Rencontre avec Extravagant India !
Publié lundi 26 mai 2014
Dernière modification dimanche 15 février 2015
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Peu de temps après la fin de la première édition du festival international du film indien de Paris, à l’automne 2013, deux membres de l’équipe d’Extravagantindia !, Francois Vila qui assure la communication et la presse du festival et Gabriele Brennen, la fondatrice sans laquelle rien n’aurait été possible, nous ont accordé lors d’une rencontre amicale une longue interview.
A l’heure où ils sont à Cannes et où ils préparent la seconde édition, nous avons souhaité vous la faire partager.
Gabriele, pouvez-vous nous parler des circonstances de la naissance du festival, comme vous l’aviez fait lors de la cérémonie d’ouverture du festival, pour ceux qui n’y étaient pas ? Comment l’idée est-elle née ?
Gabriele : Extravagant India ! est né en 2008. J’étais au festival de Goa [International Indian Film Festival et j’ai été éblouie parce que je m’attendais à voir un festival Bollywood. J’étais totalement innocente par rapport au cinéma indien et je pensais voir quantité de films Bollywood. Surprise, je n’en ai vu aucun. Il n’y avait que des films indépendants, des films forts, bien insérés dans la réalité indienne et j’ai été éblouie. Je me suis dit, " mais tous les gens sont comme moi en France, ils pensent qu’il n’y a que des films Bollywood, il faut donc que je les ramène avec moi."
J’ai eu beaucoup de chance, j’avais fait un court-métrage qui était là-bas et avait été sélectionné. Comme il a eu un prix, le Prix du Jury, cela m’a permis de rencontrer énormément de réalisateurs indiens et aussi les organisateurs du festival de Goa (IFFI), le aui est un peu l’équivalent du festival de Cannes en Inde. C’est un très grand festival, le seul festival officiel qui est essentiellement financé par le gouvernement indien. Je suis repartie avec une vingtaine de films. J’ai aussi rencontré Ramesh Tekhwani, qui est encore un de nos partenaires maintenant, je lui ai dit qu’il me fallait d’autres films. Il m’a envoyé des films, et encore des films. J’en ai regardé beaucoup et j’ai fini par faire sur la Péniche Cinéma un 1er festival avec tout de même une quarantaine de films courts, et un long Devdas.
Malheureusement ensuite, nous n’avons pu reprendre ce festival. Ce n’est pas si simple à mettre en route. On avait perdu de l’argent. Dans un premier temps, nous avons un peu laissé dormir les choses. En septembre 2012, j’ai rencontré Patricia Sorreau, François Vila et d’autres qui m’ont dit : "Allons-y ! C’est d’accord, on va faire un festival !" C’est comme ça que le festival est né en version longue. Grâce à François, on a trouvé les salles, l’espace Cardin, le Lincoln, et Patricia a administré avec zèle. En un an, nous avons réussi à créer un festival qui, je pense, tient la route.
François : Oui, il y a un an on a fait notre première réunion chez toi. Il y a un an, on disait ce serait bien, et un an plus tard, on en parle déjà au passé. Voilà !
Au départ, partagiez-vous tous ce goût pour le cinéma indien ? Ou est-ce venu plus tard ?
Gabriele : Pierre Assouline connaît bien le cinéma indien.
François : De mon côté, j’ai eu un coup de fil de Patricia qui m’a dit, ce serait bien si on pouvait se voir, il faut que je te parle d’un festival. La connaissant, je pensais qu’il s’agissait de cinéma africain. Comme, par le passé, j’ai travaillé dans beaucoup de festivals dans lesquels il y avait des films indiens, je n’étais pas trop dépaysé. Cela s’est fait un peu comme cela. Il faut faire naître quelque chose. Je crois que c’est ce qui m’a plu au départ. Et à partir du moment où il y a quelque chose qu’on ne connaît pas et qu’on peut faire découvrir, cela a du sens.
Avec le nombre de films présentés en un temps aussi court, une semaine, on sent qu’il y a une énorme énergie derrière qui a été mise en œuvre, un désir très fort que ça marche.
François : C’est sûr qu’on ne pouvait pas faire les choses à moitié. Surtout que l’on a fait ça avec quatre francs six sous. Et il y a quand même eu une belle plaquette, l’espace Pierre Cardin, etc. et grâce à tous, on a joué des coudes pour que ça ait de l’allure. Il a eu aussi la présence des réalisateurs et d’Irrfan Khan, qu’on n’invite pas comme ça. Il y a beaucoup d’énergie en effet, et aussi une équipe de base mobilisée et de nombreux stagiaires qui nous ont rejoints. Au bout d’un moment, ce n’était plus des stagiaires, ils ont été de vrais assistants qui se sont impliqués, je pense à Victor qui a travaillé sur la programmation des films courts, ou à Nicolas qui a fait la bande-annonce pour la programmation. C’est une vraie implication qui dépasse la fonction.
