lata Mangeshkar, et dansée par Sayee et Subbulaxmi


C.I.D.


Année : 1956
Réalisation : Raj Khosla
Avec : Dev Anand, Shakila, Waheeda Rehman et K.N. Singh
Box-Office : n°1 , Super Hit

Le film : Après Aar Paar, sorti deux ans plus plus tôt, Guru Dutt et son équipe se lancent à nouveau dans le film noir inspiré du cinéma américain. Il s’agit cette fois d’un policier dans lequel Dev Anand, avec ses faux airs de Gary Cooper, incarne un enquêteur du C.I.D. (les initiales du Crime Investigation Department, l’unité d’enquête de la police indienne). Son aide est demandée par l’éditeur d’un journal sur le point de publier des révélations. Malheureusement l’inspecteur Shekhar arrive sur les lieux alors que le journaliste rend son dernier souffle. En un éclair il réalise qu’il vient de croiser le tueur dans l’ascenseur et se lance à sa poursuite. Il réquisitionne pour cela la voiture de Rekha (Shakila) qui tient tellement à son véhicule qu’elle l’empêche de capturer l’assassin. La jeune femme ne semble pas être complice et s’avère même être la fille du chef de la police (K.N. Singh). Il faut reprendre les investigations à la base.

Il y avait bien un témoin présent sur la scène du crime, un pickpocket qui se fait appeler Master (Johnny Walker), mais il est un peu confus et il faut beaucoup de patience à la police pour qu’il les mène enfin au tueur, une petite frappe nommée Sher Singh (Mehmood). Sentant venir le danger, le commanditaire du crime parvient à faire assassiner Sher Singh dans sa cellule et à faire porter le chapeau à Shekhar. Le seul moyen qu’il reste à l’honnête policier pour éviter la prison est de passer dans la clandestinité pour démasquer le mystérieux donneur d’ordres. Il devra pour cela se faire aider de la vénéneuse Kamini (Waheeda Rehman)…

Guru Dutt a produit avec C.I.D. un policier de facture beaucoup plus classique qu’Aar Paar. Il en a confié la réalisation au jeune Raj Khosla qui avait débuté comme son assistant, et offre à son ami Dev Anand le rôle principal. Si Johnny Walker est encore de la partie pour faire le comique de service, sa belle-sœur Shakila est en retrait. Le personnage de la vamp est cette fois incarnée par la toute jeune Waheeda Rehman dans son premier film hindi.

La chanson : Kahin Pe Nigahen Kahin Pe Nishana de O.P. Nayyar et Majrooh Sultanpuri
Blessé pendant une course poursuite avec la police, l’inspecteur Shekkar a fini par retrouver la maison de Kamini. L’infâme Dharamdas arrive à son tour. Kamini chante une chanson pour, à la fois, retarder Dharamdas et indiquer à Shekkar comment s’échapper….

La chorégraphie originale de cette délicieuse chanson a été composée par Zohra Sehgal que Guru Dutt avait côtoyée au début des années 1940, alors qu’il étudiait la danse au centre d’Uday Shankhar à Almora. On retrouvera Zohra Sehgal comme actrice des décennies plus tard sous les traits d’une charmante grand-mère dans quelques films comme Dil Se… et Saawariya.

Kahin Pe Nigahen Kahin Pe Nishana chantée par Shamshad Begum pour Waheeda Rehman


Mother India


Année : 1957
Réalisation : Mehboob Khan
Avec : Nargis, Sunil Dutt, Raaj Kumar, Kanhaiyalal et Sajid Khan
Box-Office : n°1 , All Time Blockbuster

Le film : Mehboob Khan produit et réalise en 1957 l’œuvre de sa vie : Mother India. C’est un remake d’Aurat qu’il avait lui-même réalisé en 1940, mais il ne s’est pas contenté de rafraîchir son film original. Tout est plus grand, à commencer par son titre qui fait référence à Bh ?rat M ?t ?, la personnification de la Nation indienne sous les traits de la déesse-mère. Mais comme souvent dans son cinéma, cette mère n’est ni glorieuse ni conquérante. C’est une femme très simple, prête à tous les sacrifices à en devenir héroïque pour l’amour de ses enfants. Il évoque en particulier la relation mère-fils comme s’il voulait nous parler de sa propre mère. C’est d’ailleurs son propre fils, Sajid Khan, qui joue Birju enfant dans cette fresque en deux époques éloignées d’une vingtaine d’années.

