Comme nous vous l’annoncions le 20 janvier dernier sur notre site, Fantastikindia a eu la chance d’être partenaire de la 17ème édition du Paris Images Cinéma - L’Industrie Du Rêve.
Le festival avait lieu les 25, 26 et 27 janvier 2017 dans le VIème arrondissement de Paris, au Christine 21 : cinéma indépendant d’Art et d’Essai dans le quartier de l’Odéon.
J’ai pu assister aux premières tables rondes ouvrant l’événement, pour lesquelles avaient été conviés des invités de choix !
Anne Bourgeois, organisatrice du festival, ouvre cette première journée de rencontres, entourée de beau monde :
- Magalie ARMAND : Chef du Département d’Aide aux cinémas du monde, au CNC
- Aashish SINGH : Producteur indien à la tête du Département Production de Yash Raj Films [Befikre, Chak De India, etc.]
- Pan Nalin : Réalisateur de documentaires et de films [Samsara, La Vallée des Fleurs, Déesses Indiennes En Colère, etc.]
- Thierry LENOUVEL : Producteur et Créateur de Ciné Sud Promotion [Le Secret de Kanwar, Le Chant des Scorpions, etc.]
- Sabrina SUCHDEV : Fondatrice de Prodywood, spécialisée dans l’accueil de tournages sur le territoire français
- Hélène KESSOUS : Créatrice du FFAST et de Contre-Courants
Le festival avait pour film conducteur la dernière production d’Aditya Chopra : Befikre, avec Vaani Kapoor et Ranveer Singh.
En effet celui-ci, soutenu par la région Île de France, est considéré comme « un excellent apport promotionnel de Paris. ».
Tourné intégralement en France, il met en lumière de nombreuses fresques parisiennes à la fois originales et fidèles aux « cartes postales » déjà connues.
Ce sont près de 8 millions d’euros qui ont été dépensés en France grâce à Befikre, 293 techniciens français ont travaillé sur le film et 2750 figurants ont participé au tournage.
TABLE RONDE N°1
ÉTAT DES LIEUX DES ECHANGES CINEMATOGRAPHIQUES
FRANCO-INDIENS
Bilan de Yash Raj Films et développement stratégique ?
- 40 ans d’existence
- Production, Distribution, Marketing, Promotion, Label de musique etc
- Vise à réaliser 5 à 6 films/an
- 3 derniers films (2016) : FAN, Sultan et Befikre. FAN n’a pas marché malgré un rôle principal porté par Shah Rukh Khan. Sultan a été un blockbuster, salué et apprécié par la critique. Quant à Befikre, ce fut un « Hit » dans certaines régions indiennes. Aditya Chopra voulait en faire un « film niche ». S’il est considéré comme « film Bollywood » en France (comme c’est étonnant !), ce n’est apparemment pas le cas en Inde. Il a particulièrement bien marché sur les jeunes.
La plupart des indépendants ont fait faillite ces dernières années, là où Yash Raj Films est parvenu à créer ses studios.
Objectifs/Projets futurs ?
- Accroître le nombre de films réalisés/produits/distribués
- 2 gros films en préparation : Tiger Zinda Hai (prévu pour Noël 2017) et Thugs of Hindostan en 2018
L’Inde vise des marchés précis : Chine, Europe ; et tente d’améliorer son ancrage au sein de ceux-ci.
Selon Aashish Singh, la France fait partie des pays auxquels les indiens s’intéressent (Hum…hum…) et tenteraient de trouver des solutions pour mieux s’y implanter.
Befikre fut une excellente expérience pour lui. De nombreuses amitiés se sont nouées, le film a fait de bons résultats MAIS (oui, parce qu’il y a un « Mais »…) d’autres pays alentours (ex : Angleterre) sont bien plus compétitifs et intéressants ; notamment en termes de taxes et coûts sociaux. Ce point fait toute la différence et attire donc les tournages hors de notre territoire.
Magalie ARMAND - Historique des échanges cinématographiques franco-indiens
- 5 coproductions officielles entre l’Inde et la France
- 20 candidatures de films indiens chaque année
- 8 projets soutenus
- The Lunchbox : 500 000 entrées en France. Deuxième succès après Sultan.