Combien étiez-vous ?
Gabriele : Plus ou moins une équipe d’une dizaine de personnes, avec les stagiaires et les bénévoles. C’était fluctuant.
François : Il y a Virginie qui s’est occupée de la communication web, print et multimedia, notamment du site internet et du catalogue qui sont très réussis.
Gabriele : Il est très bien. Elle a fait un travail absolument merveilleux, et puis on a eu la grande chance d’être accompagné dès le départ par un groupe de presse qui s’appelle Media India qui nous a fait ce magnifique catalogue, assez extraordinaire.
François : Et que vous avez rencontrés aussi, puisque vous avez fait les interviews avec eux[1].
Comment s’est réalisée l’élaboration des partenariats ? A-t-elle été facile ?
François : On n’en a pas mal, c’est un échange. Ce qui est important pour nous aussi, ce sont les institutions. Dans ce 1er festival, le partenaire institutionnel capital a été la Mairie de Paris, qui nous a vraiment soutenus alors que nous sommes arrivés vraiment tard par rapport aux festivals déjà existants.
Gabriele : A l’Hôtel de ville, la mission Cinéma a accueilli toute la délégation indienne. C’était extrêmement important, autant pour le côté français que pour le côté indien. L’idée est d’avoir des tournages indiens en France et des tournages français en Inde et, bien sûr, des coproductions. Je crois que ce genre de rendez-vous qui s’est déroulé dans un salon, de façon très intime, dirai-je, peut être très productif.
François : Tout cela crée immédiatement un mouvement réciproque, car il y a aussi des Français en Inde.
Gabriele et François citent leurs autres partenaires et sponsors que nous vous invitons à découvrir sur le site d’Extravagant India !
A partir de quel moment vous êtes-vous dit que ça fonctionnait ?
François : En fin de compte, c’est un puzzle. Un élément fonctionne, puis un autre ailleurs. C’est toujours ainsi, il suffit de voir qui va dire oui en premier, parce que si quelqu’un dit oui, un autre à côté va venir également.
Gabriele : On a aussi eu un stand à Cannes, on y a rencontré beaucoup de représentants du cinéma indien. Par chance, notre stand était juste en face de celui des Indiens.
François : Quand une manifestation n’existe pas encore, cela reste un peu virtuel. Le fait de pouvoir arriver sur un stand et d’ouvrir le kakemono avec le visuel [d’Extravagant India !] en grand a suscité beaucoup de curiosités envers nous. Ils sont venus nous voir.
Gabriele : Les Indiens venaient prendre le tchai chez nous, ils n’en avaient évidemment pas ramené. On faisait tous les après-midi un tchai vers 17h et ils venaient sur notre stand.
Gabriele : Nous avons eu aussi un partenariat très particulier, l’Hôtel Scribe où nous avons pu faire notre conférence de presse. C’était très, très joli, parce qu’on dit que le cinéma indien est né des frères Lumière. Les frères Lumière ont projeté leurs six premiers films à l’hôtel Scribe pour la 1re fois en public en 1895 et ensuite 200 opérateurs ont été envoyés dans différentes régions du monde pour parler de leur découverte. Ce qui est hallucinant quand on pense à l’époque à laquelle cela se passait et à la durée des voyages qui était très longue. Il y a en a un, Maurice Sestier, qui devait aller en Australie et qui a fait escale à Bombay [Mumbai]. Là, il a montré les six films projetés à l’hôtel Scribe et le cinéma indien serait né de cette projection. On a donc fait un retour dans l’histoire, puisque nous sommes revenus nous-mêmes avec les Indiens à l’Hôtel Scribe. C’est un joli partenariat au niveau symbolique.
François : Dans notre équipe même, il y a Manoj Srivastava qui a provoqué la venue du petit-fils des frères Lumière en Inde comme invité d’honneur du Jagran Film Festival.
Gabriele : Il parait que cela a été extraordinaire, tous les journalistes de l’Inde sont venus. Pour eux, c’était un événement extrêmement important.
Quelles ont été les plus grosses difficultés auxquelles vous avez dû faire face ? Est-ce en Inde ou bien ici en France ?
Gabriele et François : On a un peu l’embarras du choix.
