Chalte Chalte
Traduction : Pas à pas
Langue | Hindi |
Genre | Comédie romantique |
Dir. Photo | Ashok Mehta |
Acteurs | Shah Rukh Khan, Rani Mukherjee, Satish Shah, Johnny Lever, Lillete Dubey, Jas Arora |
Dir. Musical | Jatin-Lalit, Aadesh Shrivastava |
Parolier | Javed Akhtar |
Chanteurs | Udit Narayan, Sukhwinder Singh, Alka Yagnik, Sonu Nigam, Abhijeet Bhattacharya, Preeti Singh, Pinky |
Producteurs | Shah Rukh Khan, Juhi Chawla, Aziz Mirza |
Durée | 167 mn |
Il y a des films qui charment, enchantent ou envoûtent. Le cinéma, c’est de la magie ? En tout cas, Chalte Chalte est un peu magique.
Il est d’ailleurs tellement magique qu’il commence comme un conte de fées. Une bande de copains raconte à une nouvelle venue dans le groupe : il était une fois Raj et Priya… L’idée ne doit pas être si mauvaise puisqu’elle sera réutilisée plusieurs fois, la dernière en date étant Jaane Tu… Ya Jaane Na.
Raj Mathur (Shahrukh Khan) possède une compagnie de transport routier qu’il gère de façon plutôt décontractée. Un jour, Priya Chopra (Rani Mukherjee), une styliste pas franchement du même monde, croise sa route sous la forme d’une magnifique queue de poisson et d’une extrême mauvaise foi. Coup de foudre pour le pauvre (enfin, façon de parler) Raj qui n’arrive pas à en placer une. Hélas, ils se perdent de vue. Il la recherche quelques mois et la retrouve après diverses péripéties et rencontres pittoresques… au moment où elle lui annonce qu’elle part se marier en Grèce avec Sameer, un ami d’enfance (Jas Arora). Il est bien sympa et plein aux as, ce Sameer, mais il est loin d’avoir le charisme de Shahrukh, c’est donc fichu pour lui dès le départ mais nous ne le savons pas encore (en tout cas ceux qui n’ont jamais vu un Bollywood avant).
Une fois passé le choc, Raj, têtu, décide de suivre sa belle jusqu’au dernier moment pour tenter de la convaincre de renoncer à ce mariage. Il la retrouve dans l’avion pour la Grèce. Ça commence plutôt bien pour lui puisque les dieux de l’Olympe contraignent l’avion à se poser sur l’île de Mykonos au lieu d’Athènes. S’ensuit une sorte de voyage de noces entre Raj et Priya mais qui serait plutôt ici un voyage de séparation puisque Priya va quitter Raj à l’arrivée à Athènes, ça nous le savons (en tout cas ceux qui n’ont jamais vu un Bollywood avant, les mêmes que plus haut). Ce trajet vers Athènes donne à Veer (non pardon, je me suis trompé de film), donne à Raj l’occasion de déployer ce charme hallucinant auquel pas une seule demoiselle normalement constituée ne résiste (voir la Bollywood Week et SRK au musée Grévin) et qui fait tant d’envieux chez les garçons. La belle Priya, après tourments, hésitations et larmes, craque et annule le pauvre Sameer (fallait pas chercher Shahrukh, j’avais prévenu), justifiant ainsi le fait que tout est possible tant que ce n’est pas fini. Morale n°1 du film : si tu croises Rani, accroche-toi ! Après avoir conquis la fille, Raj fait des ravages auprès du reste de la famille. En un tournemain, son charme met tout le monde dans sa poche. Et c’est avec enthousiasme que cette gentille famille qui devait marier Priya avec Sameer, la marie illico presto avec Raj (quand je vous dis qu’on ne peut qu’envier SRK).
Et voilà nos deux tourtereaux unis et de retour en Inde. Là, ça ne traîne pas, ils sont confrontés à la réalité de la vie de Raj, vie de célibataire patachon et particulièrement bordélique, ce que Priya n’avait pas vraiment imaginé, pas plus d’ailleurs que le spectateur, subjugué par les regards langoureux des amoureux.