Dans la première partie, qui se situe au tournant du 20e siècle, nous assistons au mariage de Radha (Nargis) avec Shamu (Raaj Kumar) dans un village de paysans pauvres du nord-est de l’Inde. La mère de Shammu contracte un emprunt auprès de Sukhilala (Kanhaiyalal qui reprend son rôle 17 ans plus tard). Mais malgré leurs efforts désespérés, le jeune couple ne parviendra jamais à rembourser les intérêts énormes exigés par l’usurier. Le malheur s’abat alors sur Radha et les siens. Shamu a les bras écrasés dans un accident et, se considérant un poids mort pour sa famille, abandonne sa femme et ses quatre enfants. Une terrible tempête s’abat sur le village et détruit le peu qu’il leur reste. Deux enfants meurent. Dans un sursaut d’infamie, Sukhilala propose à Radha d’acheter ses faveurs. Mais elle résiste et survit grâce aux racines qu’elle réussi à arracher à la boue qui a recouvert les ruines.

Dans le seconde partie, le village est reconstruit. Les deux enfants survivants ont grandit. Ramu (Rajendra Kumar) est un bon garçon tandis que Birju (Sunil Dutt) se révolte au point de devenir dacoït. Radha ne sait plus que faire pour ramener Birju, son fils chéri, dans le droit chemin. Et lorsque Birju s’attaque à une fille du village après avoir assassiné Sukhilala, elle l’abat pour tenir sa parole et préserver son honneur.

Ce triomphe critique est aussi un raz-de-marée commercial. Mother India a connu presque deux fois plus de spectateurs que le second film au box-office cette année-là. Il s’agissait de Naya Daur avec Dilip Kumar. C’est aussi probablement le plus grand succès populaire indien d’un film centré sur une femme.

La chanson : O Mere Lal Aaja de Naushad et Shakeel Badayuni
Birju blessé s’est enfuit et s’est caché dans les meules de foin non loin de la rivière. Il est poursuivi par les villageois, Sukhilala en tête, qui les enflamment pour le débusquer. Radha tente l’impossible pour sauver son fils, et lorsqu’il parvient enfin à s’échapper, elle chante son amour en lui demandant de revenir…

La célèbre scène de l’incendie qui précède O Mere Lal Aaja a scellé le destin de Nargis et Sunil Dutt. Elle a été désorientée par les flammes que l’équipe du film n’a su contenir et n’a dû son salut qu’au courage de Sunil Dutt. Le montage final est haché, mais on distingue clairement Nargis qui se couche à plat ventre pour échapper aux flammes et Sunil Dutt qui revient la chercher botté. Il a été sévèrement brûlé au dos et ils se sont rapprochés pendant sa convalescence. Quelques mois plus tard, il se sont mariés.

On pourra noter la musique symphonique d’accompagnement dont les sonorités sont occidentales. Originale dans le cinéma indien, elle est cependant caractéristique du style de Naushad qui avait procédé de la même façon dans Aan en 1952 par exemple.

O Mere Lal Aaja chantée par Lata Mangeshkar, précédée de la scène de l’incendie


Chalti Ka Naam Gaadi

Année : 1958
Réalisation : Satyen Bose
Avec : Madhubala, Ashok Kumar, Kishore Kumar et Anoop Kumar
Box-Office : n°2 , Super Hit

Le film : Chalti Ka Naam Gaadi tire son titre d’un proverbe qui pourrait se traduire, dans le contexte du film, par « Si ça roule, c’est que c’est une voiture », étant sous-entendu que puisqu’elle roule, il n’est pas nécessaire de la réparer. Pourtant, les trois frères garagistes, Brijmohan (Ashok Kumar), Manmohan (Kishore Kumar) et Jagmohan (Anoop Kumar) ne sont pas particulièrement fainéants, même s’ils brassent beaucoup d’air. L’aîné Brijmohan, ancien champion de boxe, a élevé ses deux frères dans la sainte trouille des femmes à la suite d’une déception sentimentale qui l’a laissé K.O. Et voilà qu’une femme, Renu (Madhubala), se présente une nuit pour faire réparer sa voiture et part en oubliant de payer.
Manmohan va devoir récupérer les cinq roupies et douze annas que la belle doit au garage. Elle est riche, actrice, éduquée. Lui n’est qu’un modeste ouvrier qui se pique de musique. Par un hasard de circonstances, il se retrouve la nuit suivante dans sa chambre alors qu’un meurtre est commis dans la rue voisine. C’est le point de départ d’aventures rocambolesques sans prétention qui font la part belle aux rebondissements improbables, au comique et aux chansons. Elles se termineront bien sûr par des mariages ; trois puisque le film réuni pour la première fois à l’écran les trois frères Kumar.