Gabriele : L’obtention des films a été une difficulté majeure et nous a bien mis en retard par rapport à tout ce qu’on avait prévu. Et quand une section se décale, tout le reste se décale et ça devient dramatique. On pensait, je pensais en tout cas, naïvement, pouvoir faire une programmation, avec des partenaires très solides autant en France qu’en Inde, dans l’espace d’un mois, deux au maximum. On a commencé à Cannes. Eh bien, ça n’a pas été du tout le cas. Pour obtenir un film indien, il faut compter au minimum trois mois. Il faut discuter ferme avec le réalisateur, avec le producteur, avec le distributeur et vous ne savez toujours pas si vous allez avoir le film au bon format, au bon moment, si vous allez avoir le temps de le sous-titrer et de l’avoir en DCP [format de projection]. Des films sélectionnés sont arrivés le 1er jour du festival, nous n’avons pas pu les programmer. C’est très dommage. Vraiment cela été une lutte, un peu incompréhensible pour nous. Ici on ne voit pas les choses comme ça, mais cela a été très difficile.
Vous parlez des films que vous avez reçus mais que vous n’avez pas pu projeter, cela veut-il dire que ce sont des films que l’on verra lors de la 2e édition ?
Gabriele : Je l’espère, en tout cas pour celui qui m’est parvenu le 1er jour du festival. C’était un très beau film. A moins qu’il ne soit projeté avant, mais, j’espère que non.
À propos des films qui n’ont pu être projetés, comment vous êtes-vous débrouillés pour avertir les gens des annulations ?
Gabriele : On n’en a eu qu’une seule en fait, Delhi Belly dont les droits appartiennent à UTV.
François : Quand nous avons fait la conférence de presse dont nous parlions tout à l’heure, en septembre, nous avons annoncé toute une liste de films que nous n’avons pas pu avoir. C’est la différence avec le site internet. Quand on y fait une recherche, on y voit une liste de films qui correspondent au moment de la conférence, soit un mois avant [le festival]. Les films que nous n’avons pas pu avoir ou sous-titrer n’ont pas été mis dans le catalogue.
Vous aviez aussi annoncé des films de Rituparno Ghosh qui n’ont pas été montrés.
Gabriele : Il a eu un prix cette année. Espérons que nous les aurons l’an prochain, parce que ce sont de beaux films. Je pense que la méfiance va être moins grande maintenant que la 1re édition a eu lieu. J’espère que cela donnera confiance. Nous somme maintenant soutenus par l’ambassade de France et par l’ambassade de l’Inde, c’est quelque chose qui peut nous servir.
François : Le fait aussi qu’il y ait eu à Paris, en France, où cela s’est passé, des acteurs comme Irrfan Khan par exemple qui sont un peu des ambassadeurs du succès va, je l’espère, donner envie à d’autres de venir aussi. Comme disait Gabriele, il fallait "sécuriser" le film, avoir tous les producteurs, distributeurs, réalisateurs. Alors qu’ici, l’accord du vendeur international suffit. Mais là, c’était beaucoup plus compliqué, certains voulaient, d’autres ne voulaient pas. Il fallait vraiment qu’ils aient eu une concertation entre eux pour qu’on les obtienne.
Mais à quoi cela tient-il ? A une organisation complètement différente ?
Gabriele : Elle est totalement différente. Cela vient du fait qu’en Inde, dans les festivals, il n’y a pas de billetterie du tout, donc la question des droits ne se pose guère, puisque de toute façon, il n’y a pas d’entrées. Alors qu’en France sur un festival, il y a une certaine billetterie. Ils pensaient que nous faisions du profit sur le film, ce qui n’est absolument pas le cas, puisque nous payons les salles et que nous sommes plutôt dans le déficit. Nous avons essayé de leur expliquer qu’il fallait nous aider sur ces éditions parce qu’autrement, s’ils demandaient plus de droits, nous ne pourrions pas montrer les films. Il y a ceux qui ont accepté de renoncer à leurs droits et ceux qui n’ont pas accepté. Ce fut le cas pour Delhi Belly, et nous n’avons pas pu passer le film.
François : il y a aussi autre chose. En Inde, c’est un tel marché qu’un festival à Paris ne va pas changer la carrière d’un film sur le marché indien. Du coup, ils se disent que ce n’est pas assez intéressant et, dans ce cas, il vaut mieux passer par le réalisateur pour qui Paris a un prestige. On essaye de convaincre ensuite les producteurs que ces projections peuvent créer pour eux une ouverture. Et, il a aussi les rencontres professionnelles, ce n’est pas seulement projeter un film, mais c’est aussi inscrire quelque chose dans le futur, et qu’un film en entraîne un autre.