L’Aide aux cinémas du monde soutient des auteurs et un cinéma plus auteuriste que commercial.
Les réalisateurs doivent rencontrer des producteurs français pour voir leur projet soutenu. De nombreux documents doivent être délivrés : scénario, synopsis, CV, contrats. Un Comité de lecture effectue une pré-sélection, le dossier est ensuite transféré à une Commission plénière. 50% de la subvention doit être dépensée en France (en post-production etc.). Le but étant que le film trouve sa place sur le marché cinématographique.
De par tous ces processus, les indiens se sont mis à développer des scénarios pour correspondre aux standards des agréments français. Hélène KESSOUS pense d’ailleurs que les films se voient modifiés, transformés, à cause de cela.
Le point de vue de Pan NALIN sur la question ?
Il explique avoir besoin de « tomber amoureux » de l’histoire, avant de penser « la cinématographie » en elle-même. Pour Déesses Indiennes En Colère, il n’y avait pas vraiment de scénario établi, de ce fait le film n’a pas reçu de financements. « N’étant pas une femme, comment m’était-il possible de parler de ces femmes modernes et d’écrire sur elles ? L’improvisation de certains comédiens était d’une intensité telle, que cela ne valait pas le coût qu’il y ait un scénario. ».
D’ailleurs, le réalisateur ne s’y est pas trompé puisque son dernier film a été distribué dans 63 pays ; et bénéficie d’un deal avec Netflix.
Prodywood : Historique et Objectifs
- 8 ans d’existence
- Le but de Sabrina SUCHDEV est de faire découvrir la diversité et la beauté de régions extérieures à l’Île de France et la Côte d’Azur. Les réalisateurs indiens sont à la quête de festivals et événements typiquement français, dont l’esthétique est intéressante à capturer. De nombreuses villes telles que Bordeaux, Lyon, Lille accueillent de plus en plus de tournages en leurs murs ; pour le plus grand bonheur des producteurs indiens voyant des délais beaucoup plus courts et accessibles, pour acquérir les autorisations nécessaires à une captation.
L’Inde veut des villes propres, dans lesquelles les administrations vont vite et ne posent pas de problèmes. Le crédit d’impôts est favorable aux productions étrangères, nos techniciens sont qualifiés ; mais les charges sociales restent encore aujourd’hui beaucoup trop contraignantes et chères par rapport à des pays comme l’Allemagne ou encore la Belgique. Ce dernier point représente un véritable frein quant à l’accroissement de l’accueil de tournages indiens (étrangers en règles générales) en France.
Aashish, comment choisissez-vous les pays dans lesquels vous tournez ?
- le scénario prime avant tout
- le budget de la scène compte également
Il en profite pour évoquer de nouveau les fameuses charges sociales trop onéreuses, puisque c’est une question qui s’est posée lors de la préparation de Befikre. Il effectue un parallèle avec la ville de Londres qui est tout aussi chère, mais dans laquelle les taxes s’appliquent sur le coût total. Ce qui n’est pas le cas en France. La capitale anglaise a pour avantage sa langue - l’anglais - mais aussi un système social plus simplifié.
Maurice et Abu Dhabi sont deux pays au fort potentiel ; là où la Suisse a perdu de son attractivité : notamment à cause du franc suisse n’ayant pas cessé d’augmenter et de la situation du « tax shelter ».
TABLE RONDE N°2
SAVOIR-FAIRE FRANÇAIS AU SERVICE DU CINÉMA INDIEN
Aditya Chopra voulait faire un film jeune, plein d’énergie et cassant les codes. Paris lui semblait être LE lieu pour réaliser cette production qu’il considère comme étant « à la pointe ».
Le réalisateur s’est rendu de nombreuses fois dans notre belle capitale, afin de pouvoir imaginer et visualiser les séquences musicales de celui-ci. Il souhaitait collaborer avec une équipe locale, afin de bénéficier de l’expertise française et des connaissances des techniciens au sujet de leur pays.