La seconde partie du film, beaucoup moins rigolote, raconte la difficulté de la vie au quotidien d’un couple hétérogène, parsemée de petites contrariétés. Histoire de pimenter, le scénariste ajoute quelques scènes plus dramatiques (au cas où vous l’auriez oublié on est à Bollywood, si on ne met pas de drame dans un film, c’est une faute professionnelle). En plus Sameer revient perturber l’histoire. Ah, quelle tête à claques, ce Sameer ! Ça dégénère tellement que Priya décide de quitter son mari. En arriver à quitter Shahrukh. C’est très grave, vous en conviendrez. Malgré les suppliques à genoux du pauvre Raj, rien n’y fait. Résigné, il la laisse s’éloigner en lui faisant parvenir, in extremis, le talisman qui ne le quitte pas et qui symbolise le don de sa vie (préparez les Kleenex). Priya résistera-t-elle ? Raj résistera-t-il ? Le spectateur résistera-t-il ? Ah, quel suspense insoutenable mes amis, quelle tension, quel… quelle… bref, on pleure et ça fait du bien. Je ne vous en dirai pas plus pour ne pas déflorer une fin que, parmi les lecteurs de Fanta, seules 3 personnes et demie (l’une ayant dû interrompre le film car le rôti était en train de brûler) n’ont pas vue.
Comme vous pouvez le constater, Chalte Chalte mélange comédie, humour, charme et émotion. Si vous n’avez pas constaté ça, c’est que mon résumé ne vaut pas un clou. Le film est sorti en juin 2003 c’est à dire en pleine vague des grands succès du Bolywood moderne, la même année que Kal Ho Naa Ho, Munna Bhai M.B.B.S, Baghban, Kuch Naa Kaho et bien d’autres.
Vous avez sans doute compris que, pour moi, Chalte Chalte est un film formidable. Et pas seulement parce que j’aurais bien consolé Rani pendant toutes ces dures épreuves.
D’abord, ce film a été le théâtre d’un vrai drame. Restez assis, vous allez voir, c’est terrible ! Pour ceux qui n’étaient pas là en 2003, il faut savoir que c’est Aishwarya Rai qui avait signé pour le rôle de Priya. Le tournage avait commencé. Pour des raisons dignes d’un numéro spécial de Gala, le petit ami de mademoiselle Aish, à l’époque un certain Salman Khan (oui, c’est bien celui que vous connaissez), n’appréciait pas les rapports entre la Miss Monde recyclée et son camarade de plateau et venait plus ou moins faire du scandale. Résultat, Dreamz Unlimited (la société de production de SRK, Juhi Chawla et Aziz Mirza) décida de virer sur-le-champ la future madame Bachchan. Fin du premier acte.
Inutile de dire que celle-ci apprécia modérément l’initiative et elle voue depuis une haine farouche à sa remplaçante. D’ailleurs Rani, n’a pas été conviée au mariage de Bachchan junior bien qu’ils soient de bons amis, c’est dire si cette haine est tenace. Entre parenthèses, ça montre aussi le caractère légèrement ombrageux de la miss aux yeux aigue-marine. Abhi ne doit pas rigoler tous les jours. Fin de la parenthèse. Bien sûr, Aish en avait autant au service de SRK et ça a duré un bon moment. Mais les derniers potins disent qu’il s’est excusé auprès d’elle lors de l’anniversaire de Karan Johar en 2009. Ouf, on respire. Le monde peut recommencer à tourner. Pour en revenir au film, Rani reprit le rôle, proposé entre temps, sans succès, à Kajol. On peut donc dire que c’est grâce à Salman Khan que la (peut-être) ex-future madame Aditya Chopra est restée gravée sur la pellicule de Chalte Chalte. Et franchement, je ne sais pas ce qu’auraient donné Aish ou Kajol mais Chalte Chalte, c’est aujourd’hui le film de Rani. Elle a tellement bien réussi à investir son personnage et à rendre naturel ce couple qu’il est difficile d’imaginer qui que ce soit d’autre à sa place.