Lors de la cérémonie de clôture, un membre de la délégation indienne a annoncé qu’il souhaitait faire un festival du film français en Inde. Pensez-vous que ce projet a des chances de voir le jour ? Allez-vous y participer ?
Gabriele : En fait, c’est le réalisateur Prakash Jha qui a envie de faire un festival. C’est lui qui a eu l’idée d’un festival du film français en Inde. Espérons qu’il y aura une suite. Nous allons le relancer.
C’était une belle idée qui était lancée à la fin. Pouvez-vous nous dire comment s’est fait le choix, excellent, des films qui ont été projetés ?
Gabriele : Nous avons fait un appel à films sur des sites indiens. Nous avons quand même reçu trois cents films. Ce n’est pas rien, en l’espace d’un mois. Nous les avons tous visionnés. Nous avons une équipe de jeunes qui font les premiers visionnages, une première sélection, après cela il en reste quand même pas mal. Puis, c’est l’équipe de programmation qui les regarde. Il a dû en rester à peu près soixante à soixante-dix, que nous nous sommes répartis entre nous mais que nous avons soigneusement regardés. Il y a dans l’équipe de programmation, Manoj Srivastava qui a été à la tête de l’Entertainment Society of Goa qui organise aussi le festival de Goa. Ensuite, il y a Ramesh Tekwani, pour les courts, qui a animé pendant dix ans, le Short Film Corner au festival de Goa, une association qui réunit tous les réalisateurs de courts indiens, ou presque, notamment ceux qui sont venus. Ensuite Pierre Assouline qui fait le pont entre l’Inde et la France. C’est un producteur qui essaie de mettre en route des coproductions franco-indiennes et qui fait aussi de la production exécutive en Inde. Et enfin, moi. Quand l’un d’entre nous avait repéré un beau film, il en parlait aux autres qui se débrouillaient pour le voir. À la fin, nous avons regroupé tout ça pour arriver à la programmation qui a eu lieu. Mais c’était très bien, parce qu’à la fin, il y avait autant le goût indien que le goût français. Il était très important que le choix ne se fasse pas seulement en France, mais en Inde et en France.
François : Et il y avait des styles très différents à l’arrivée aussi.
Après l’appel aux films que vous avez lancé, les trois cents et quelques films que vous avez reçus venaient-ils de toutes les régions de l’Inde ?
Gabriele : Absolument. De partout. Il y avait autant de longs-métrages que de courts, des documentaires. C’était absolument jouissif, c’était un paquet cadeau à chaque fois qu’on en recevait un par la poste. C’était génial. C’est vrai qu’il y en avait beaucoup. Mais c’était à chaque fois un plaisir. Au départ, c’était le suspense total, nous ne savions pas si nous allions avoir peu ou beaucoup de films. Nous n’en avions aucune idée. Maintenant nous savons qu’on a 200 à 300 films en un mois et demi. Il y avait des films de tous formats, il y avait des DVD bien sûr. Ils ont été envoyés par les producteurs et les cinéastes, ou bien les distributeurs, cela dépend. Tous les cas étaient là. On a mis environ trois mois à tous les visionner. Nous étions six, sept à les regarder.
Sur ce chiffre de 200 ou 300 films qui paraît énorme, n’y avait-il que des films de cette année ?
François : On a un peu élargi. Comme c’était le 1er festival, nous avons un peu ouvert sur les films de l’année précédente. Un producteur nous disait, on a un film qui a été fini l’année d’avant, c’est un peu bête, mais le festival n’existait pas. Du coup, nous avons été tolérant et nous avons un peu débordé de l’année en cours.
Gabriele : Il ne fallait pas que les films aient plus de trois ans.
Y avait-il des films tamouls ? Parce que sauf erreur, il n’y en avait pas cette année.
Gabriele : Il n’y en avait pas malheureusement, mais il y en aura l’année prochaine. Il y en a que nous aurions aimé avoir et que nous n’avons pas obtenus. C’est très malheureux parce qu’il y a des grands noms, une très belle cinématographie. C’est un genre très particulier qui ne ressemble absolument pas à ce qui se passe dans le reste de l’Inde. C’est très beau.
A propos des films non sélectionnables, ceux qui ont plus de trois ans, pourquoi la sélection a-t-elle été établie de cette façon ?
