Item-girls : 1990-2005, les 3 Khan
Publié vendredi 13 novembre 2015
Dernière modification vendredi 13 novembre 2015
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La dernière décennie du millénaire se profile et Bollywood va connaître à nouveau un profond bouleversement. Trois jeunes premiers vont relancer sans le savoir une industrie sur le déclin. Aamir Khan entre le premier en scène en 1988 dans Qayamat Se Qayamat Tak. C’est ensuite au tour de Salman Khan qui présente l’année suivante Maine Pyar Kiya. Enfin, Shah Rukh Khan arrive en boulet de canon avec Deewana en 1992.
Exit Jackie Shroff, Shakti Kapoor, Rajesh Khanna ou Dharmendra. Amitabh Bachchan n’est plus l’angry young man et Hema Malini n’est plus la dream girl. Il se fera encore de nombreux films insipides, mais les trois jeunes vont placer la barre beaucoup plus haut. Ils vont surtout laisser beaucoup plus d’espaces à leurs partenaires féminines. Juhi Chawla, Kajol, Aishwarya Rai ou Madhuri Dixit vont devenir des vedettes à part entière, plus uniquement des faire-valoir de luxe.
Des réalisateurs beaucoup plus inspirés tels qu’Aditya Chopra, Sanjay Leela Bhansali, ou Karan Johar vont émerger. La musique aussi va changer. A. R. Rahman s’imposera comme le compositeur majeur du sous-continent. Kumar Sanu et Alka Yagnik vont devenir un duo immortel de chanteurs. Les chorégraphies aussi vont se renouveler grâce au talent de Saroj Khan, Ganesh Acharya ou Farah Khan.
La performance de Shilpa Shetty dans Main Aai Hoon UP Bihar Lootne tiré de Shool en 1999 a marqué les esprits. L’expression « item-number », probablement dérivé d’atom bomb (la bombe atomique) est apparue à Bombay pour nommer ce numéro, et par extension toutes les chansons extravagantes qui mettaient le public en joie depuis les débuts du cinéma indien. Ils se font pourtant moins nombreux à l’approche de l’an 2000. C’est ainsi par exemple que DDLJ ou KKHH n’en comportent aucun. Les actrices principales remplissent encore le plus souvent le rôle d’item-girl avant qu’une nouvelle génération, parfois venue de l’étranger, n’arrive pour faire ouvrir de grands yeux aux spectateurs.
Madhuri Dixit est la super-star des années 1990, la nouvelle Madhubala adorée par des millions d’Indiens. Ses débuts n’ont pourtant pas été faciles. Elle était apparue pour la première fois à l’écran dans Abodh en 1984. Elle tenait déjà un rôle principal mais le film fut un échec commercial tout comme les sept suivants. La série funeste s’est interrompue le 11 novembre 1988 lorsque Tezaab est sorti sur les écrans.
Elle y interprète le rôle de Mohini, une danseuse. Son père, l’ignoble Shyamlal (Anupam Kher), doit beaucoup d’argent à des voyous qui se préparent à l’enlever pendant son spectacle pour récupérer leur dû. Mais quel spectacle ! Madhuri Dixit y danse Ek Do Teen par la voix d’Alka Yagnik sur une musique du duo Laxmikant-Pyarelal et des paroles de Javed Akhtar.
Cette chanson fut un immense succès dont bénéficia non seulement Madhuri Dixit, mais aussi Alka Yagnik qui obtint à cette occasion le premier de ses sept Filmfare Awards, et la chorégraphe Saroj Khan qui se vit décerné le premier de ses huit Filmfare Awards. Le trio récidivera cinq ans plus tard dans un autre morceau d’anthologie, Choli Ke Peeche Kya Hai tiré de Khal Nayak, une autre composition de Laxmikant-Pyarelal.
Madhuri Dixit est avant-tout une actrice, mais quand elle danse, elle embrase le public. Même si l’orchestration d’Ek Do Teen qui fait la part belle à la chambre d’écho rappelle la triste période du disco, la dhak dhak girl nous l’a rendue à jamais intemporelle.
Karisma Kapoor est la première de la quatrième génération des Kapoor à tenter sa chance au cinéma. C’était dans Prem Qadi en 1991. Son premier film fut un succès modéré, mais on pouvait remarquer que les stylistes avaient déjà un problème avec la jeune actrice de 17 ans. Ils éprouvent visiblement une difficulté majeure avec sa lourde chevelure bouclée. Ils lui font porter des chapeaux ridicules ou des grosses fleurs sur le coté coté de la tête. Plus tard, ils lui mettront des couettes du plus mauvais effet. Ils ne savent pas plus l’habiller. Karisma manque du charme dont sont faites des vedettes immortelles.