On doit l’histoire à Aziz Mirza et à Robin Bhatt, un habitué de la machinerie Bollywood qui a, entre autres, à son actif le scénario de Junoon, Raja Hindustani, Ek Rishtaa, Koi… Mil Gaya, Krrish, Omkara et U Me Aur Hum. Bref, du lourd. Pour Aziz Mirza, Chalte Chalte est aussi un sommet dans sa carrière après le bide (injuste) de Phir Bhi Dil Hai Hindustani et avant le nettement moins convaincant Kismat Konnection. Avec de tels parents, il est logique qu’on trouve dans ce film tous les ingrédients du scénario standard d’un Bolly. C’est en quelque sorte la bible du petit scénariste Bollywood.
Pour tous les amateurs de Bollywood de la génération Devdas, Chalte Chalte ne peut être qu’un film marquant. Il reprend l’ensemble de ce qui a fait que beaucoup d’entre nous sont tombés amoureux du cinéma hindi : belle histoire simple et légèrement cucul, beaux acteurs, belles musiques, beaux décors. En un mot le paradis à une époque où le monde entier est sombre et le cinéma occidental ronronnant. Voilà un film qui aurait pu être tourné dans une autre période et en d’autres lieux par Frank Capra ou Howard Hawks, avec Cary Grant et Katharine Hepburn à la place de SRK et Rani.
L’histoire est belle car elle est simple. Les péripéties sont prévisibles (mais on s’en moque) et traitent sur un ton assez léger en fin de compte, un vrai problème, celui des relations dans le couple. C’est d’ailleurs l’une des forces des Bollywood de cette époque de s’appuyer sur un fond sérieux, comme le fait par exemple Chori Chori Chupke Chupke avec le problème des mères porteuses.
Les acteurs mettent tout leur cœur à jouer, à commencer par SRK qu’on voit ici dans toute sa splendeur et toute son énergie. SRK qui interprète pour la seconde fois un Raj Mathur, après Raju Ban Gaya Gentleman réalisé par le même Aziz Mirza. C’est du SRK comme on a envie de le voir : beau, charmant, blagueur, baratineur, dynamique, versant des larmes avec un sourire désespéré en ondulant légèrement de la tête et en plissant le front. A côté de ça, sa copine Rani (qui a quand même avoué un jour que le mari de Gauri était assez son style et ça tombe bien parce que je me trouve de petits airs de ressemblance avec lui) nous en met plein les yeux. Une allure de déesse (grecque), un sourire à transformer le Groenland en désert de Gobi en un battement de paupière (mais pour ça on n’aura, hélas, peut-être pas besoin d’elle), des mimiques qu’on meurt d’envie de se repasser en boucle. Arghh Rani, Rani…
En arrière-plan on retrouve des grands seconds rôles de qualité : Satish Shah et Lillette Dubey. Sans oublier Johnny Lever, ici particulièrement humain dans un rôle d’ivrogne regrettant d’avoir laissé partir la femme de sa vie et qui cuve éternellement en chantant le refrain de Dilwale Dulhania Le Jayenge. Cerise sur le gâteau, ce brave Johnny a comme devise « Ek zindagi, ek larki, ek mohabbat, aur ek gana » (une vie, une fille, un amour et une chanson), juste pour faire plaisir à un éminent membre de l’équipe Fantastikindia. C’est pas sympa, ça ? On peut aussi compléter la liste avec l’agent de police compatissant et le facteur prévenant, tout ce petit monde constituant l’écrin qui met en valeur le couple de héros.
Pour motiver ces personnages, une musique de premier ordre. Non pas qu’elle fasse preuve d’une grande originalité mais Jatin et Lalit sont de vrais pros qui connaissent leur métier. Aadesh Srivastava, quant à lui, s’en sort bien et tient sans problème la comparaison avec ses collègues. Ses quatre compositions explorent même des voies plus riches que les trois pièces composées par Jatin-Lalit mais on retient plus facilement les mélodies sirupeuses de ces derniers (Tauba Tumhare Ishar, Chalte Chalte et Dagariya Chalo). Les compères nous mijotent donc avec brio des airs entêtants qui peuvent s’écouter en boucle pendant un bon moment. La musique couvre plusieurs styles allant des morceaux lents et romantiques (Chalte Chalte et le cultissime Tauba Tumhare Ishare qu’on voit dans toute compilation de clips Bolly qui se respecte) aux airs plus nerveux (Ghum Shuda). Mais, malgré les différents compositeurs, il reste une sorte d’homogénéité qui fait qu’on baigne sans choc dans cette musique comme en faisant la planche dans une mer traversée de courants de différentes températures (pas facile de placer ce genre de métaphore dans une critique de film).