Gabriele : Parce que nous ne pouvons pas visionner des milliers de films. C’est absolument impossible, donc il faut trouver une règle. Dans tous les festivals du monde, c’est comme ça en fait. Nous avons mis les trois dernières années, parce que nous ne savions absolument pas ce que nous allions recevoir.
Le volume de la production indienne est quand même assez considérable.
Gabriele : 1604 longs-métrages en 2012.
Sur ce gros volume, sur deux ou trois ans, il y a des disparités énormes et en définitive, beaucoup de navets. Dans la production indienne, il y a une production très inégale en qualité d’une année sur l’autre. Il y a des crus exceptionnels. En un an, on peut avoir, une quinzaine, une vingtaine de très bons films, l’année d’après il n’y en aura qu’un ou deux parce que le cinéma commercial a repris les rênes de l’industrie, et l’année suivante de nouveau de jeunes réalisateurs qui font des premiers films très bons et qui diffèrent de ce qui se fait d’habitude. Cette règle vous prive en définitive de films qui peuvent avoir quatre ou cinq ans. Est-ce que cela changera dans les années à venir, est-ce que vous aurez une section classique par exemple ?
Gabriele : Nous avons une section classique justement. Nous y mettons ce genre de films. Nous pouvons y mettre du Satyajit Ray ou Devdas.
François : Nous n’y avons pas mis Satyajit Ray, parce qu’en France c’est un cinéma qui est un peu la référence. Il est très bien, mais on le connaît. On peut trouver facilement les DVD. Le rôle d’un festival est plutôt de faire découvrir de nouveaux films. L’idée d’une section un peu plus classique, ou d’un panorama — j’aimerais bien qu’on puisse avoir un panorama—, c’est aussi le problème des salles. On ne peut pas faire des projections 24h sur 24. Il n’y aurait personne. C’est plus une question de capacité de salle que de volonté. C’est un festival nouveau. Par la suite, nous pourrons développer une section parallèle, des films qui ne sont pas forcément en compétition mais qui sont bien aussi.
Gabriele : J’aurais aimé faire des films pour enfants par exemple, des films pour juniors. Il y a des films d’animation qui sont très bien, très beaux en Inde. Nous n’avions pas la place de tout mettre.
François : On démarre comme ça. Ensuite le public est à créer. Il ne s’attire pas en claquant des doigts. Pour l’Inde, il y a Bollywood, il y a ceux qui aiment et ceux qui n’aiment pas. Mais ceux qui aiment Bollywood, c’est un peu difficile, il faut créer un peu de désir et la curiosité va lier tout ça.
Gabriele : Nous espèrons bien que les films indiens vont être distribués aussi. L’idée est d’être les premiers à découvrir ces films, de les faire découvrir et de trouver des distributeurs. C’est prévu. Peut-être des coproductions vont se mettre en route, pour le réalisateur de Children of the Pyre, Rajesh S. Jalah. Ce ne sera pas un documentaire, cette fois-ci, mais une fiction qui se passe dans le même milieu que son documentaire.
François : Toujours dans les documentaires, Faith Connections va aussi sortir en France, mais sous un autre titre. En même temps, il y aura ce film et The Lunchbox, un documentaire et une fiction. Ugly va aussi être distribué.[2]
Etes-vous satisfaits du palmarès ? Avez-vous à titre personnel des regrets ?
Gabriele : Non, très franchement non. On ne pouvait pas tous les primer. Au niveau des documentaires surtout, beaucoup de films étaient pratiquement ex aequo. Mais on ne peut pas primer cinq films. Nous avons eu de très bons retours du jury, du côté de Coline Serreau comme du côté d’Euzhan Palcy, qui étaient présidentes pour les longs et les documentaires et également aussi du côté de Jean Charles Mille pour les courts-métrages. Ils étaient tous vraiment contents de la sélection. Ils ont découvert, un pays, un continent, des mœurs, ils sont prêts à les défendre à 100 %, à en parler, à revenir l’année prochaine. Cela a été un gros succès à ce niveau-là.
Merci beaucoup d’avoir répondu à toutes nos questions et longue vie au festival.
[1]Voir dans notre dossier "Entretiens", les interviews d’Irrfan Khan et de Prakash Jha.
[2]Les 3 films ont été projetés au festival Imagin’air indien de Plougastel, The Lunchbox est resté à l’affiche très longtemps avec le succès que l’on sait (près de 500 000 entrées) et est sorti en DVD et Blu-Ray, Ugly est sorti sur les écrans le 28 mai 2014 et en DVD et Blu-Ray, au début février 2015, Faith Connections est sorti en salles le 30 juillet 2014.