Le but à travers ce film, était de montrer tous les endroits parisiens à la mode, le plus rapidement possible.
Mélanie CHEBANCE - Film France (Crédit d’Impôts)
- Existe depuis 2009
- Befikre : 55 jours de tournage
- 1ère production indienne tournée uniquement en France
- 8 millions d’euros de dépenses sur le territoire français (restauration, hôtellerie, matériels etc)
- 293 techniciens français
- 2750 figurants
Anne SEIBEL- Chef décorateur sur Befikre
- Volonté de « couvrir » tout Paris, tout en essayant d’être original en montrant des lieux méconnus mais toujours dans un esprit « carte postale »
- Entre 80 et 100 décors ont été construits pour l’occasion
- Rôle du Chef déco’ : Anticiper. Organiser. Contrôler le budget
- Que fait-on des décors, une fois le film terminé ? Certains sont cassés, d’autres récupérés par le réalisateur ; ou encore vendus, donnés à des cinémathèques, des musées
Kanamé ONOYAMA - Chef opérateur sur Befikre
- Premier long métrage, expérience dans la publicité, en studios
- Volonté d’être naturel et spontané. Il ne s’est donc pas spécialement attelé à coller à un genre
- Impératif : travailler rapidement ! Avec steadycam et une équipe fixe
Natalie YUKSEL - Styliste sur Befikre
Quelles codifications vestimentaires ? Quels choix ?
- Son travail consiste donc à créer des costumes lui permettant de raconter une histoire, de suggérer des idées à travers des images et de donner naissance à une personnalité par le biais d’un look/style vestimentaire, d’une apparence physique
- Première expérience pour elle dans le milieu cinématographique. Spécialiste de la presse. Il s’agissait donc là d’un challenge de taille, relevé avec brio ! Elle est assez fière de cette expérience, car voir son travail au travers d’un faisceau cinématographique lui donne l’impression que celui-ci est éternel. Sensation qu’elle ne retrouve pas sur « papier glacé »
- Les personnages principaux ont tous deux/trois styles vestimentaires bien distincts dans le film, afin de pouvoir cerner plus nettement leur évolution
- Personnage de Shyra : chevelure teintée de deux couleurs différentes, bagues sur tous les doigts etc ; le but étant de montrer son indépendance et son esprit rebelle
- Y-a-t-il eu des placements de produits ? Partenariat avec Adidas, mais dont on ne voit pas spécialement les produits au montage. Imposer un style prime sur le fait d’imposer une marque
- Les costumes ont été récupérés par Yash Raj Films
- Nombre de costumes ? 67 tenues pour Shyra et 43 tenues pour Dharma
ANECDOTES DU TOURNAGE
- La scène de la boîte de nuit a dû être tournée de jour, à cause d’un volume sonore bien trop important pour une ville comme Paris
- Château du mariage : lors des repérages, les arbres des allées étaient emplis de feuilles, donnant encore plus de caché au lieu. Lors du premier jour de tournage sur place, les équipes ont eu la stupeur de retrouver des plantations complètement « mises à nue », cassant donc l’esthétique envisagée
- Décors sous l’eau à cause d’un temps peu clément
- Enfants foudroyés au parc Monceau et glissements de terrains aux Buttes Chaumont, alors que le film se tournait sur place
- Scène de la chapelle : le prêtre y faisant l’office était particulièrement réticent et opposé au scénario qui lui avait été proposé. Une réécriture de celle-ci a donc eu lieu pour avoir sa « bénédiction ». Elle n’a pourtant pas été enregistrée dans sa version modifiée, mais bien dans sa version originale. Comme prévue. En voilà un qui serait ravi de l’apprendre !
Après un démarrage un peu long et quelques problèmes techniques, je dois admettre avoir été particulièrement captivée par les discours de chaque intervenant : exposant les tenants et les aboutissants de leur fonction dans le milieu cinématographique. Il était aussi intéressant de connaître leurs points de vue concernant cette collaboration franco-indienne, porteuse d’espoir et d’encouragements quant au partage d’expériences, de connaissances et de savoir-faire.