Cela ne l’empêche pas d’avoir du succès. Qu’elle soit opposée à Govinda dans un film semi-comique [1], à Aamir Khan dans Raja Hindustani, à Salman Khan dans Biwi No.1 ou à Shah Rukh Khan dans Dil To Pagal Hai, le public se précipite dans les salles. Ses danses dans la verdure alpine des comédies romantiques sont ordinaires, mais elle parvient à imposer un style original et très énergique dans des numéros plus modernes.
C’est ainsi qu’elle danse Sexy Sexy Mujhe Log Bole par la voix d’Alisha Chinai dans Khuddar en 1994. Ce morceau d’Anu Malik sur des paroles d’Indeevar a fait l’objet d’une vive controverse pour finir par être censuré. La raison du courroux des censeurs ne saute pourtant pas au visage. La chanson développe exactement le même thème que Moi Lolita de notre Alizée nationale : « Ce n’est pas ma faute si je suis trop jolie et que tous les garçons ne pensent qu’à me sauter dessus ». Il n’y a pas un mot plus haut que l’autre. Enfin si… « Sexy ». Ils auraient pu objecter à ce qui ressemble à une incitation à l’Eve teasing, mais non ; ils sont juste été choqués par une évocation du sexe.
Le mot innommable a donc été remplacé par « Baby » avant la sortie du film. Il est ironique de noter que les bien-pensants n’ont pas entendu le « Boys, boys, boys » au milieu de la chanson. Anu Malik a repris dans un clin d’œil formidable quelques notes de la chanson de Sabrina Salerno dont la poitrine débordante avait subjugué l’occident en 1987.
Malaika Arora est née dans la banlieue de Bombay, probablement en 1973. Après son divorce, sa mère l’élève seule avec sa petite sœur Amrita. L’école ne semble pas la passionner car elle quitte l’université après la première année pour se lancer dans le mannequinat. L’année 1993 est un tournant important : elle joue un petit rôle dans Aaja Meri Jaan créditée sous le nom de Malvika Arora, mais surtout, elle tourne une publicité très remarquée pour MR Coffee, une marque de café et de thé instantané. Son partenaire est Arbaaz Khan qui deviendra son mari et le père de ses deux enfants. Par un concours de circonstance étonnant, son mariage fera d’elle la belle-fille d’Helen.
Malaika est encore à cette époque un « vilain petit canard » aux grosses bouclettes et plutôt mal fagotée. La chenille se transforme miraculeusement en papillon et la voilà engagée comme VJ [2] pour la chaîne MTV qui se lance en Inde. Malaika n’arrête pas pour autant sa carrière de mannequin. Bien lui en a pris car son apparition dans le clip de Gur Nalon Ishq Mitha chanté par Bally Sagoo est remarquée par la chorégraphe Farah Khan qui cherchait une item-girl pour Chaiyya Chaiyya dans Dil Se….
Le film de Mani Ratnam sorti en 1998 raconte l’histoire d’Amar (Shah Rukh Khan) qui se prend de passion pour inconnue (Manisha Koirala) sur un quai de gare glacial et désert. Le temps d’aller lui chercher un thé chaud, le train est passé et l’inconnue est partie. Amar rêve…
Sukhwinder Singh et Sapna Awasthi chantent cette incroyable chanson d’A. R. Rahman dont Gulzar a écrit les paroles. Malaika Arora ondule dans cette chorégraphie unique. Le succès est immédiat la propulsant instantanément au sommet. Par la suite, elle réalisera de nombreux item-number dont certains ont également marqué les esprits.
Sa carrière d’actrice n’a jamais décollé. En revanche, elle est encore à plus de 40 ans un mannequin recherché, une personnalité de télévision reconnue et une productrice avisée avec des films comme Dabangg. Et puis, comme ni la maternité ni l’âge ne semblent avoir de prise sur elle, Malaika apparaît encore de temps en temps, l’espace d’une chanson, pour le plus grand plaisir des spectateurs.
Certaines actrices ont peut-être manqué de chance en ne réussissant pas à obtenir la carrière qu’elles méritaient. C’est le cas d’Urmila Matondkar. Elle a bien été nommée six fois aux prestigieux Filmfare Awards, mais elle n’est repartie que deux fois avec la précieuse statuette, et jamais dans la catégorie-reine de la meilleure actrice. Elle n’a jamais eu non plus la joie de participer à un grand succès populaire. Bon an, mal an, elle plaçait chaque année au mieux un film vers la dixième place du boxoffice annuel. À la vérité, une grande partie de ses films ont été des échecs commerciaux. Tout avait pourtant bien commencé…
Urmila Matondkar est née en 1974 à Bombay et plonge encore bébé dans le cinéma. Son premier vrai rôle est un peu étrange : elle joue le fils de Rekha dans Kalyug alors qu’elle n’a que neuf ans. Elle expédie brillamment ses études pour se retrouver au plus vite en tête d’affiche. Elle n’a que 18 ans quand elle donne la réplique à Shah Rukh Khan dans Chamatkar. En 1995, Ram Gopal Varma lui offre Rangeela. Cette fois-ci, c’est Aamir Khan qui lui donne la réplique. Le public est vraiment au rendez-vous pour une des rares fois de sa carrière.