Les chanteurs, Abhijeet, Udit Narayan et Sonu Nigam (des habitués du doublage de SRK) ainsi qu’Alka Yagnik s’en donnent à coeur joie pour notre plus grand plaisir. Pour les paroles, là aussi, la production n’a rien laissé au hasard, c’est Javed Akhtar qui pilote. Il faut se rappeler qu’un des objectifs de Dreamz Unlimited était d’avoir ce qui se faisait de mieux, aussi bien en matériel qu’en artistes.
Toutes ces musiques sont mises en valeur avec talent par l’irremplaçable (en tout cas en matière de chorégraphie) Farah Khan dont on reconnaît bien la griffe dans Ghum Shuda.
L’impression globale laissée par ces musiques légères et ces chorégraphies ensoleillées évoque irrésistiblement un film touristique.
Et c’en est un !
Une bonne partie du film ressemble à une pub pour la Grèce. Une fois oublié l’exploit de Raj qui va, en une nuit et en auto, de l’île de Mykonos à Athènes (mais sa voiture est peut-être amphibie), la séquence hellénique nous permet de visiter quelques sites et de profiter de cette lumière si particulière à cette région. D’ailleurs, Chalte Chalte fait partie des films dans lesquels la lumière est omniprésente. Bonheur est synonyme de soleil. Il n’y a pas une seule goutte de pluie de tout le film. A contrario, les moments de tristesse se passent soit la nuit, soit à l’intérieur. Pas vraiment subtile mais efficace, la technique.
Même si la Grèce est plus rarement recrutée comme décor dans les films indiens que Dubai, Maurice ou la Suisse, il y a de fortes relations historiques et artistiques entre les deux pays. Des études ont d’ailleurs été faites sur les influences de la musique indienne sur la musique grecque. En ce qui concerne le cinéma, autour des années 60 plus de 110 films indiens ont été importés et sous-titrés en grec. A Thessalonique, par exemple, 35 cinémas diffusaient au moins 1 ou 2 de ces films par semaine à cette époque.
Chalte Chalte a été nominé 14 fois en 2004 : IIFA, Filmfare, Screen Wekly, Zee Cine, à chaque fois au moins pour Rani. Mais il n’a récolté aucune récompense. Un complot fomenté par Aishwarya Rai ?
Un mot également sur le DVD. Il y a officiellement deux éditions. L’une, en 1 DVD, avec le film et des sous-titres français et anglais. L’autre, en 2 DVD, avec des sous-titres anglais seulement mais avec 15 clips des films de SRK en bonus. Curieusement, moi, j’ai une version en 1 DVD avec sous-titres français et les clips. Ne cherchons pas à comprendre. En tout cas, si vous tombez sur cette édition, certes, vous ne pourrez pas utiliser les sous-titres mais vous pourrez toujours rigoler avec eux car la traduction est totalement délirante et en prime, ils sont décalés vers la fin. En fait, vous aurez donc acheté un disque de 15 clips de Shahrukh avec en bonus un film qui vous rappellera le générique du Sacré Graal des Monty Python.
Pour conclure, peut-on dire que Chalte Chalte est un film parfait ? Non. Et loin de là. D’abord la présence à tous les coins de cadrage de Pepsi est assez énervante. Mais plus sérieusement, il y a de nombreux passages pas très passionnants, principalement dans la seconde partie. Et pourtant, malgré ça, ce film embarque une telle joie de vivre, un tel dynamisme, qu’une fois partis dans l’histoire, les moments forts font encore sentir leur inertie pendant les moments plus faibles. Et c’est ça qui est vraiment magique dans Chalte Chalte : bien qu’on réalise clairement ses faiblesses, on en ressort enchanté et heureux (c’est l’effet Bollywood). Paradoxalement, voila peut-être le regret principal qu’on peut avoir car il ne s’en est pas fallu de beaucoup pour que Chalte Chalte ne soit un chef-d’œuvre.
Mais chef-d’œuvre ou pas, pour peu qu’on soit sensible à ce style de cinéma, on passe, et repasse et rerepasse, un excellent moment en compagnie de Raj et Priya. A quand Chalte Chalte 2 ?