La tradition d’utiliser « Kumar » comme pseudonyme remonte à 1933, lorsque Debaki Bose a nommé ainsi Syed Ali Hasan Zaidi (le mari de Pramila) pour lui éviter les préjugés. À sa suite, Kumudlal Ganguly se fera appeler Ashok Kumar, puis bien d’autres tels que Yusuf Sarwar Khan (Dilip Kumar) ou aujourd’hui Rajiv Hari Om Bhatia (Akshay Kumar). Ashok ayant percé dans le cinéma dès 1936, ses deux frères adopteront son nom de scène. Si Anoop Kumar s’est en général contenté de seconds rôles, Kishore a obtenu quelques succès importants comme acteur comique, dont Chalti Ka Naam Gaadi dans lequel il réalise un festival. Mais il est surtout connu comme chanteur, juste derrière Mohammed Rafi.

Manmohan fait souvent rire Renu dans Chalti Ka Naam Gaadi. Leur complicité est palpable et on imagine sans peine que c’est la raison qui a fait que Kishore Kumar et Madhubala se soient mariés deux ans plus tard. Cette union n’a malheureusement pas duré et ils ont vécu séparés jusqu’à la mort de Madhubala en 1969.

La chanson : Ek Ladki Bhigi Bhagi Si de S.D. Burman et Majrooh Sultanpuri
La voiture de Renu est tombée en panne au milieu de la nuit alors qu’il pleut des cordes. Heureusement, Manmohan assure la permanence du garage. Renu, passablement énervée, se présente pour faire réparer son véhicule. Manmohan se moque gentiment d’elle en s’activant sur sa voiture…

Il s’est écrit un peu partout que cette chanson exquise était inspirée du Sixteen Tons que Tennesse Ernie Ford a popularisé en 1955 (puis plus tard les Platters dans la version probablement la plus connue en France). Certaines méchantes langues ont même dit que Kishore Kumar avait insisté pour copier le morceau américain. C’est à l’évidence faux, mais on ne prête qu’aux riches…

Gaadi Ek Ladki Bhigi Bhagi Si interprétée par Kishore Kumar


Kagaaz Ke Phool


Année : 1959
Réalisation : Guru Dutt
Avec : Guru Dutt, Waheeda Rehman, Johnny Walker, Baby Naaz et Veena

Le film : Dans un long flash-back, Kagaaz Ke Phool (« Fleurs de papier ») raconte l’histoire de Suresh Sinha (Guru Dutt), un réalisateur à Bombay. Son mariage bat de l’aile au point qu’il vit séparé de sa femme (Veena) et de sa fille Pammi (Baby Naaz). Alors qu’il prépare une adaptation de Devdas, il rencontre Shanti (Waheeda Rehman) par hasard. Subjugué, il en fait sa Paro et le film est un triomphe. Suresh se rapproche de Shanti tout en savourant son succès, mais il n’y a pas loin du Capitole à la Roche Tarpéienne.

Le petit monde de Bombay commence à bruisser des rumeurs de liaison entre le réalisateur et son actrice. Pammi ne supporte pas l’embarras des ragots et supplie Shanti de quitter son père pour que ses parents puissent être à nouveau réunis. Shanti finit par accepter et quitte à la fois Suresh et le cinéma. Dans le même temps, la mère de Pammi intente, puis gagne, un procès pour obtenir la garde exclusive de sa fille, privant Suresh de son enfant. En quelques semaines, le réalisateur a perdu ceux qu’il aimait. Il sombre dans l’alcool…

Inspiré de A Star is Born et par la vie de Gyan Mukherjee, le réalisateur de Kismet qui n’a pu se remettre de son succès, Kagaaz Ke Phool est le dernier film intégralement réalisé par Guru Dutt. Il y explore la solitude du créateur et la dureté de la réussite sur des images par moment extraordinaires de V.K. Murthy. Les références au petit monde de Bollywood juste avant la Partition, ainsi que les respirations comiques de Johnny Walker, ne suffisent pourtant pas à alléger un film empreint de tristesse et qui invite à la mélancolie.

Kagaaz Ke Phool fut un échec commercial heureusement compensé par les films suivants qui ont permis à Guru Dutt de poursuivre sa formidable carrière. Même si on lui a imaginé des aspects autobiographiques et prémonitoires des décennies après sa réalisation, il reste incontournable, ne serait-ce que pour sa photographie.

La chanson : Ek Do Teen Chaar aur Paanch de S.D. Burman et Kaifi Azmi
Shanti a quitté Suresh, Bombay et le cinéma pour se réfugier dans le métier d’institutrice. À la demande des enfants, elle chante une comptine qui évoque sa relation avec Suresh…

Kaifi Azmi, le père de Shabana Azmi, a écrit pour Ek Do Teen Chaar aur Paanch des paroles éblouissantes qui en font probablement la chanson la plus émouvante de l’ensemble de cette série d’articles. Elle devient poignante lorsqu’on réalise qu’elle est chantée par Geeta Dutt, la propre épouse de Guru Dutt, au moment où il se murmurait que Waheeda Rehman avait une liaison avec son mari.

Ek Do Teen Chaar Aur Paanch chantée par Geeta Dutt pour Waheeda Rehman

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