Elle tournera encore neuf fois encore sous la direction de Ram Gopal Varma, totalisant treize films avec le réalisateur. Dans beaucoup d’entre-eux tels que Satya ou Bhoot, elle y montre un talent d’actrice remarquable en jouant ses rôles avec une grande intensité. Urmila Matondkar évolue un peu en marge du star-system de Bombay. Ses choix parfois radicaux lui interdisent l’accès aux blockbusters sentimentaux de l’époque. Ils lui offrent en revanche l’opportunité d’incarner des personnages forts normalement réservés aux hommes. Elle est ainsi une psychopathe dans Kaun ou une amoureuse compulsive dans Pyaar Tune Kya Kiya. Danseuse hors pair, elle s’essaye aussi aux item-numbers. C’est ainsi qu’elle interprète Aa Hi Jaaiye dans Lajja sorti en 2001. Anuradha Sriram est sa voix sur une musique d’Anu Malik et des paroles de Sameer.
Dans ce film qui dénonce le machisme, Raghu (Jackie Shroff) et son épouse Vaidehi (Manisha Koirala) vivent à New-York. Ils viennent d’arriver dans un cabaret où une chanteuse (Urmila Matondkar) se produit. Ce mufle de Raghu ne peut s’empêcher de boire et de faire des avances à tous les jupons qui passent à sa portée…
Urmila Matondkar est d’une élégance rare dans cette chorégraphie de Ganesh Acharya. Elle reprendra même quelques-uns de ses mouvements lors de son apparition dans Om Shanti Om en 2007.
Une ribambelle de starlettes affriolantes a envahi les écrans du cinéma indien au tournant du nouveau millénaire. On a vu ainsi débarquer Kashmira Shah, Mumaith Khan, Rakhi Sawant ou encore Yana Gupta. Certaines telles que Katrina Kaif ont pu embrasser directement la carrière d’actrice. D’autres comme Isha Koppikar ont rongé leur frein en étant connue avant tout pour un seul item-number. La plupart ont tenté d’utiliser la danse comme tremplin, mais seuls de petits rôles dans des films modestes leur ont été proposés et elles sont rapidement retombées dans l’oubli.
Koena Mitra est l’une de ces item-girls qui a pu accéder à une notoriété éphémère. Elle est née en 1984 à Bombay dans une famille hindoue. Ses premiers pas dans la lumière seront sous les projecteurs de concours de miss puis comme mannequin. Justement Bollywood adore les reines de beauté, et même les princesses comme Koena. Elle se voit donc offrir d’emblée l’item-song de Road sorti en 2002.
Khullam Khulla Pyaar se déroule dans une auberge. Alentour et sans rapport avec le spectacle qui se déroule à l’intérieur, Arvind (Vivek Oberoi) et la police cherchent Lakshmi (Antara Mali) qui est tombée aux mains du terrible Babu (Manoj Bajpai). Sunidhi Chauhan et Sonu Nigam prêtent leurs voix sur une musique de Sandesh Shandilya. Les paroles d’Akhilesh Sharma, plus fines qu’il n’y parait, évoquent la relation ambiguë entre Babu et Lakshmi.
Koena est accompagné sur scène par Ganesh Acharya, le chorégraphe de la chanson, dont la mise en image qui colle parfaitement à son temps, n’est pas sans rappeler Khallas tirée de Company. Sans atteindre le même succès, cet item-number a été très bien accueilli et a permis à sa danseuse vedette de devenir actrice. Elle participe ainsi à Muzafir en 2004, à Ek Khiladi Ek Haseena en 2005 et à Apna Sapna Money Money en 2006. Ce n’est pas encore la gloire mais Koena Mitra obtient quand même le privilège d’être interviewée lors la cérémonie fictive des Filmfare Awards de Om Shanti Om.
La chute, car il y en a une, vient d’une intervention chirurgicale malheureuse en 2007. Le préambule de ses lèvres outrageusement botoxées auraient dû la faire hésiter. Mais non, elle décide de faire refaire le nez. C’est une catastrophe digne de Michael Jackson. Konea est défigurée. Elle ne sort pas de chez elle pendant six mois. Les médecins réussissent tant bien que mal à lui rafistoler un bout de museau, mais sa carrière au cinéma est terminée…